Les indicateurs virent progressivement au vert
Sous l’égide du ministre des Finances, Christian Yoka, la deuxième session ordinaire du CNEF a dressé un tableau nuancé mais globalement encourageant de la conjoncture nationale. La vigueur des investissements dans l’amont pétrolier, conjuguée à la bonne tenue de l’agro-industrie, des télécommunications et des services urbains, a généré un excédent budgétaire et porté la masse monétaire à un niveau inédit depuis cinq ans. Pour la Banque des États de l’Afrique centrale, qui affine ses modèles sur la base des récentes séries statistiques, le taux de croissance réel pourrait atteindre 1,8 % en 2025, soit trois dixièmes de point de plus qu’en 2024.
Croissance modérée et infléchissement budgétaire
L’administration budgétaire engrange les premiers dividendes de la discipline fiscale introduite au lendemain des consultations régionales de la CEMAC. La réduction calculée de certaines subventions et la rationalisation des dépenses courantes ont dessiné une marge de manœuvre permettant d’accroître la part allouée aux projets structurants, notamment dans les infrastructures électriques et les corridors routiers d’exportation. « La soutenabilité des finances publiques demeure la boussole de notre action », a souligné M. Yoka, rappelant que la stratégie de trésorerie privilégie désormais la prévention de tout dérapage plutôt que la correction a posteriori.
Une poussée inflationniste sous contrôle attentif
Le renchérissement des intrants importés et les intermittences locales d’approvisionnement en énergie exercent une pression sur l’indice général des prix. La BEAC anticipe une inflation moyenne annuelle de 3,5 %, légèrement au-dessus de la norme communautaire fixée à 3 %. Les autorités monétaires se veulent pourtant rassurantes, estimant que les réserves de change et la trajectoire budgétaire réduisent le risque de spirale. La mise en service graduelle du barrage de Liouesso et l’assouplissement temporaire des droits de douane sur certains produits de première nécessité devraient contenir la flambée observée dans les marchés de périphérie.
Crédit bancaire : un moteur prudent mais régulier
Le secteur bancaire enregistre une hausse de 3,3 % de l’encours des prêts à la clientèle, lequel culmine à 1 647 milliards de francs CFA fin mars 2025. Selon Marcel Ondélé, secrétaire général de la COBAC, « cette progression témoigne d’un regain de confiance, surtout auprès des petites et moyennes entreprises, sans compromettre la qualité du portefeuille ». Corollaire de cet élan, les créances douteuses reculent de 1,3 %, phénomène attribué à un meilleur ciblage des bénéficiaires et à la diffusion d’outils de scoring plus fins. Les banques brazzavilloises consolident ainsi leurs coussins de liquidité tout en accompagnant les acteurs du BTP et de la distribution alimentaire, segments considérés comme prioritaires pour l’emploi urbain.
Marché des valeurs du Trésor : des besoins plus contenus
Après un pic d’émissions en 2023-2024, le recours à la dette domestique marque une pause : les besoins exprimés chutent de 22,37 % sur un trimestre tandis que l’encours se stabilise à 2 528,14 milliards de francs CFA. Cette décrue traduit l’effet conjugué d’une gestion de caisse plus serrée et du dialogue permanent instauré entre la Direction générale du Trésor et son réseau de spécialistes en valeurs du Trésor. Louis Banga Ntolo, directeur général de la BVMAC, voit dans cette évolution « la matérialisation d’un marché plus profond, capable d’absorber les adjudications sans tension ni prime de risque excessive ». En glissement annuel, l’encours progresse néanmoins de 6,9 %, signe qu’un filet de financement interne demeure indispensable pour soutenir les chantiers stratégiques.
Cap sur une croissance plus inclusive
Les perspectives dévoilées par le CNEF convergent vers le scénario d’une expansion lente mais mieux diversifiée. L’enjeu, pour 2025 et au-delà, consiste à amplifier les retombées sociales de la reprise en consolidant l’écosystème entrepreneurial des centres urbains. Le ministre de l’Économie, Ludovic Ngatsé, évoque à cet égard des dispositifs incitatifs destinés à la transformation locale des produits agricoles et forestiers, de manière à réduire la facture des importations et à stabiliser l’emploi des jeunes diplômés.
La route reste toutefois jalonnée de risques exogènes : la volatilité des cours du brut, les incertitudes géopolitiques et la trajectoire des taux directeurs internationaux peuvent altérer la prévisibilité des flux financiers. Face à ces aléas, la stratégie congolaise mise sur la crédibilité des réformes budgétaires, la modernisation de la gouvernance publique et la coopération renforcée avec les institutions régionales.
Vers un second semestre sous surveillance active
En clôturant la session, le président du CNEF a insisté sur la nécessité d’une vigilance continue. L’amélioration des indicateurs, aussi tangible soit-elle, demeure réversible si les réformes de consolidation ne s’enracinent pas. Les techniciens de la BEAC scruteront donc le comportement des prix aux frontières, tandis que la Direction du Trésor ajustera son calendrier d’émissions au gré des besoins réels de financement. Enfin, la commission bancaire intensifiera ses inspections pour prévenir toute dérive dans la distribution de crédit.
Dans un contexte mondial qui oscille entre resserrement monétaire et tensions géopolitiques, la République du Congo avance avec pragmatisme. L’équation consiste à préserver l’élan retrouvé sans sacrifier la stabilité, gage d’un développement durable que l’exécutif veut à la fois inclusif et résilient.