Coopération Congo Brésil : un épisode décisif
Signé au siège du ministère brésilien des Finances, l’avenant du 22 juillet marque la première actualisation formelle des Accords de rééchelonnement du 23 septembre 2014. Aux côtés de Sônia de Almendra F. Portella Nunes, haute responsable de Brasilia, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire Louis Sylvain-Goma a engagé Brazzaville dans une phase qualifiée de « pragmatique et tournée vers l’avenir » par une source diplomatique congolaise présente lors de la cérémonie.
Autorisée simultanément par le Sénat brésilien et le Parlement congolais, la signature consacre le retour à un dialogue structurel après l’éclipse provoquée par les chocs pétroliers de 2014-2016 puis par la pandémie. « Cet avenant est la traduction financière d’une confiance mutuelle retrouvée », a confié l’ambassadeur congolais, louant un cadre de négociation « rassurant pour les créanciers et soutenable pour le Trésor public ».
Du Libor au Term SOFR : un virage technique majeur
La disparition du Libor, indice historique du marché interbancaire londonien, contraint les États signataires à recalibrer leurs engagements. Le choix du Term SOFR, taux garanti par les bons du Trésor américain et publié par Bloomberg, répond à un double impératif : sécuriser la transparence méthodologique et réduire la volatilité des charges d’emprunt.
Pour Brazzaville, le glissement vers un repère de référence adossé aux marchés US supprime un biais de marché devenu obsolète depuis les scandales de manipulation du Libor. Les analystes de l’institut de recherche économique de l’Université Marien-Ngouabi estiment que « le différentiel de coût pourrait, à horizon 2028, dégager un gain cumulatif de 15 à 20 millions de dollars ». La prudence reste toutefois de mise, le Term SOFR demeurant sensible aux cycles monétaires américains.
Allégement de la dette : un souffle macroéconomique
Dans la trajectoire budgétaire 2023-2026, le service de la dette extérieure représente encore près d’un tiers des dépenses totales de l’État congolais selon la direction générale du Trésor. La perspective d’un second avenant, déjà sur la table du Sénat brésilien, laisse entrevoir une réduction de l’encours nominal évalué à environ 450 millions de dollars.
Au-delà des chiffres, l’opération conforte la stratégie gouvernementale d’assainissement des comptes. Le ministère congolais des Finances souligne que « les marges budgétaires libérées seront orientées vers les investissements de diversification, notamment les corridors logistiques et le numérique ». Cette ligne est cohérente avec les priorités fixées par le Plan national de développement 2022-2026, qui table sur un taux de croissance annuel moyen de 4,5 %.
Les institutions partenaires, à l’instar de la Banque africaine de développement, saluent un mouvement susceptible de renforcer la soutenabilité de la dette publique, actuellement jugée modérée après le rééchelonnement multilatéral achevé en 2019.
La diplomatie présidentielle à l’œuvre
Les relations entre Brazzaville et Brasilia tirent une part de leur vitalité de la diplomatie de haut niveau. Denis Sassou Nguesso s’est rendu trois fois au Brésil, dont la dernière en marge du sommet de l’Organisation du Traité de coopération amazonienne en 2023, marquant ainsi la centralité des questions environnementales et financières dans l’agenda bilatéral.
Pour le chercheur brésilien Rafael Mendes, « le capital politique construit au fil de ces visites nourrit un climat de confiance qui facilite la renégociation des termes financiers ». Côté brésilien, le président Luiz Inácio Lula da Silva s’était engagé dès 2007 à encourager la coopération Sud-Sud. Le présent avenant en est une déclinaison tangible, appréciée dans les milieux économiques de São Paulo, où la Banque nationale de développement économique et social voit dans le Congo un pôle potentiel d’exportation de services d’ingénierie.
Perspectives d’un partenariat repensé
L’avenant du 22 juillet ne se limite pas à la technique financière ; il repositionne la relation Congo-Brésil dans un contexte post-pandémique marqué par le retour des débats sur la décarbonation et la sécurité alimentaire. Les deux pays, riches en ressources naturelles, explorent déjà des synergies dans l’agro-industrie et la conservation forestière.
Sur le terrain, la commission mixte issue de l’Accord de coopération de 1981 s’apprête à redéfinir son plan de travail. Des projets pilotes d’irrigation raisonnée dans la Cuvette, portés par l’expertise brésilienne en agriculture tropicale, voisinent avec des programmes de formation technique au profit des jeunes citadins de Brazzaville. En toile de fond, la modernisation des infrastructures financières promises par le Term SOFR pourrait catalyser l’attraction d’investisseurs tiers, notamment asiatiques, friands de cadres réglementaires clairs.
Dans ce maillage, l’avenant apparaît comme un jalon stratégique ; il atteste d’un engagement mutuel à maintenir un dialogue financier agile tout en alimentant un récit de coopération gagnant-gagnant. Pour les marchés, le signal est celui d’un État congolo-centré sur la stabilité, avec un partenaire brésilien soucieux de conforter sa présence africaine.
Cap sur une nouvelle séquence économique
En refermant le dossier Libor et en ouvrant celui du Term SOFR, le Congo et le Brésil posent une pierre supplémentaire dans la construction d’un partenariat qui conjugue solvabilité et développement durable. Les échéances à venir, notamment l’adoption du second avenant et la mise en œuvre des projets connexes, seront scrutées par les agences de notation aussi bien que par la jeunesse brazzavilloise avide d’opportunités.
Si la route reste parsemée d’aléas macroéconomiques, l’initiative actuelle démontre qu’une politique de rééquilibrage de la dette peut s’allier à une diplomatie économique proactive. Dans un espace financier international en recomposition, le Congo choisit de danser sur le tempo d’une samba mesurée, avec l’ambition assumée de transformer le soulagement budgétaire en levier de croissance inclusive.