Salon orientation bacheliers Brazzaville : une agora éducative
Dans l’effervescence studieuse de l’amphithéâtre Jean-Baptiste-Tati-Loutard, les allées improvisées du Salon de l’information et de l’orientation des bacheliers donnent l’illusion d’un campus miniature : stands colorés, brochures étincelantes et interminables files d’attente. Du 4 au 8 août, plus de 51 000 néo-diplômés – 43 682 issus de l’enseignement général et 7 681 de la filière technique et professionnelle – arpentent ce carrefour déterminant, guidés par l’espoir d’un choix d’études éclairé. « Il ne s’agit pas simplement de distribuer des fascicules, insiste la ministre de l’Enseignement supérieur, Pr Delphine Edith Emmanuel. Nous voulons offrir une boussole académique capable d’écarter l’échec et de sécuriser la réussite. »
L’événement, installé depuis une décennie dans l’agenda éducatif national, se veut catalyseur d’un dialogue tripartite entre l’État, les établissements et les apprenants. En orchestrant cette rencontre, Brazzaville s’érige, l’espace de cinq jours, en capitale régionale de l’orientation post-baccalauréat, prolongeant les efforts d’accès à une information fiable déjà engagés par la réforme Licence-Master-Doctorat.
Stratégie gouvernementale enseignement supérieur : prévenir le décrochage
La présence conjointe des ministres en charge de l’Enseignement technique, Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, et du cycle secondaire, Jean-Luc Mouthou, illustre l’approche interministérielle voulue par le gouvernement. Cette synergie répond à un constat : plus d’un tiers des étudiants congolais changent de filière ou abandonnent avant la fin de la première année, selon les chiffres internes de la Direction générale de l’Enseignement supérieur. « L’orientation préventive permet d’économiser du capital humain et budgétaire », souligne Nicaise Nguimbi, directeur général, rappelant que l’État investit plus de 8 % de son budget national dans le secteur.
Le Salon anticipe également la répartition des effectifs pour l’année académique 2025-2026. En invitant les élèves à « rêver de leur avenir » tout en jaugeant leurs aptitudes, les organisateurs cherchent à concilier aspirations individuelles et besoins macro-économiques, en cohérence avec le Plan national de développement 2022-2026 qui fait de la jeunesse un levier central de la diversification économique.
Offre universitaire Congo complémentaire : public et privé, un tandem
Sous les arcades du salon, les universités publiques – Marien-Ngouabi en tête – côtoient une vingtaine d’établissements privés conventionnés. Cette juxtaposition illustre la politique d’ouverture académique initiée depuis 2011, que la ministre qualifie de « complémentarité stratégique ». Les établissements privés, soumis à un cahier des charges rigoureux, couvrent aujourd’hui près de 40 % des inscriptions nationales, notamment dans les filières de gestion, informatique et sciences paramédicales.
Les représentants de l’Université catholique du Congo et de l’Institut supérieur des sciences de la santé mettent en avant leurs partenariats internationaux, gages d’une double diplomation convoitée. Du côté public, la Faculté des sciences et techniques rappelle l’existence de programmes de mentorat et d’incubateurs d’entreprises financés par la Banque africaine de développement, argument décisif pour ceux qui envisagent la recherche ou l’entrepreneuriat.
Insertion professionnelle et filières porteuses : répondre au marché
Au-delà de la rhétorique institutionnelle, la question de l’employabilité reste le juge de paix. Les données du ministère du Plan estiment que 70 % des emplois créés d’ici 2030 concerneront les secteurs des énergies, du numérique et de l’agro-industrie. Conséquence : les stands de génie électrique, de data science ou d’agronomie verte ne désemplissent pas. « Je voudrais intégrer la filière cybersécurité, confie Évelyne, 17 ans, bachelière scientifique. J’ai besoin de savoir si la formation locale est reconnue à l’étranger. »
Pour nourrir cette convergence entre offre académique et débouchés, le Salon accueille, pour la première fois, un espace « Perspectives métiers » où des entreprises nationales comme la Société nationale des pétroles du Congo et des start-ups du parc technologique de Kintélé exposent leurs besoins futurs. « Nous espérons contractualiser des stages dès la première année afin d’arrimer les compétences aux réalités du terrain », précise un responsable RH du secteur pétrolier.
Témoignages bacheliers congolais : espoirs mesurés, ambitions intactes
Sur les gradins, la fébrilité rivalise avec la lucidité. Emmanuel, titulaire d’un bac technique, s’interroge sur le coût des écoles privées ; Diane, première mention en série A4, redoute la sélection en médecine ; Arnaud, passionné de robotique, envisage déjà des études conjuguant génie mécanique et économie numérique. Tous saluent la présence de conseillers pédagogiques qui traduisent la jungle administrative en trajectoires personnalisées.
À l’heure où le Congo-Brazzaville renforce la place de la jeunesse dans ses politiques publiques, ce Salon incarne une diplomatie intérieure qui conjugue proximité et prospective. En misant sur l’accès à l’information, les autorités espèrent transformer l’angoisse de l’orientation en moteur d’excellence. Comme le résume la ministre Emmanuel, « choisir sa filière, c’est déjà contribuer au développement national ».