La mue tarifaire de Canal+ Congo
L’annonce a fait bruisser les salons connectés de Brazzaville : dès le 7 juillet, la formule « Tout Canal » s’affiche à 27 750 F CFA, contre 44 050 F CFA auparavant. Dans un marché où chaque franc pèse sur le budget des ménages, la décision marque un tournant stratégique. Vendredi 11 juillet, une soirée au Hilton Mpila, ponctuée de notes slamées par la talentueuse Mariusca, a officialisé le virage. Sous les lambris des tours jumelles, le ministre de la Communication et des médias, Thierry Moungalla, saluait « un effort louable d’accessibilité qui consolide la démocratisation culturelle ». Pour Canal+, l’objectif est clair : accroître la base d’abonnés tout en renforçant la valeur perçue d’un bouquet demeuré premium.
Netflix s’invite officiellement dans le bouquet congolais
Fruit d’un partenariat conclu en juin, l’intégration de Netflix dans l’offre Canal+ positionne l’opérateur comme pionnier en Afrique subsaharienne francophone. Les quelque quatre cents chaînes, radios et services se voient désormais épaulés par un catalogue à la demande où les séries originales côtoient les productions hollywoodiennes. Selon les analystes du cabinet Dataxis, l’alliance répond à la double quête de contenus mondiaux et locaux, les téléspectateurs congolais plébiscitant aussi bien les drames nigérians que les blockbusters américains. « C’est un pont entre le multiculturalisme numérique et la singularité congolaise », estime le chercheur Alain Mabiala de l’Université Marien Ngouabi.
Un décodeur G11 pensé pour la connectivité urbaine
La baisse de prix s’accompagne du lancement du décodeur connecté G11, proposé à 10 000 F CFA au lieu de 50 000 F CFA. L’appareil, qui conjugue réception satellite et accès internet, vise les jeunes urbains friands de contenus à la demande. « Nous voulons que l’expérience de visionnage épouse les habitudes mobiles et sociales d’une génération streaming », confie Grâce Ndinga, directrice marketing de Canal+ Congo. À Brazzaville, où les points Wi-Fi se multiplient dans les quartiers de Poto-Poto et Mfilou, l’enjeu réside dans la fluidité du réseau. Le G11 promet une interface simplifiée et des mises à jour automatiques, réduisant le fossé technologique entre foyer câblé et smartphone ultra-nomade.
Enjeux économiques et lutte contre le piratage
L’audiovisuel congolais évolue dans un écosystème où l’IPTV pirate concurrence frontalement les bouquets légaux. Un foyer brazzavillois sur trois déclare connaître une solution de streaming non autorisée, d’après une enquête interne du Conseil supérieur de la liberté de communication. En réajustant ses tarifs, Canal+ espère rapatrier vers l’offre légale une partie de ces utilisateurs. Le ministre Moungalla rappelait à juste titre « la nécessité pour les médias, même étrangers, de jouer un rôle citoyen en préservant la création locale ». Derrière le slogan « Ultimate », la firme plaide pour une synergie public-privé visant à sécuriser les droits d’auteur et à fiabiliser la distribution numérique, gage de recettes fiscales stables pour l’État.
Vers un écosystème audiovisuel porteur d’emplois
La réforme tarifaire dépasse la simple logique commerciale. Canal+ s’engage à dynamiser l’emploi dans la filière créative, en formant des techniciens, en coproduisant des séries panafricaines et en soutenant les festivals cinématographiques de Pointe-Noire et d’Oyo. « La baisse de barrière tarifaire accroît l’audience potentielle, donc la demande de contenus ancrés dans les réalités locales », analyse la sociologue Clarisse Okoumba. Cette dynamique s’aligne sur la vision gouvernementale d’une économie numérique inclusive, saluée à plusieurs reprises par le président Denis Sassou Nguesso comme un levier de diversification. L’extension de Netflix au sein du bouquet pourrait également catalyser des passerelles de production, offrant aux scénaristes congolais une vitrine continentale.
Perspectives d’une consommation culturelle renouvelée
La formule « Tout Canal » revisitée pourrait reconfigurer la cartographie des audiences. Entre matchs de Premier League sur Supersport et sagas sud-coréennes en streaming, le spectateur congolais accède à un éventail de programmes sans précédent. Reste l’enjeu de la bande passante, variable selon les quartiers. Des opérateurs télécoms planchent déjà sur des forfaits data assortis aux nouvelles habitudes de binge-watching. Si les promesses se matérialisent, Brazzaville pourrait devenir un laboratoire régional de consommation culturelle hybride, au croisement du satellite, du haut débit et de la création locale. Dans un marché où la concurrence s’aiguise, la manœuvre de Canal+ apparaît donc comme un pari audacieux mais calculé, susceptible de remodeler durablement le paysage audiovisuel congolais.