Black Panther, voix épicée de la capitale
À trente ans à peine, Black Panther s’impose comme l’une des figures montantes d’un slam congolais en pleine ébullition. Son nouveau single de six minutes, « Gastronomie africaine », paru le 25 juillet sur les plateformes, confirme une trajectoire où la rime se marie à la revendication identitaire. Filmé comme un poème visuel, le clip réactualise l’esthétique du quartier Poto-Poto pour mieux célébrer l’esprit d’une ville dont les couleurs et les senteurs se répondent.
Le choix d’un premier extrait dédié aux arts de la table étonne à première vue. Il s’inscrit pourtant dans une démarche que l’artiste qualifie de « retour au foyer », l’assiette devenant la scène où se rejoue la transmission familiale. Au-delà de l’effet d’annonce, le morceau est pensé comme un manifeste : la cuisine y est érigée en langage universel capable de franchir les frontières linguistiques, sociales ou générationnelles.
Gastronomie africaine : la marmite comme métaphore identitaire
Dès les premières mesures, les percussions sèches se mêlent à un subtil bruissement d’huile frémissante, rappelant que le cœur du morceau bat au rythme de la marmite. Le texte, tour à tour introspectif et lyrique, esquisse une géographie intime où le « matembelé » voisine avec le « pili-pili », tandis que la mémoire des ancêtres plane au-dessus des fourneaux. « La gastronomie est un pont », confie l’artiste, convaincu que l’acte de partager un plat vaut bien un traité de paix silencieux.
La force du projet réside dans cette association de la parole poétique et du geste culinaire. Là où la plupart des hymnes à l’Afrique convoquent tambours et textiles, Black Panther opte pour le fumet d’une sauce arachide, jugeant qu’il parle plus sûrement à l’enfance de chacun. Le résultat est un objet hybride, explorant une africanité quotidienne loin des représentations folkloriques.
Capsules web : le hors-champ du clip YouTube
Avant la sortie officielle du clip, plusieurs capsules vidéo diffusées sur les réseaux sociaux ont dévoilé les coulisses du tournage. On y aperçoit la chanteuse Fanie Fayar préparer un matembelé soigneusement touillé ou encore la danseuse Salma goûter un mponzi fumant. Chaque séquence s’accompagne d’une anecdote personnelle, rappelant que derrière la recette se cache un itinéraire de vie.
Cette stratégie digitale, saluée par la presse culturelle brazzavilloise (Les Dépêches de Brazzaville), a permis de créer une communauté de spectateurs déjà sensibilisés au message du titre. Dans un pays où la connexion mobile gagne chaque mois de nouveaux foyers, l’initiative illustre la capacité de la jeunesse artistique à tirer profit des infrastructures numériques soutenues par les pouvoirs publics.
Résonance sociale et diplomatique de la poésie culinaire
Le succès viral de « Gastronomie africaine » intervient dans un contexte où la République du Congo encourage la valorisation des industries créatives et la promotion de son patrimoine immatériel. En prêtant sa voix à la mémoire des marmites, Black Panther rejoint indirectement les initiatives institutionnelles visant à faire de la culture un vecteur de cohésion et un ambassadeur discret auprès de la diaspora.
Le clip, tourné dans différents arrondissements de Brazzaville, offre par ailleurs un instantané réjouissant d’une ville cosmopolite dont les marchés à ciel ouvert rivalisent avec les studios d’enregistrement. Ce dialogue constant entre économie informelle et scène artistique nourrit un imaginaire collectif énergique, moteur d’un soft power congolais que nombre d’observateurs jugent prometteur.
De la scène à la table : quelles perspectives ?
Après « Gastronomie africaine », l’artiste prépare la sortie de l’album « La force des mots », annoncé pour le premier trimestre prochain. Il promet une fusion « entre le son, l’image, la mémoire et l’espace », ambitionnant de faire de chaque piste une installation vivante. Des collaborations avec des chefs renommés sont évoquées, signe qu’il entend poursuivre la conversation entre art vocal et savoir-faire culinaire.
L’écriture d’un recueil illustré, mêlant recettes familiales et textes inédits, serait également à l’étude. Dans l’attente, la vidéo cumule déjà des milliers de vues, et de nombreux internautes affirment avoir ressorti le mortier pour piler le foufou. Plus qu’une simple sortie musicale, l’opus s’impose comme une invitation à rallumer le feu sous la casserole, à célébrer une identité forte et pourtant accessible. En inscrivant la cuisine au cœur du discours artistique, Black Panther rappelle enfin qu’il n’est de culture vivante que partagée.