Don médical chinois à Brazzaville : enjeux et portée
La bâtisse ocre et blanche qui domine l’avenue Marien-Ngouabi, dans le huitième arrondissement, a vu défiler de nombreux partenaires depuis son inauguration en 2013. Le 5 août dernier, l’hôpital de l’amitié sino-congolaise de Mfilou a de nouveau été, le temps d’une matinée, le théâtre d’une diplomatie sanitaire de proximité. L’équipe de la quatorzième mission médicale chinoise, conduite par le docteur Wang Zhitao, y a remis des médicaments et des équipements médico-chirurgicaux pour une valeur de 27,51 millions FCFA, saluée par les autorités congolaises comme « un renforcement d’envergure de notre capacité de prise en charge », selon les mots du directeur de cabinet du ministre de la Santé et de la Population, Donatien Moukassa.
Dans un contexte régional marqué par la récurrence du paludisme et les séquelles sanitaires de la pandémie de Covid-19, ce don anti-inflammatoire, antibiotique et antipaludéen ne relève pas du simple geste symbolique. Il s’inscrit dans la stratégie nationale de renforcement du plateau technique hospitalier et reflète, plus largement, la volonté du Congo-Brazzaville de diversifier ses partenariats pour relever le défi de la couverture santé universelle.
L’hôpital sino-congolais, laboratoire d’une amitié durable
Érigé grâce à un financement conjoint – dont la partie chinoise avait pris en charge près de 80 % des coûts de construction –, l’hôpital de Mfilou est rapidement devenu la vitrine d’une coopération bilatérale vieille de près de soixante ans. Chaque mission médicale, renouvelée tous les deux ans, apporte avec elle de nouveaux spécialistes et un lot de matériels adaptés aux pathologies les plus courantes observées en milieu urbain brazzavillois.
Pour le professeur Jenny-Claude Ndiaye, sociologue de la santé à l’université Marien-Ngouabi, « l’établissement joue un rôle d’incubateur d’innovations sanitaires, notamment en matière de biotechnologies modestes et adaptables au contexte local ». Les dons successifs ont permis l’introduction de techniques d’imagerie de pointe et la formation en continu du personnel congolais, offrant à la population un accès quasi gratuit à certains services qui, ailleurs, demeurent onéreux.
Un appui logistique stratégique pour la santé publique locale
Le don du 5 août vient étoffer une pharmacie hospitalière régulièrement mise à l’épreuve par les ruptures d’approvisionnement que connaissent nombre d’établissements périphériques. Les statistiques internes font état d’une fréquentation mensuelle moyenne de 7 000 consultations externes et de 2 300 urgences. « Nos stocks de dérivés antipaludiques s’épuisaient en moins de trois semaines. Cette cargaison nous offre une bouffée d’oxygène pour trois mois supplémentaires », confie Dr Olivia Mavinga, pharmacienne-chef.
Au-delà des boîtes de comprimés, Wang Zhitao a tenu à souligner la dimension technologique de l’appui : sets d’oxygénothérapie, instruments de suture et moniteurs multiparamétriques viennent consolider les capacités opératoires d’un bloc chirurgical déjà réputé pour son faible taux d’infections nosocomiales. Cette approche intégrée, articulant médicament et équipement, correspond aux orientations du Plan national de développement sanitaire 2022-2026, qui privilégie les solutions globales plutôt qu’un saupoudrage d’actions ponctuelles.
Regards croisés d’experts brazzavillois
Si la population salue spontanément la générosité chinoise, certains praticiens insistent sur la nécessité de penser la durabilité. Le docteur Arthur Kimpolo, épidémiologiste au Centre de recherche en santé de Kintélé, rappelle que « l’enjeu majeur reste la pharmacovigilance : tout dispositif d’aide doit s’accompagner d’un suivi rigoureux des lots, de leur conservation et de l’apparition éventuelle de résistances, notamment dans le cas des antipaludiques ».
Les autorités sanitaires, pour leur part, assurent qu’un protocole de suivi été mis en place, impliquant la Direction de la pharmacie et du médicament. Ainsi, les lots remis le 5 août seront scannés, tracés et intégrés dans la base de données nationale, garantissant un pilotage transparent des flux médicamenteux. Cette exigence de redevabilité nourrit la confiance du partenaire chinois, qui voit dans la rigueur congolaise un gage d’efficacité de son investissement.
Vers une complémentarité renforcée des systèmes de soins
Au-delà du présent don, les discussions en coulisse laissent entrevoir une évolution vers des projets de production locale. Selon une source proche du ministère de l’Industrie pharmaceutique, un avant-projet d’unité de fabrication de génériques à Madingou, porté par un consortium sino-congolais, pourrait voir le jour d’ici à 2026. L’objectif affiché est de réduire de 30 % les importations de médicaments essentiels, tout en créant des emplois qualifiés.
Dans l’intervalle, le renforcement du plateau technique de Mfilou constitue un relais immédiat pour la population des quartiers sud, où la densité médicale demeure inférieure à la moyenne nationale. Le président Denis Sassou Nguesso a récemment réaffirmé, lors de la Journée africaine de la décentralisation, que « l’accès équitable aux soins est un droit, et toute coopération qui le rend effectif consolide la paix sociale ». Cette philosophie guide la coopération sino-congolaise, qui paraît aujourd’hui moins animée par la logique de l’assistance que par celle de la coresponsabilité.