Un exercice de transparence devenu rituel institutionnel
Réunis à Brazzaville sous la houlette du ministre des Finances, Christian Yoka, les membres du Comité exécutif national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives se sont penchés sur l’élaboration du rapport 2024, document cardinal pour la prochaine évaluation internationale. Dans l’amphithéâtre feutré où se côtoyaient décideurs publics, opérateurs pétroliers, miniers et acteurs de la société civile, le mot d’ordre a résonné clair : faire de la transparence un levier de confiance pour les investisseurs et un gage de redevabilité auprès des citoyens. L’exercice, rodé depuis l’adhésion du Congo à l’ITIE en 2012, s’inscrit désormais dans l’agenda régulier des réformes économiques nationales.
Contexte macro-économique et exigences de l’ITIE
Porté encore aujourd’hui par l’or noir qui représente près de 80 % des recettes d’exportation, le Congo a engagé ces deux dernières années un effort de diversification économique et de modernisation fiscale appelé à réduire la dépendance budgétaire aux hydrocarbures. Les prescriptions de l’ITIE imposent à chaque État membre de publier sans opacité l’ensemble des paiements effectués par les compagnies et les revenus reçus par le trésor. Le rapport 2024, attendu avant fin 2025, doit non seulement refléter la collecte de ces données mais aussi démontrer la capacité des institutions nationales à en vérifier la cohérence. « Nous voulons aller au-delà du répertoire de chiffres et montrer les réformes structurelles déjà en œuvre », a insisté Christian Yoka, rappelant que l’amélioration de la notation pays demeure un objectif de compétitivité régionale.
Réformes institutionnelles : des signaux tangibles
Depuis 2023, plusieurs textes réglementaires ont été pris pour harmoniser le cadre juridique avec la norme ITIE révisée. La Direction générale des hydrocarbures a modernisé son système de cadastre, désormais accessible sur une plateforme numérique consultable à distance. Le ministère des Mines, pour sa part, publie chaque trimestre un état des octrois de permis, assorti des contrats correspondants. Sur le plan budgétaire, les recettes extractives sont ventilées dans une annexe spécifique de la loi de finances, facilitant la traçabilité. Selon Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’Environnement, « ces avancées illustrent la volonté de concilier exploitation des ressources et impératifs climatiques, en cohérence avec la stratégie nationale de transition énergétique ».
Points de friction et marges de progression
Malgré ces avancées, le secrétaire permanent de l’ITIE Congo, Florent Michel Okoko, reconnaît qu’« il subsiste des retards dans la consolidation des données, notamment pour les redevances forestières, et quelques difficultés de coordination inter-services ». Le comité a relevé l’absence, à ce stade, de mécanismes formels de sanction en cas de déclaration tardive des opérateurs privés. Autre point sensible : la diffusion au grand public des rapports, souvent jugée trop technique pour un lectorat non spécialisé. Les journalistes présents ont plaidé pour une version vulgarisée, tandis que les organisations citoyennes exhortaient à renforcer la dimension genre de la gouvernance extractive, question encore peu traitée dans les documents officiels.
Dialogue multipartite : un atout pour la crédibilité
La session a réuni, fait notable, plusieurs délégués syndicaux des zones d’exploitation pétrolière côtière qui ont livré un retour d’expérience concret sur les répercussions locales de la fiscalité extractive. « La perception d’une redistribution équitable est essentielle pour la paix sociale », a rappelé un porte-parole des communautés de Pointe-Noire. De leur côté, les représentants des majors pétrolières ont salué un climat administratif plus prévisible depuis la mise en place du guichet unique dédié aux déclarations ITIE. Ce dialogue tripartite renforce la légitimité de la démarche et prépare le terrain à la visite d’évaluation qu’effectueront, courant 2025, les experts internationaux mandatés par l’ITIE.
Objectif 2025 : la validation comme catalyseur d’investissements
En filigrane de ces discussions, la perspective de la validation internationale agit comme un puissant catalyseur. Le dernier classement ITIE avait distingué le Congo pour ses efforts, tout en soulignant la nécessité de pérenniser les réformes. S’il obtient la mention « élevée » lors du prochain examen, Brazzaville pourrait bénéficier d’un surcroît de crédibilité auprès des bailleurs de fonds et des marchés financiers, facilitant l’émission de green bonds envisagée pour soutenir les projets de transition énergétique. Le ministère des Finances se veut confiant ; toutefois, le calendrier demeure serré et chaque ligne du futur rapport sera scrutée. L’administration s’est engagée à installer, avant la fin du troisième trimestre 2024, des commissions thématiques permanentes chargées de sécuriser la chaîne de collecte des données.
Perspectives : vers une gouvernance extractive d’excellence
À l’issue de la session, un sentiment d’urgence maîtrisée dominait : la crédibilité internationale se construit par des preuves tangibles et répétées. Les partenaires techniques, notamment la Banque mondiale, ont rappelé leur disponibilité pour un accompagnement méthodologique. Sur le terrain, les entreprises extractives se préparent déjà à soumettre des états financiers certifiés, anticipant des exigences plus strictes en matière d’information environnementale et sociale. Alors que s’ouvrent de nouvelles opportunités minières dans le Niari et la Sangha, la mise en conformité avec l’ITIE apparaît non comme une contrainte, mais comme une carte de visite pour attirer des capitaux responsables. Ce changement de paradigme, encore impensable il y a une décennie, témoigne d’une maturité institutionnelle grandissante au service d’un développement durable souhaité par tous.