Un partenariat historique au cœur de Brazzaville
Au fil des décennies, l’Organisation mondiale de la santé et la République du Congo ont tissé une relation stratégique que symbolise le siège régional de l’OMS pour l’Afrique, installé sur les rives du fleuve Congo depuis 1952. Dans cette ville où se croisent chercheurs, praticiens et décideurs, l’annonce par le directeur régional, le Pr Mohamed Yakub Janabi, de la convocation prochaine d’une commission mixte sonne comme un rappel que la diplomatie sanitaire trouve ici un terrain d’expression privilégié. L’initiative, saluée par le ministre de la Coopération internationale et du Partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, vise à mettre en cohérence ambitions nationales et stratégies onusiennes, dans un contexte marqué par la montée des épidémies émergentes et par la nécessité d’atteindre les Objectifs de développement durable.
Des soins primaires aux défis communautaires
Le mandat de la commission mixte inclura, selon les deux parties, un focus appuyé sur les soins de santé primaires, pierre angulaire d’une couverture sanitaire universelle encore en construction sous les tropiques. Les discussions devront notamment examiner la viabilité des centres de santé intégrés, la disponibilité des médicaments essentiels et la mise à niveau du plateau technique en périphérie urbaine. « Notre objectif commun est de rapprocher le service de l’usager, jusque dans les quartiers populaires de Brazzaville et dans les villages du Pool », précise une source au ministère de la Santé, convaincue que la consolidation des relais communautaires permettra de décharger les hôpitaux de référence.
Former, retenir et valoriser les compétences médicales
La commission abordera également la formation et la rétention des ressources humaines, enjeu vital pour un pays où le ratio médecins-habitants reste inférieur aux standards recommandés. L’université Marien-Ngouabi accueille chaque année plusieurs centaines d’étudiants en médecine, mais les stages pratiques peinent à suivre le rythme. L’OMS entend donc soutenir des partenariats triangulaires entre facultés, instituts de recherche et établissements hospitaliers afin de multiplier les terrains d’apprentissage et de recherche appliquée. L’objectif est double : élever le niveau académique et réduire l’exode des compétences vers l’étranger, en offrant des perspectives de carrière et de recherche au sein même du territoire congolais.
Un foncier stratégique pour un campus de la santé
Au-delà des programmes, la mise à disposition, par le gouvernement, d’un vaste terrain au profit de l’OMS alimente de fortes attentes. Située à la lisière nord de Brazzaville, la parcelle est pressentie pour accueillir un campus multifonctionnel, associant centre de formation, laboratoire de niveau P3 et plateforme logistique. « Le potentiel de cette emprise foncière est considérable », confie un urbaniste du cabinet municipal, qui y voit la promesse d’un pôle de compétitivité sanitaire capable d’irriguer toute la sous-région. Les discussions de la commission devront préciser les modalités de co-financement, de gouvernance et de gestion environnementale, autant de paramètres déterminants pour transformer la promesse en réalité tangible.
Brazzaville, capitale sanitaire d’une Afrique résiliente
Par la voix du Pr Janabi, l’OMS a balayé les rumeurs de relocalisation de son bureau régional, réaffirmant que « Brazzaville reste et restera la capitale sanitaire de l’Afrique ». Cette déclaration, accueillie avec satisfaction dans les milieux diplomatiques, conforte le leadership du Congo en matière de santé publique. Pour le président Denis Sassou Nguesso, souvent cité comme ardent défenseur de la coopération multilatérale, l’enjeu va au-delà du prestige : il s’agit de garantir un accès équitable aux soins et d’anticiper les crises sanitaires, dans une Afrique où l’urbanisation et la mobilité augmentent les risques d’épidémies.
Des bénéfices attendus pour la jeunesse urbaine
Dans la capitale, près de la moitié de la population a moins de trente ans. Les associations étudiantes rappellent que la santé constitue un prérequis pour l’employabilité et la créativité. Les retombées attendues de la commission mixte, qu’il s’agisse d’un meilleur maillage des centres de santé ou de la création d’emplois qualifiés dans le biomédical, répondent donc à des aspirations concrètes. Un jeune pharmacien diplômé l’an dernier confie « espérer que ces avancées nous permettront de bâtir nos carrières sans devoir quitter Brazzaville ». Cet enthousiasme raisonné souligne la responsabilité des décideurs à traduire les promesses en mesures tangibles.
Vers une feuille de route partagée
Au terme des échanges annoncés, une feuille de route quinquennale devrait être soumise à la validation conjointe du gouvernement et de l’OMS. Elle viendra mettre à jour l’accord de coopération signé en 2019, en l’adaptant aux enseignements de la pandémie de Covid-19 et aux défis émergents tels que la santé numérique ou la réponse aux maladies non transmissibles. En attendant, la tenue prochaine de la commission mixte rappelle que la diplomatie sanitaire n’est pas qu’une affaire de déclarations : elle est un travail de fond, minutieux, où chaque détail compte pour garantir des systèmes de santé robustes et inclusifs.