Brazzaville en écho au concert d’une planète
En coulisses de la effervescence musicale mondiale, la capitale du Congo-Brazzaville retrouve un éclat singulier. Le 1ᵉʳ août prochain, la sortie de The World Album International Artists Project, fresque de douze heures et demie pilotée par le producteur américain Brandon Beckwith, fera résonner deux cents artistes issus des cinq continents. Dans cette partition cosmopolite, la chanteuse Fanie Fayar devient l’un des visages les plus emblématiques, portant haut les couleurs de la République du Congo sans posture chauvine mais avec une conviction tranquille. « Ma voix défend un territoire qui ne s’excuse pas d’être multiple », confie-t-elle, tout sourire, dans un studio de Poto-Poto, avant de rejoindre une session d’enregistrement numérique partagée avec des partenaires du Japon et du Brésil.
Si l’initiative promet d’inscrire le projet dans la compétition des Grammy Awards et des Guinness Records, elle offre avant tout une tribune à la diplomatie culturelle congolaise. Les autorités nationales, par la voix de responsables du ministère en charge des Arts, saluent « l’étendard d’une modernité ancrée dans la tradition ». Entre le fleuve et les gratte-ciel en devenir, Brazzaville se rêve ainsi carrefour artistique où le poids de la rumba congolaise dialogue avec l’afro-soul, le cloud rap ou la house berlinoise.
Une odyssée polyglotte aux cent vingt et un styles
The World Album revendique l’ambition d’une cartographie sonore sans précédent. Quatre-vingt-treize langues, cent vingt-et-un genres et sous-genres, des percussions mandingues aux textures électro-expérimentales : l’œuvre entend faire tomber les frontières autant esthétiques que géographiques. Brandon Beckwith décrit « une anthologie du présent dont chaque titre murmure l’espoir d’un avenir partagé ».
Dans cet ensemble, la voix grave et modulée de Fanie Fayar joue l’équilibriste entre les polyrythmies traditionnelles téké, des inflexions de gospel apprises à la chorale paroissiale, et une mise en scène vocale rappelant les standards néo-soul. L’artiste présente un titre inédit où le lingala se frotte à l’anglais et au swahili, approche qu’elle défend comme un miroir de ses voyages récents à Kinshasa, Nairobi et Paris. Une manière élégante de rappeler que l’identité se nourrit des circulations plutôt que des frontières.
L’éthique au-devant de la scène musicale
Au-delà de la prouesse artistique, le projet revendique un mécanisme contractuel innovant : les deux cents participants conservent l’intégralité de leurs droits et s’engagent, s’ils le souhaitent, à reverser la moitié de leurs revenus à des actions sociales dans leurs pays. L’idée séduit Fanie Fayar qui affirme son intention de soutenir un programme local d’éducation musicale pour enfants défavorisés dans les quartiers périphériques de Brazzaville. « L’album trace une diagonale entre l’art et la responsabilité », pose-t-elle, persuadée que la solidarité reste la meilleure caisse de résonance de la création.
Cette philosophie prolonge des orientations déjà portées par les politiques publiques congolaises en faveur de l’économie créative. Les dispositifs d’accompagnement, souvent discrets mais existants, trouvent ici matière à se déployer sur un terrain international où le talent individuel se conjugue avec l’intérêt collectif.
Quand la connexion numérique devient un studio sans murs
La mise en œuvre technique repose sur des échanges continus via des plateformes sécurisées, groupes privés et sessions de mastering virtuel. Dans ces espaces, Fanie Fayar raconte avoir partagé ses séquences vocales brutes avec un ingénieur son de Toronto avant de recevoir, vingt-quatre heures plus tard, un ajout de cuivres enregistré à La Havane. « Cette fluidité témoigne de la pertinence du numérique comme accélérateur d’humanité », souligne le réalisateur congolais Sammy Babela, qui suit l’aventure pour un documentaire en cours de montage.
Les rencontres physiques n’en demeurent pas moins essentielles. Des étapes de résidence ont eu lieu à Lagos, Nairobi et São Paulo, facilitant des ateliers sur la gestion de carrière ou la scénographie, autant d’opportunités pour renforcer les compétences des artistes participants. Le dialogue interculturel, valeur célébrée par l’Union africaine, trouve là un terrain de démonstration concret et apaisé.
Un souffle d’avenir pour la scène congolaise
En portant la voix de Brazzaville dans un chœur mondial, Fanie Fayar consolide la perception d’un Congo résolument ouvert, porteur de dynamiques pacifiques, et plus que jamais conscient de sa place dans l’imaginaire créatif du continent. Les concerts de lancement prévus à New York, Paris et Johannesburg devraient offrir d’autres vitrines, mais c’est bien sur les rives du fleuve Congo que l’artiste espère célébrer la première écoute publique du disque, en partenariat avec les institutions culturelles locales.
Au-delà de l’événement, l’album pourrait déclencher un nouveau cycle d’investissements dans la filière musicale nationale, de la formation des ingénieurs du son à la modernisation des scènes urbaines. Entre innovation technologique, responsabilité sociale et rayonnement diplomatique, le projet confirme que le tempo congolais possède de solides arguments pour inspirer le monde.