Brazzaville au centre du filet continental
Sous un soleil estival et devant la silhouette familière du stade Alphonse-Massamba-Débat, le Pôle tennis a revêtu ses plus beaux atours pour accueillir, du 28 juillet au 10 août, l’ITF World Tennis Tour M25 Open de Brazzaville. Rares sont les compétitions internationales qui, en l’espace de deux semaines, parviennent à conjuguer haute performance sportive, diplomatie culturelle et mise en valeur des infrastructures locales. « Nous voulons que Brazzaville devienne une halte naturelle sur la route des circuits professionnels », confie Hugues Henri Ngouelondélé, premier vice-président de la Fédération congolaise de tennis, déterminé à inscrire la capitale dans le calendrier mondial.
Un plateau de quatre continents pour 30 000 dollars par étape
Ils sont quatre-vingt-cinq, issus de vingt-deux nations d’Afrique, d’Europe, d’Asie et des Amériques, à avoir poinçonné leur billet pour la République du Congo. Chacun court après de précieux points ATP et une part des deux dotations de 30 000 dollars. Pour les joueuses et joueurs classés au-delà du Top 200, ces tournois constituent un carburant essentiel : ils offrent un volume de matches, une visibilité médiatique et l’opportunité de grimper sans brûler les étapes. Le Pôle tennis, modernisé en 2015 puis renforcé en 2023, aligne désormais sept courts en surface rapide homologués par l’ITF, gages d’un rebond régulier et d’une logistique conforme aux standards internationaux.
L’argument économique d’un événement fédérateur
Au-delà des lignes de fond, le tournoi irrigue l’économie urbaine : hôteliers, restaurateurs, chauffeurs et artisans profitent d’un afflux d’environ trois cents visiteurs – athlètes, staffs techniques et officiels confondus. Les premières estimations de la Chambre de commerce de Brazzaville tablent sur une injection directe de 150 millions de francs CFA dans les circuits courts de consommation. « Le sport est un levier de diversification que nous voulons stable », souligne un responsable du ministère des Sports, rappelant l’objectif inscrit dans le Plan national de développement d’élargir la base des recettes hors pétrole.
Talent local : entre émulation et exigence
Avec cinq wild-cards attribuées à des joueuses et joueurs congolais, la Fécoten assume une politique de promotion nationale. Le jeune droitier Arsène Bemba, 19 ans, sort d’un bloc d’entraînement à Casablanca : « Affronter des Sud-Américains sur surface rapide m’oblige à hausser ma cadence de jeu », confie-t-il, raquette en main, à la sortie de son premier tour des qualifications. S’il ne franchit pas encore la barrière du tableau principal, l’expérience accumulée à domicile reste « une université pratique », insiste son entraîneur, l’ex-capitaine de Coupe Davis Dieudonné Okana.
Diplomatie sportive et cohésion culturelle
Les allées bordées de palmiers du complexe résonnent de conversations en lingala, en espagnol ou en thaïlandais : l’événement sert de trait d’union linguistique et diplomatique. L’ambassadeur de France, grand amateur de la petite balle jaune, salue « l’excellence de l’organisation » tandis que l’attachée sportive du Japon note « la chaleur du public brazzavillois, qui rappelle l’hospitalité congolaise ». Ces interactions, douces mais durables, renforcent le soft power de la République du Congo et mettent en lumière une capitale capable de conjuguer accueil, sécurité et technicité.
La logistique : un test grandeur nature pour les organisateurs
Le double tournoi constitue également un banc d’essai pour la Fécoten. Réservations de plages d’entraînement, calage des navettes, coordination des antennes médicales : tout repose sur une centaine de bénévoles épaulés par la Direction générale des sports. « L’objectif zéro retard, zéro incident fait partie de la feuille de route », rappelle Vianney Lebvoua, secrétaire général de la fédération. L’arbitrage est confié à un triumvirat de juges-arbitres ITF formés à Tunis, assurant l’uniformité des décisions. Cette mécanique huilée, si elle est validée par les délégués internationaux, ouvrira la porte à des épreuves de grade supérieur, M60 voire W60, d’ici à trois ans.
Une rampe vers les grands chelems pour les espoirs africains
L’Afrique subsaharienne souffre encore d’un déficit d’épreuves offrant des points ATP en nombre suffisant pour percer sur les scènes majeures. « Chaque semaine sans compétition est une semaine perdue dans la course au ranking », rappelle le technicien ivoirien Guy N’Guessan, ancien coach de doubles juniors à Roland-Garros. En rassemblant deux semaines consécutives de compétition, Brazzaville réduit le coût de déplacement pour les joueuses et joueurs du continent, créant une dynamique régionale qui pourrait rapidement faire boule de neige. L’initiative résonne d’autant plus qu’elle s’aligne sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui encourage les rencontres sportives comme moteurs d’intégration.
Perspectives et héritage pour la jeunesse brazzavilloise
À moyen terme, les organisateurs ambitionnent de convertir l’engouement populaire en un programme d’initiation pour les scolaires. Une convention liant la Fécoten au ministère de l’Éducation est en gestation : elle prévoit l’installation de mini-terrains dans six arrondissements ainsi que la formation de trente instructeurs certifiés ITF-Play&Stay. L’enjeu est clair : faire émerger, d’ici une décennie, une génération suffisamment compétitive pour disputer les qualifications de Grand Chelem, tout en stimulant les valeurs de discipline et de santé auprès de la jeunesse urbaine.
Brazzaville confirme sa vocation de pôle d’excellence
Alors que le tableau final livrera son verdict le 10 août, le pari d’un tournoi stable, bien doté et médiatiquement suivi semble déjà gagné. La combinaison d’installations modernisées, d’un savoir-faire organisationnel et d’un public curieux conforte la place de Brazzaville dans le circuit ITF. Au-delà du résultat sportif, la ville consolide son image d’espace où la compétition et la convivialité avancent de concert, offrant au tennis africain la rampe de lancement qu’il attendait.