Un emballement numérique aux résonances morbides
Au petit matin, les fils d’actualité de milliers de Congolais se sont couverts de condoléances précipitées : Prince Malaky, entrepreneur charismatique et directeur général de Webtinix, aurait succombé à des blessures par balles, tout comme son frère Jimmy. En l’espace de quelques heures, les réseaux sociaux ont érigé une fiction collective, renforcée par des photomontages de faire-parts, des captures d’écran trafiquées et même de supposés certificats de décès. Le caractère brutal de l’annonce, additionné à l’aura publique de la fratrie, a suffi à déclencher une tempête émotionnelle, illustrant une nouvelle fois la capacité d’amplification des plateformes numériques dans un contexte urbain où l’information circule plus vite que le trafic sur l’avenue de la Paix.
Les faits, entre agression nocturne et hospitalisation
L’élément déclencheur réside pourtant dans un évènement bien réel : une attaque armée survenue dans la nuit de mercredi à jeudi, non loin du rond-point Mikalou, alors que les deux frères quittaient une conférence consacrée à l’innovation logicielle. Blessés mais conscients, ils ont été évacués vers l’hôpital central des armées, établissement de référence pour les cas d’urgence à Brazzaville. Le rapport médical consulté par nos soins signale « des lésions modérées, sans pronostic vital engagé ». Aucune source hospitalière n’a, à aucun moment, évoqué un décès.
Le rôle pivot de Webtinix dans la tempête médiatique
Face au déferlement de rumeurs, la cellule de communication de Webtinix a dégainé un communiqué lapidaire : « Monsieur Prince et Monsieur Jimmy Malaky sont bien vivants et en sécurité. Nous invitons le public à ne pas relayer de fausses informations ». Ce court texte, publié simultanément sur Twitter, Facebook et LinkedIn, a fonctionné comme soupape de réalité. En interne, révèle une source proche du management, une visioconférence de crise a réuni avocats, médecins et community managers pour harmoniser la stratégie, preuve d’une maturité croissante des acteurs économiques locaux face aux risques informationnels.
Autorités et société civile : défendre l’espace informationnel
Le ministère de la Communication et des Médias, qui pilote depuis 2022 un programme de lutte contre la désinformation, a rappelé par voie de presse « l’obligation citoyenne de vérifier toute allégation sensible auprès des canaux institutionnels ». Des responsables d’ONG spécialisées, à l’image du Collectif Libre-Info, ont salué une prise de parole « rapide et coordonnée » susceptible de limiter les dégâts réputationnels pour l’écosystème tech congolais. Cet épisode intervient alors que le gouvernement promeut le Plan national du numérique 2025, lequel mise sur la confiance des investisseurs et sur la diffusion d’une culture digitale responsable pour attirer de nouveaux capitaux.
Retrouver la raison à l’ère de l’immédiateté virale
Les malentendus funèbres autour des frères Malaky rappellent crûment que l’économie de l’attention ne tolère pas le vide : lorsqu’aucune information certifiée n’est disponible, la rumeur s’engouffre. Dans un contexte urbain jeune, connecté et avide de scoops, l’éducation aux médias devient un enjeu aussi stratégique que l’accès à la fibre optique. Aux dires de la sociologue Mireille Akouala, « partager un contenu non vérifié peut sembler anodin, mais il revient à jeter du carburant sur un brasier social ».
Aujourd’hui, Prince et Jimmy Malaky se remettent doucement, entourés de leur famille et d’un dispositif de sécurité renforcé. Leur prochain défi sera de transformer cette mésaventure en levier pédagogique, pourquoi pas lors d’une future table ronde sur la cybersécurité qu’ils ambitionnaient déjà d’organiser. La survie de leur réputation, préservée in extremis, rappelle qu’à Brazzaville aussi, l’intégrité de l’information conditionne la résilience de la sphère économique. Ainsi se clôt un épisode où la réalité a su reprendre le dessus, non sans rappeler à chacun l’impérieux devoir de discernement.