Un quart de siècle d’agenda réformiste
Le 29 juillet dernier, devant la Nation et la diaspora, Mohammed VI a posé la voix d’un souverain soucieux de livrer un bilan mesuré après vingt-six ans d’exercice. Héritier d’un royaume déjà en transition au sortir des années quatre-vingt-dix, le monarque a revendiqué la cohérence d’une « vision de long terme », rappelant que « les réalisations ne doivent rien au hasard ». Cet accent sur la continuité institutionnelle vise autant à rassurer les marchés qu’à conforter un corps social parfois éprouvé par les cycles conjoncturels récents. Le discours, d’un classicisme assumé, replace ainsi le Maroc parmi les économies émergentes qui ont bâti leur attractivité sur la stabilité politique, argument récurrent mais toujours efficace dans les forums internationaux.
Diversification économique et pari industriel
Le roi a pris soin d’énumérer les filières devenues vitrines du Royaume : l’automobile, première source d’exportations, l’aéronautique, dont la plateforme casablancaise nourrit l’écosystème Airbus–Boeing, sans oublier les énergies renouvelables qui profitent des atouts géographiques du royaume chérifien. Les chiffres avancés parlent d’eux-mêmes : plus de trois milliards de consommateurs potentiels reliés par une vingtaine d’accords de libre-échange et un réseau portuaire axé sur Tanger Med, au cœur des itinéraires transméditerranéens. Par cette liste, Rabat entend montrer qu’il a su passer du tourisme balnéaire à une économie productive, capable d’absorber des investissements à haute valeur technologique, tout en préservant un volet agricole modernisé.
Filets sociaux et indicateurs humains en progression
Le monarque l’a reconnu sans détour : « Aucun niveau de développement infrastructurel ne saurait me contenter s’il n’améliore la vie des citoyens. » La pauvreté multidimensionnelle serait passée de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024, un recul que la Banque mondiale classe parmi les plus rapides de la région. La généralisation de la protection sociale, avec l’extension de l’assurance maladie obligatoire et l’annonce d’aides directes aux ménages vulnérables, forment le socle d’une politique que les observateurs décrivent comme « social-libérale ». En franchissant le seuil de l’Indice de développement humain dit « élevé », le Maroc ambitionne de rejoindre, d’ici 2030, le club des pays à revenu intermédiaire supérieur.
Diplomatie de voisinage : prudence et ouverture
Sur le segment géopolitique, Mohammed VI a prolongé son leitmotiv d’une « main tendue » vers l’Algérie, qualifiant le peuple voisin de « frère ». Ce vocabulaire d’apaisement contraste avec les tensions frontalières latentes mais répond à la quête d’une Union du Maghreb arabe relancée par l’évolution des routes énergétiques et par la demande africaine de chaînes de valeur régionales. Rabat cherche ainsi à se poser en partenaire incontournable de la façade atlantique, tout en ménageant un voisinage dont dépend la consolidation institutionnelle du Sahara occidental.
Dossier saharien : autonomie comme ligne rouge
Sans surprise, le souverain a réaffirmé que la proposition d’autonomie « reste la seule et unique solution réaliste ». Le soutien affiché du Royaume-Uni et du Portugal conforte la diplomatie marocaine, déjà appuyée par Washington depuis la reconnaissance américaine de décembre 2020. Les formules employées – « ni vainqueur ni vaincu » – laissent entrevoir une marge de négociation, mais consacrent la souveraineté du Maroc comme préalable. Dans les chancelleries, on note que la stratégie consiste à multiplier les ralliements pour créer un effet de seuil, transformant le compromis en évidence.
Echo brazzavillois d’une voix maghrébine
À Brazzaville, la représentation diplomatique marocaine a célébré l’événement lors d’une réception où le chargé d’affaires, Ahmmed Agargi, a insisté sur « la convergence entre les priorités royales et les politiques de développement congolaises ». Dans une capitale où la jeunesse suit de près les trajectoires africaines, la séquence offre un miroir : d’un côté un Maroc qui revendique son insertion dans l’économie mondiale, de l’autre un Congo ambitieux dans la diversification de ses partenariats. Le discours de Mohammed VI, répercuté par les médias locaux, nourrit ainsi le débat sur la place des stratégies nationales face aux défis partagés – création d’emplois, transition énergétique, intégration régionale – tout en soulignant que la stabilité demeure la condition première de tout essor durable.