Un tête-à-tête diplomatique à Skopje
Le 21 juillet, Timčo Mucunski, ministre des Affaires étrangères de la Macédoine du Nord, a déroulé le tapis rouge à son homologue marocain Nasser Bourita dans une capitale balkanique rarement associée aux débats africains. Au terme de leur entretien, une déclaration conjointe a célébré « les avancées majeures réalisées par le Royaume du Maroc au cours des deux dernières décennies », scellant ainsi un consensus transcontinental. Dans les couloirs du ministère macédonien, un haut fonctionnaire confiait que « Rabat incarne aujourd’hui un partenaire crédible, capable de relier l’Europe du Sud-Est à l’Afrique émergente » (source diplomatique à Skopje).
Vingt ans de réformes marocaines scrutées
Depuis le début des années 2000, le Maroc déroule un chantier institutionnel et économique d’envergure qui suscite l’intérêt de nombreux observateurs. Révision du code de la famille, généralisation progressive de la couverture sociale, montée en puissance d’un réseau d’infrastructures portuaires et ferroviaires : autant de marqueurs d’un modèle que certains analystes qualifient de « développement graduel mais sûr ». La déclaration de Skopje souligne en particulier le Nouveau Modèle de Développement, feuille de route adoptée en 2021 pour hisser le Royaume parmi les économies intermédiaires à fort contenu technologique.
L’Atlantique, nouveau théâtre géostratégique
Au-delà des réformes internes, Rabat s’affirme sur le front multilatéral avec l’initiative des États atlantiques d’Afrique, l’ouverture de l’Atlantique au Sahel et le mégaprojet de gazoduc Nigéria-Maroc. Skopje salue ces « leviers essentiels pour une intégration régionale durable », considérant que le corridor énergétique en préparation pourrait, à terme, irriguer l’Europe du Sud-Est en gaz nigérian via Tanger puis l’Espagne. Pour le professeur Miljan Stojanović, spécialiste des politiques euro-méditerranéennes à l’Université de Bitola, « le Maroc s’installe à la croisée des chemins énergétiques, un positionnement que peu de pays africains peuvent revendiquer ».
La Macédoine du Nord cherche une passerelle africaine
Coincée entre l’aspiration à rejoindre l’Union européenne et la nécessité de diversifier ses marchés, la Macédoine du Nord voit dans Rabat une tête de pont vers les 1,4 milliard de consommateurs africains. Skopje capitalise sur sa présidence tournante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe pour multiplier les passerelles Sud-Sud. Dans le sillage de la déclaration conjointe, des diplomates macédoniens évoquent déjà un futur Conseil économique mixte, outil censé accélérer les investissements croisés dans l’agro-industrie et les énergies renouvelables.
Brazzaville observe et se projette
Depuis les rives du fleuve Congo, cette convergence euro-maghrébine ne passe pas inaperçue. « Chaque fois qu’un pays européen reconnaît la solidité des réformes marocaines, c’est tout le narratif africain de la stabilité qui gagne en crédibilité », analyse Dr Jean-Marc Nkouta, politologue à l’Université Marien-Ngouabi. Pour Brazzaville, impliquée dans les travaux de la Commission du Bassin du Congo et dans l’agenda de la Zone de libre-échange continentale, le modèle marocain offre un laboratoire d’expériences concrètes : industrialisation à valeur ajoutée, développement portuaire tourné vers l’Atlantique, diplomatie climatique conciliant adaptation et finance verte. Dans les cafés de Poto-Poto, les jeunes entrepreneurs commentent déjà la perspective d’un axe Casablanca-Pointe-Noire capable d’ouvrir de nouveaux débouchés logistiques.
Vers une prospérité partagée
En affichant son soutien aux priorités de Mohammed VI, la Macédoine du Nord s’inscrit dans une dynamique où l’Afrique devient un partenaire de solutions plutôt qu’un réceptacle de programmes externes. Rabat, de son côté, consolide un capital politique utile pour la mise en œuvre de projets structurants, tandis que d’autres capitales africaines, Brazzaville incluse, disposent désormais d’un précédent diplomatique à suivre ou à adapter. L’enthousiasme affiché à Skopje rappelle qu’en diplomatie, la distance géographique ne constitue plus un obstacle insurmontable : elle peut même devenir le prétexte d’alliances inattendues et, espérons-le, mutuellement bénéfiques.