Un signal fort pour l’initiative privée
À l’heure où les indicateurs macro-économiques du Congo-Brazzaville retrouvent un souffle, la Fondation Telema a donné le coup d’envoi de sa quatrième cohorte d’incubation. Vingt-six porteurs de projets, retenus parmi plus de mille candidatures, ont pris place dans l’amphithéâtre de l’institution, avenue de la Base, à Brazzaville. La cérémonie a été présidée par Jesse Franck Goma, secrétaire général de la fondation, qui a plaidé pour « une communauté d’entrepreneurs soudés par la solidarité et la rigueur ». Ce positionnement s’inscrit dans la volonté gouvernementale de promouvoir le secteur privé comme levier de diversification, à rebours d’une économie longtemps centrée sur les hydrocarbures.
Vingt-et-six profils, un même défi
La promotion 2024 se distingue par la variété des projets : transformation agro-alimentaire, services numériques, recyclage urbain ou encore design textile. Les âges oscillent entre vingt-et-un et trente-trois ans, reflet d’une génération qui cherche à convertir sa créativité en revenus durables. Si le ratio d’admission – moins de 3 % – atteste de la sélectivité du programme, il renforce aussi la crédibilité d’un accompagnement conçu pour produire de véritables success-stories locales.
Une pédagogie par l’action
Pendant trois semaines, du 18 juillet au 8 août, les participants parcourront un curriculum dense : élaboration de business models, management d’équipe, gouvernance d’entreprise et développement personnel. Les formateurs privilégient la simulation de marché, les études de cas et le mentorat inversé, où l’incubé devient, le temps d’un atelier, le consultant de son voisin. L’idée est de casser la verticalité académique classique pour adopter un apprentissage par immersion, jugé plus compatible avec la réalité mouvante des marchés locaux.
Investir dans l’humain avant le capital
La Fondation Telema ne se limite pas au transfert de compétences. Elle met en jeu des instruments financiers ciblés. Depuis 2019, l’organisation a mobilisé plus de cent millions de francs CFA en subventions et prêts d’amorçage, débloqués après un audit de maturité. Selon ses propres statistiques, trente-trois entreprises ont déjà franchi le cap de la première année d’activité sous sa houlette, générant quatre-vingt-cinq emplois directs. « Nous devons nous rappeler qu’un projet solide peut nourrir plusieurs familles », a rappelé Jesse Franck Goma, insistant sur la valeur sociétale d’un tissu entrepreneurial robuste.
Un écosystème en quête de cohérence
L’initiative Telema arrive dans un environnement qui voit se multiplier incubateurs privés, hubs universitaires et dispositifs publics tels que le Fonds national d’appui à l’employabilité. Le défi reste toutefois l’articulation entre ces briques. Sans synergie, les entrepreneurs risquent de naviguer entre guichets sans trouver la boussole administrative. Des discussions sont en cours avec le ministère des Petites et Moyennes Entreprises pour mutualiser diagnostics et plateformes numériques. L’approche graduelle, respectueuse des prérogatives de chacun, semble gagner du terrain.
Effets d’entraînement sur l’économie urbaine
À Brazzaville, près d’un tiers des actifs âgés de dix-huit à trente-cinq ans envisagent la création d’entreprise comme solution au chômage (enquête PNUD, 2023). Dans ce contexte, Telema joue un rôle d’accélérateur. En injectant de la formation structurante, l’incubateur réduit le taux d’échec endémique des jeunes pousses, estimé à 60 % sur les trois premières années. Les bénéficiaires citent la capacité à accéder aux marchés publics, à maîtriser l’ingénierie financière et à nouer des partenariats transfrontaliers comme principaux atouts du programme.
Regards d’experts et témoignages de terrain
Pour l’économiste urbain Patrick Ikounga, la démarche illustre « un changement de paradigme : on passe de la recherche d’emplois à la création d’opportunités ». Même écho chez Christelle Boutsia, lauréate de la deuxième cohorte et fondatrice d’une start-up de cosmétiques bio : « Sans l’effet miroir du mentorat, j’aurais perdu un temps précieux à valider mes hypothèses de marché. » Ces voix convergent pour souligner l’importance de l’accompagnement post-incubation, souvent négligé par les programmes analogues de la sous-région.
Vers une culture entrepreneuriale pérenne
Au-delà des chiffres, la valeur ajoutée de la Fondation Telema réside dans la diffusion d’un état d’esprit : l’idée que l’échec n’est pas infamant mais formateur, que le partage d’expériences vaut parfois plus qu’un apport financier. Ce prisme culturel, adossé à la stabilité politique observée ces dernières années, nourrit un climat de confiance propice à la prise de risque économique. Si les retombées à grande échelle restent à consolider, la dynamique enclenchée indique que l’entrepreneuriat peut, à terme, devenir un pilier central du développement national.
Cap sur l’après-incubation
Les vingt-six entrepreneurs disposent désormais de soixante jours pour finaliser leur plan d’affaires avant le Demo-Day prévu à la rentrée. À cette occasion, investisseurs locaux et organisations internationales seront invités à examiner les projets et, éventuellement, à prendre des participations. La Fondation Telema espère ainsi créer un cercle vertueux où la réussite d’une cohorte finance la suivante. Un modèle qui, s’il se confirme, pourrait inspirer d’autres acteurs du continent et placer Brazzaville sur la carte des hubs émergents de l’innovation africaine.