Solidarité africaine et diplomatie humanitaire
L’ordre royal donné le 30 juillet par Sa Majesté Mohammed VI d’acheminer sans délai 180 tonnes d’assistance vers la bande de Gaza s’inscrit dans un long fil de gestes diplomatiques à forte valeur symbolique. La présidence du Comité Al-Qods, assumée par le souverain chérifien, confère au royaume la responsabilité morale de soutenir la population palestinienne tout en préservant un espace de dialogue. En choisissant de coupler des denrées de première nécessité à du matériel chirurgical, Rabat rappelle que la crise gazaouie n’est pas seulement une question de subsistance, mais également de dignité sanitaire pour des civils durablement exposés aux ruptures de soins.
Si l’Afrique est souvent perçue comme réceptrice d’aide, cet épisode renverse la perspective. « C’est la preuve que le Continent est capable de générer son propre élan de solidarité Sud-Sud », fait remarquer le politologue brazzavillois Alain Mabiala, soulignant que le geste marocain crée un précédent diplomatique susceptible d’inspirer d’autres capitales africaines.
Une logistique d’urgence réglée au millimètre
Derrière la photo d’un avion-cargo se cache une organisation d’horlogerie. Les 180 tonnes se décomposent en céréales, lait infantile, médicaments, kits chirurgicaux, tentes et couvertures. Toutes les palettes ont été pré-conditionnées selon les standards de l’Organisation mondiale de la santé afin de réduire le temps de dédouanement à l’arrivée. « Nous avons privilégié un couloir aérien direct jusqu’à El-Arich, puis un transfert terrestre balisé vers Rafah, pour éviter la casse logistique habituelle », détaille un officier de l’Armée royale de l’air requérant l’anonymat.
Le Royaume a mobilisé trois C-130 Hercules, appareils réputés pour leur capacité à se poser sur des pistes courtes, et misé sur une coordination en temps réel avec le Croissant-Rouge palestinien. L’accent est mis sur la rapidité : l’acheminement complet doit être bouclé en moins de 48 heures, performance qui place cette opération parmi les plus rapides entreprises par un État africain hors de ses frontières ces dernières années.
Réactions régionales et écho brazzavillois
À Rabat, le ministère des Affaires étrangères relève que l’action « s’aligne sur l’engagement constant du Souverain en faveur des droits inaliénables du peuple palestinien ». Au Caire comme à Amman, la presse salue la décision marocaine, y voyant un renfort bienvenu pour des structures hospitalières gazaouies au bord de la rupture.
À Brazzaville, l’annonce a suscité un intérêt certain parmi la jeunesse informée, connectée aux réseaux sociaux où les images de chargement ont circulé à grande vitesse. Pour Mireille Nsimba, étudiante en relations internationales à l’Université Marien-Ngouabi, « ce type d’initiative rappelle que l’Afrique centrale et l’Afrique du Nord partagent une responsabilité commune : celle de ne pas rester spectatrices du drame proche-oriental ». Des associations congolaises, à l’instar de la Coordination des étudiants pour la paix, ont annoncé vouloir lancer dans les prochains jours une collecte de fonds symbolique afin de renforcer la visibilité de la cause.
Enjeux géopolitiques pour Rabat et le Continent
Au-delà de la compassion légitime, l’opération marocaine porte une dimension stratégique. Le royaume consolide sa posture d’acteur responsable dans le concert international, posture d’autant plus utile que Rabat brigue régulièrement des sièges dans les instances multilatérales onusiennes. L’expert maghrébin Ahmed Laqsiri rappelle que « l’image d’un Maroc agissant pour Gaza peut également servir d’argument dans la quête de partenariats économiques avec les monarchies du Golfe, sensibles à la question palestinienne ».
Pour l’Union africaine, l’initiative ouvre la voie à une réflexion sur les mécanismes d’assistance intra-africains. Le commissaire chargé des affaires politiques a laissé entendre que la prochaine session ministérielle examinera la possibilité de créer une cellule continentale de réponse rapide, capable de mutualiser les moyens aériens des États membres.
Perspectives pour la dignité palestinienne
La cargaison arrivée à Gaza ne résoudra évidemment pas l’impasse politique, mais elle apporte un répit tangible aux familles confrontées à la rareté chronique de médicaments et à la flambée des prix alimentaires. Le Croissant-Rouge estime que les intrants chirurgicaux permettront de traiter près de 3 000 blessés et que les tentes offriront un abri d’urgence à plus de 1 200 personnes déplacées par les récents bombardements.
Pour le chercheur congolais Serge Opimbat, la démarche marocaine « devient un plaidoyer concret pour le droit humanitaire international », en démontrant qu’un État peut contourner les blocages diplomatiques par l’action directe, sans s’ingérer dans les négociations politiques. À ses yeux, cette dynamique devrait encourager d’autres capitales africaines à envisager des solutions créatives, qu’il s’agisse d’envois médicaux, de bourses universitaires ou d’accueil temporaire de blessés.
Un signal à valeur pédagogique pour Brazzaville
Le Congo-Brazzaville, dont la tradition diplomatique s’est souvent illustrée par la médiation, observe avec intérêt cette combinaison de rapidité opérationnelle et de retenue politique. Dans les cercles gouvernementaux, l’idée gagne du terrain qu’une politique d’aide publique au développement ciblée pourrait renforcer la visibilité internationale du pays sans grever son budget. « Le geste marocain constitue un manuel de bonnes pratiques, il montre qu’on peut intervenir utilement, avec des moyens calibrés et un narratif respectueux des parties », indique un conseiller du ministère congolais des Affaires étrangères.
Alors que la rue brazzavilloise demeure attentive à la situation gazaouie, le convoi marocain rappelle de façon éloquente la portée universelle de la solidarité africaine. À l’heure où les opinions publiques recherchent des signaux concrets d’empathie, 180 tonnes de marchandises peuvent peser plus lourd dans la balance diplomatique qu’un long communiqué.