Un rendez-vous stratégique au Palais des congrès
Ce 24 juillet, la grande salle du Palais des congrès de Brazzaville affichait complet. Autour du ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public, Christian Yoka, se sont pressés responsables gouvernementaux, représentants d’entreprises minières et pétrolières, syndicats, société civile et partenaires techniques. Tous venus baliser le terrain du prochain rapport ITIE, dont la publication est prévue avant la fin 2025. L’ambiance studieuse, ponctuée de rappels protocolaires, traduisait l’enjeu : consolider le rang du Congo parmi les pays producteurs engagés dans la transparence des revenus extractifs.
Vers un nouveau référentiel de redevabilité
Depuis l’adhésion du Congo à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives, en 2012, les rapports publiés ont progressivement ouvert la boîte noire des flux financiers. Mais l’exercice demeure perfectible. Faute de cadastre minier entièrement numérisé et de rapprochements exhaustifs entre déclarations des entreprises et recettes du Trésor, les précédentes évaluations ont pointé des « données partielles ». Le prochain cycle veut franchir un cap : élargissement des déclarations aux entreprises parapubliques, traçabilité des paiements sociaux, et désagrégation des chiffres par projet. « Chaque franc versé devra trouver sa ligne de destination », résume un cadre de la Direction générale du Trésor.
Convergence des ministères clés
La présence conjointe d’Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’Environnement, et de Rosalie Matondo, ministre de l’Économie forestière, n’était pas qu’un symbole. Elle marque la volonté de décloisonner les politiques publiques. Les ressources issues du sous-sol croisent désormais les exigences de préservation des écosystèmes du Bassin du Congo. « L’heure n’est plus à l’opposition entre croissance et durabilité », a déclaré Mme Soudan-Nonault en marge des travaux, rappelant que la diversification de l’économie passera par une fiscalité verte mieux calibrée.
La voix des industries et de la société civile
Face aux bancs ministériels, les majors pétrolières et les juniors minières ont exposé leurs attentes : visibilité sur les règles fiscales, stabilité des contrats, simplification des procédures douanières. « Nous sommes prêts à publier l’intégralité de nos versements, pourvu qu’un cadre clair protège les données commerciales sensibles », a insisté un directeur juridique d’un grand opérateur offshore. La société civile, mobilisée autour du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire, a salué cette ouverture, tout en demandant que les données restituées soient accessibles aux communautés locales et non cantonnées aux cercles experts.
Défis techniques et délais serrés
Le président du Comité national, Florent Michel Mokoko, l’a reconnu sans ambages : « Nous ne sommes pas encore au niveau d’exhaustivité exigé pour la prochaine validation. Les douze mois qui viennent seront décisifs. » Au menu : finalisation du rapport de cadrage, mise à jour du registre pétrolier, signature d’un protocole d’échange de données entre Banque centrale et Direction des hydrocarbures. Les bailleurs présents, dont la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, ont réitéré leur appui pour la modernisation des systèmes d’information.
Ancrer la transparence dans la durée
Au-delà des échéances ITIE, le gouvernement congolais veut inscrire la reddition des comptes dans un cadre légal plus robuste. Un projet de loi portant Code de transparence dans la gestion des ressources naturelles est en cours de finalisation. Il devrait imposer la publication automatique des contrats, des bénéficiaires effectifs des sociétés et des statistiques de production. Pour Christian Yoka, « la transparence n’est pas un label ponctuel ; c’est un outil de crédibilité vis-à-vis des citoyens, des investisseurs et des partenaires internationaux ».
Sur le terrain, quelques signaux encourageants apparaissent déjà. À Pointe-Noire, plusieurs compagnies ont entamé l’audit participatif de leurs plans de contenu local. Dans la Sangha, les exploitants forestiers expérimentent un système de géolocalisation des grumes, afin d’anticiper la chaîne de traçabilité exigée par les marchés européens. Autant d’initiatives qui viennent donner corps à l’engagement politique pris à Brazzaville.
La perspective 2025 comme catalyseur
La validation prévue en 2025 agit comme un fil rouge. Elle oblige chaque acteur à respecter un calendrier rigoureux et à produire des livrables vérifiables. Si la sanction d’un échec se traduirait par un blâme international, le gouvernement préfère mettre en avant l’opportunité : améliorer la gouvernance, attirer les investissements et renforcer la confiance des citoyens. Plusieurs économistes notent déjà une baisse du risque-pays perçu dans les dernières notes d’agences de veille financière. Un signe que la crédibilité se construit aussi par des processus exigeants mais consensuels.
Cap sur une gouvernance extractive inclusive
À l’issue des travaux, une feuille de route détaillée a été adoptée. Elle prévoit des commissions thématiques sur la fiscalité, l’environnement, le contenu local et le renforcement des capacités de la société civile. Les réunions seront trimestrielles, et un portail numérique public synthétisera l’avancement des recommandations. Cette architecture témoigne d’une volonté d’institutionnaliser le dialogue, condition essentielle pour pérenniser la transparence au-delà d’une seule échéance.
Un pari sur la confiance et la compétitivité
En misant sur la lumière plutôt que sur l’opacité, Brazzaville cherche à transformer un impératif international en levier de compétitivité. La trajectoire esquissée lors de cette réunion offre un cap clair : faire du secteur extractif un pilier de développement harmonieux, où la richesse du sous-sol se traduit en bénéfices tangibles pour la population. À treize mois de la prochaine validation, le chantier reste vaste ; mais l’élan collectif observé au Palais des congrès augure, selon de nombreux observateurs, de progrès mesurables et durables.