Un tournoi né dans l’effervescence des artères de Ouenzé
Au cœur du cinquième arrondissement, là où le ciment des cours d’école côtoie l’animation des marchés, le tournoi Ouenzé Lisanga a vu le jour il y a quinze ans sous l’impulsion d’éducateurs passionnés. Leur idée initiale était simple : offrir à la jeunesse un cadre sécurisé pour exprimer son amour du ballon rond et, par la même occasion, canaliser une énergie débordante durant la longue trêve des grandes vacances. L’événement, d’abord modeste, est désormais attendu comme un rituel estival dont la réputation franchit largement les limites du quartier.
Une quinzième édition aux ambitions élargies
Le 20 juillet, sur la pelouse verdoyante du lycée technique 5 février 1979, le député de la première circonscription de Ouenzé, Juste Désiré Mondélé, a donné le coup d’envoi officiel de la compétition. Seize formations issues des dix quartiers de l’arrondissement se livreront bataille pendant trois semaines réparties sur trois sites distincts. En marge du protocole de lancement, l’élu a remis des jeux de maillots, des ballons et du matériel d’entraînement, rappelant qu’« en réalité, c’est la jeunesse de Ouenzé, la jeunesse de Brazzaville qui va gagner ».
La synergie intergénérationnelle comme fil rouge
Depuis l’origine, les organisateurs veillent à associer anciens et nouveaux visages du football local. Ce dialogue entre époques confère à Ouenzé Lisanga une dimension patrimoniale qu’illustrent la présence, en tribune, d’icônes telles qu’Ange Ngapi ou Franchel Ibara. Ces vétérans, pour qui le stade n’a jamais cessé d’être une seconde maison, offrent aux participants « un miroir inspirant », explique l’entraîneur Joseph Koumba, convaincu que la transmission des valeurs de rigueur et d’humilité reste la plus sûre école de formation.
Un tremplin sportif mais aussi social
Sur le rectangle vert, l’enjeu dépasse la quête d’un trophée. À travers les tribunes animées, le tournoi consolide des liens communautaires parfois mis à rude épreuve par les défis urbains. Les matches servent de prétexte à la rencontre entre familles, commerçants et responsables locaux. Pour la sociologue Mireille Dzonte, « l’événement agit comme un trait d’union entre la rue et l’institution, rappelant que le sport est un langage que tout le monde partage ». Le mot d’ordre demeure le fair-play, valeur centrale martelée avant chaque coup d’envoi et soutenue par la présence d’un corps arbitral fédéral.
Les anciens internationaux, parrains d’un rêve collectif
Chaleur Mouyabi, figure emblématique des Diables Rouges, ne cache pas son émotion lorsqu’il observe les jeunes dribbler sur un terrain qui lui rappelle ses débuts. « J’ai plusieurs souvenirs qui me reviennent lorsque je regarde ces jeunes jouer parce que je suis passé par le football de la rue », confie-t-il avant de plaider pour la multiplication d’initiatives analogues sur l’ensemble du territoire. Son appel s’inscrit dans la stratégie nationale de développement du sport pour tous, laquelle encourage la décentralisation des compétitions de base afin de diversifier les viviers de talents.
L’ouverture de la compétition, un premier test révélateur
Le match inaugural a offert un avant-goût de la densité technique qui attend les spectateurs. L’AS Dépôt et la formation 42 Ans se sont quittées dos à dos, un but partout, après quatre-vingt minutes rythmées par un pressing agressif et des transitions offensives éclairs. Derrière le score, les recruteurs amateurs ont noté la maîtrise balle au pied de l’attaquant Stéphane Mbemba, âgé de dix-huit ans, tandis que la défense de 42 Ans s’est distinguée par une discipline tactique rarement aperçue à ce niveau de compétition.
Des retombées économiques ponctuelles mais croissantes
Autour du stade, vendeuses de beignets, couturiers de fanions et jeunes auto-entrepreneurs spécialisés dans la diffusion en direct via téléphones portables profitent d’un afflux de clientèle inhabituel. Les autorités municipales estiment que les revenus générés, bien qu’encore modestes, constituent un baromètre encourageant pour l’économie informelle. La direction du tournoi envisage d’ailleurs d’intégrer, dès l’année prochaine, des stands officiels pour structurer ces activités et accroître la sécurité sanitaire, répondant ainsi aux recommandations des services de la préfecture.
Vers un maillage sportif durable à Brazzaville
Si les trophées finiront par trôner dans la vitrine d’un club, l’héritage véritable de Ouenzé Lisanga résidera dans sa capacité à inspirer d’autres arrondissements. Le ministère des Sports, qui a multiplié ces derniers mois les ateliers sur la professionnalisation de la filière football, observe avec intérêt la gouvernance participative du tournoi. Un rapport interne datant du mois de juin souligne que les compétitions communautaires, lorsqu’elles bénéficient d’un encadrement sérieux, « préparent efficacement les jeunes aux exigences du championnat national et renforcent la convivialité citoyenne ». Dans cette perspective, la mairie de Brazzaville étudie la possibilité de doter prochainement les sites de jeu de vestiaires supplémentaires et d’éclairage nocturne économe en énergie.
Cap sur la finale et au-delà
Alors que le calendrier s’égrène, chaque soirée voit les gradins se remplir un peu plus. Le public, jeune et connecté, relaie les plus belles actions sur les réseaux sociaux, assurant la viralité numérique dont le tournoi manquait autrefois. La finale, prévue début août, promet déjà une affluence record et pourrait servir de vitrine à de nouveaux partenariats privés. Au-delà des chiffres et des applaudissements, Ouenzé Lisanga s’affirme comme un espace d’expression populaire où la passion du football s’entremêle aux aspirations d’une génération qui, du bitume à la pelouse, cherche à écrire son propre récit.