Brazzaville, capitale panoramique de la rumba
Le climat sonore de la capitale congolaise paraissait suspendu, ce 21 juillet 2025, lorsque les premières notes de la 12ᵉ édition du Festival Panafricain de Musique ont envahi l’esplanade du Palais des Congrès. Depuis près de trois décennies, le FESPAM offre une vitrine continentale aux expressions musicales africaines tout en consolidant le rayonnement international de Brazzaville. Placé sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, l’événement traduit la volonté gouvernementale d’ériger la culture en levier de diplomatie douce et de cohésion nationale.
La fidélité d’un artiste à un festival continental
Figure tutélaire de la scène congolaise, Clotaire Kimbolo n’a jamais manqué un seul rendez-vous du FESPAM depuis la première édition. Sur scène, son registre mêle la rigueur des classiques de la rumba et une mise en scène épurée, presque liturgique. « Participer à cette douzième édition est un honneur inépuisable », a-t-il confié à l’issue de sa prestation, le regard embué d’une émotion qu’aucun projecteur ne saurait feindre. Sa présence fidèle incarne à elle seule la continuité historique d’un festival devenu institution.
Du village planétaire au devoir de transmission
Au fil d’une carrière rythmée par des tournées sur quatre continents, Kimbolo a vu son identité artistique enrichie sans jamais être dissoute. Il raconte ces instants où une foule étrangère entonne l’hymne congolais avant son entrée en scène, rappelant l’écho lointain mais tenace de la patrie. De ces expériences est née une responsabilité : « Transmettre ce savoir aux plus jeunes, afin qu’aucune valeur n’échappe au futur », affirme-t-il. La remarque résonne avec les orientations du ministère de la Culture, qui multiplie les programmes d’incubation pour jeunes talents et encourage les ateliers intergénérationnels.
Modernité et originalité, le délicat dosage
Si la rumba congolaise a obtenu en 2021 son inscription au patrimoine immatériel de l’UNESCO, l’équilibre entre innovation et authenticité demeure fragile. Kimbolo met en garde contre la tentation de diluer les fondamentaux dans le moule de tendances éphémères : « La modernité ne doit pas avaler nos racines », martèle-t-il. Cette réflexion ne se veut pas passéiste ; elle défend plutôt un ancrage capable d’absorber les influences sans se renier. Les arrangeurs de la scène actuelle, tel Élie Morisse, abondent dans ce sens en prônant une fusion raisonnée où la guitare sebene et les percussions bantoues demeurent le socle identitaire.
Faire revivre les voix qui se taisent
Au-delà de ses compositions, Kimbolo consacre une part essentielle de son répertoire à la reprise d’œuvres laissées orphelines par le décès de leurs créateurs. « Lorsque l’artiste disparaît, sa chanson ne doit pas disparaître avec lui », insiste-t-il. Cette démarche d’archiviste militant trouve un écho favorable auprès du Centre National de la Diffusion Musicale, qui numérise actuellement des bandes analogiques menacées par l’usure du temps. L’initiative rejoint la stratégie patrimoniale impulsée par les autorités, soucieuses d’offrir aux générations futures un accès pérenne à la mémoire sonore nationale.
Entre héritage et avenir, le rôle de l’État
Le succès opérationnel du FESPAM 2025 rappelle l’importance de l’engagement public dans la préservation des industries créatives. En mobilisant des financements hybrides et une logistique coordonnée, le gouvernement démontre que l’action culturelle peut s’adosser à une gouvernance stable et à des partenariats régionaux. Les retombées économiques – réservations hôtelières, artisanat local, transport urbain – confirment l’impact structurant d’un tel événement sur l’écosystème brazzavillois. L’implication constante des pouvoirs publics consolide par ailleurs l’image d’un Congo ouvert, confiant dans sa capacité à dialoguer avec le monde par la musique.
En scène, la mémoire continue
Lorsque les rideaux se sont refermés, la voix de Kimbolo résonnait encore dans les travées du Palais. Elle portait le poids d’un passé glorieux et la promesse d’un avenir fertile. En magnifiant la rumba, en sauvegardant les œuvres disparues et en enracinant la jeunesse dans une histoire partagée, l’artiste incarne la vocation première du FESPAM : transformer la scène en passeport culturel. Tout indique que cette mission continuera d’animer Brazzaville, soutenue par une politique résolument tournée vers la promotion du patrimoine et l’émergence de nouveaux talents.