Des assises nationales au diagnostic partagé
Clôturée le 18 juillet à Brazzaville, la seconde session du Conseil national de la santé a réuni administrateurs, cliniciens, chercheurs et partenaires techniques autour d’un constat consensuel : malgré des progrès tangibles depuis la décennie 2000, le système congolais demeure soumis à des tensions structurelles. Le thème choisi, « La gouvernance du système de santé congolais face aux défis de l’objectif de développement durable 3 », a donné le ton. Derrière l’intitulé technocratique, il s’agissait de dresser un diagnostic serré, à la fois financier, organisationnel et territorial, afin d’esquisser un cap susceptible de rapprocher le pays des cibles internationales fixées pour 2030. Dans les couloirs du Palais des Congrès, plusieurs experts rappelaient discrètement que l’ODD3 ne se résume pas à la réduction de la mortalité maternelle ; il induit aussi une protection sociale élargie et une vigilance accrue face aux menaces émergentes telles que les épidémies zoonotiques.
Financement et infrastructures, les deux chantiers phares
Les délibérations ont confirmé que la question budgétaire demeure la clé de voûte de toute réforme. Bien que la part de la santé dans le budget national ait progressé, elle reste en deçà du seuil de 15 % préconisé par la Déclaration d’Abuja. Les participants ont proposé d’institutionnaliser un mécanisme de financement basé sur la performance afin de sécuriser des ressources domestiques pérennes tout en favorisant une gestion axée sur les résultats. Parallèlement, la modernisation des plateaux techniques suscite un consensus inédit. Des districts sanitaires aux hôpitaux de niveau tertiaire, le déficit d’équipements biomédicaux et la vétusté de certaines structures freinent la qualité des soins. Selon un responsable de la Direction des infrastructures, « rationaliser l’allocation des investissements reste notre priorité si nous voulons réduire les évacuations sanitaires coûteuses ». Le futur décret annoncé devrait encadrer la procédure d’audit régulier des équipements afin d’éviter l’obsolescence silencieuse.
Partenariat privé et participation communautaire
La session a également consacré le retour en force du secteur privé comme maillon complémentaire du service public. Qu’il s’agisse des cliniques urbaines ou des infirmiers libéraux en zone péri-urbaine, le maillage reste hétérogène mais porteur de solutions agiles. Les recommandations appellent à une contractualisation équilibrée, définissant des normes de qualité et des barèmes tarifaires transparents. Cette ouverture n’entend pas déléguer la responsabilité régalienne de l’État ; elle la renforce en élargissant le champ de la couverture sanitaire. Dans le même esprit, la participation communautaire prend des accents nouveaux. Les comités de santé de village, longtemps considérés comme des instances protocolaires, devraient être réhabilités pour instaurer une veille citoyenne sur la disponibilité des intrants et la continuité du service. « La légitimité d’un district sanitaire se mesure à la voix qu’il donne à ses usagers », souligne un sociologue de la santé présent aux travaux.
Santé publique et climat, une équation nouvelle
L’influence croissante des dérèglements climatiques s’est invitée dans les discussions, confirmant la transversalité des risques sanitaires. Inondations prolongées, recrudescence du paludisme et migration des vecteurs : la cartographie des vulnérabilités se complexifie. Les experts plaident pour l’intégration systématique des données météorologiques dans les plans de riposte épidémiologique et pour la formation de vigies locales capables d’alerter précocement sur les flambées. L’idée d’un observatoire national climat-santé a été accueillie favorablement, avec l’objectif de mutualiser les informations issues des ministères de la Santé, de l’Environnement et de la Recherche scientifique. Cet outil favoriserait une anticipation stratégique, alors même que les financements internationaux pour l’adaptation climatique deviennent plus compétitifs.
Vers l’ODD3 : engagements gouvernementaux réaffirmés
Au terme des débats, toutes les recommandations ont été entérinées à l’unanimité, signe d’une volonté commune de transformer le diagnostic en plan d’action. Le projet de décret modifiant le texte de 1984 constitue la première pierre juridique de cette nouvelle architecture. En clôturant les travaux, le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, a rappelé que « la santé de notre nation est le bien le plus précieux que nous devons protéger », avant d’appeler à une mobilisation collective audacieuse. Dans les cercles universitaires de Brazzaville, l’heure est désormais aux indicateurs : calendrier précis, repartition des responsabilités et critères de suivi seront scrutés par les partenaires techniques. En s’appuyant sur un réseau de coopération multilatérale et un secteur privé en pleine expansion, le Congo-Brazzaville entend faire de la gouvernance sanitaire un levier de stabilité sociale et de croissance inclusive, fidèle à la vision portée par les Objectifs de développement durable.