Brazzaville face au défi des réseaux souterrains
Sous la moiteur équatoriale, la capitale congolaise porte un lourd héritage d’infrastructures vieillissantes. Des conduites posées avant l’indépendance côtoient des extensions plus récentes, souvent réalisées dans l’urgence démographique. À chaque saison des pluies, les ruissellements saturent des canalisations mal identifiées, provoquant inondations, coupures d’eau et dégradations routières. Selon la direction générale de l’Assainissement urbain, près de 40 % des sinistres déclarés en milieu urbain seraient liés à la méconnaissance des réseaux enterrés. La question ne relève donc plus seulement de l’ingénierie ; elle engage la santé publique, l’attractivité économique et la qualité de vie des 2 millions d’habitants de la métropole.
Un dialogue franco-congolais aux ambitions mesurées
C’est dans ce contexte que le ministre Juste Désiré Mondélé a reçu, le 30 juillet, une délégation du groupe Nova. « Apporter des réponses concrètes aux problèmes quotidiens des Congolais », a insisté le membre du gouvernement, rappelant la ligne fixée par le président Denis Sassou Nguesso en matière de développement local. De l’autre côté de la table, Olivier Aurojo, maire de Charly en France et porte-voix de Nova, a parlé d’une « coopération fondée sur l’utilité immédiate et la vision de long terme ». Signe de prudence, aucune enveloppe financière n’a été avancée ; l’heure est d’abord à l’audit technique, mené en synergie avec l’Agence française de développement, partenaire habituel de Brazzaville.
Cartographier l’invisible grâce au numérique
Quinze ans d’expérience sur les chantiers européens ont poussé Nova Detect à perfectionner des radars de sol capables de repérer canalisations, câbles et cavités jusqu’à trois mètres de profondeur. Les données sont ensuite croisées avec le moteur d’analyse de Mappia, branche spécialisée dans le data management, afin de produire des jumeaux numériques de quartiers entiers. « Nous pouvons diviser par trois le temps de localisation d’une fuite », assure Henri Coron, directeur technique. La jeune pousse Mimo Detect complète le dispositif avec des algorithmes d’apprentissage automatique qui affinent la précision au fil des missions. Pour Brazzaville, l’enjeu est double : sécuriser les chantiers – on ne compte plus les ruptures de fibre coupée par erreur – et bâtir une base de données pérenne qui guidera les infrastructures des prochaines décennies.
Des bénéfices socio-économiques attendus
Le coût annuel des interruptions de service liées aux ruptures accidentelles de conduites atteint, selon la Chambre de commerce de Brazzaville, l’équivalent de 1,2 % du produit intérieur brut urbain. Une meilleure connaissance des réseaux promet donc d’épargner aux ménages des factures d’eau alourdies par les pertes techniques, tout en réduisant la charge financière de la maintenance d’urgence pour la municipalité. Sur le plan sanitaire, l’Organisation mondiale de la santé rappelle qu’un dollar investi dans l’assainissement générerait jusqu’à cinq dollars d’économies en soins évités. Les épidémies de choléra qui ont ponctué les dernières années servent de rappel : prévenir vaut mieux que guérir.
Articulation avec la stratégie nationale d’urbanisme
Depuis 2021, le Plan national de développement consacre un chapitre entier aux services essentiels, avec l’objectif de porter l’accès sécurisé à l’eau potable à 85 % de la population d’ici 2025. La coopération avec Nova s’inscrira dans cette trame, en complément des programmes conduits par la Société nationale de distribution d’eau et la Banque mondiale. Les autorités entendent aussi capitaliser sur la main-d’œuvre locale : des ingénieurs congolais seront intégrés aux équipes mixtes, dans une logique de transfert de compétences « pour que la technologie ne reste pas un corps étranger », souligne Aristide Dougomales, représentant africain de Nova.
Quels horizons pour la coopération technologique ?
Les prochains mois seront consacrés à la réalisation d’un pilote sur les quartiers de Talangaï et de Poto-Poto, zones densément peuplées où se superposent réseaux d’eau, d’électricité et de télécommunication. Si les résultats confirment les gains attendus, un déploiement élargi pourrait suivre, financé par un panier mixte associant budget d’État, emprunts concessionnels et partenariats public-privé. Les opérateurs télécoms, très dépendants de la fiabilité des fourreaux, suivent d’ailleurs le dossier de près. Au-delà des chiffres, c’est une nouvelle culture de la ville que laisse entrevoir cet accord : une planification qui anticipe, cartographie et partage l’information. À Brazzaville, où l’urbanisation se fait souvent au rythme pressé des besoins, le pari de la data constitue un virage stratégique. Reste à transformer l’essai, afin que la promesse de la haute technologie ne demeure pas lettre morte sous les trottoirs de la capitale.