Fonea mise sur la mobilité pédagogique
À l’ère des révolutions technologiques, la question de l’équité dans l’accès à la formation reste prégnante au Congo. Le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage (Fonea) a choisi de déplacer l’école vers l’apprenant en mettant sur roues sa première unité mobile dédiée aux métiers de l’électricité. Inauguré le 31 juillet dernier par le ministre de la Jeunesse, Hugues Ngouolondélé, ce « camion-école » symbolise une volonté politique affirmée : rapprocher l’offre de compétences des localités les plus éloignées des centres urbains traditionnels.
Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de trente ans, le défi de l’employabilité ne se résume plus à créer des postes, mais à doter la jeunesse de savoirs immédiatement exploitables. L’option de la mobilité répond à la fois à l’impératif de rapidité et à la contrainte d’infrastructures parfois déficientes dans certaines zones rurales.
Une réponse technique aux réalités du terrain
Long de 14,5 mètres et extensible une fois stationné, le module pédagogique conçu par le Fonea dispose d’un plateau technique de pointe : postes de câblage, armoires didactiques, simulateurs de courant faible et fort, groupe électrogène de 65 kVA, sans oublier un système de climatisation tri-bloc garantissant la stabilité des températures lors des exercices pratiques. « Nous avons voulu un laboratoire roulant qui n’ait rien à envier aux salles spécialisées des capitales régionales », résume Patrick-Robert Ntsibat, directeur général du Fonds.
La configuration « plug and play » permet une installation en moins d’une heure sur un terrain stabilisé. Des blocs latéraux escamotables créent un espace de travail dépassant 40 m², capable d’accueillir simultanément vingt apprenants. En choisissant le format conteneurisé, l’équipe d’ingénierie anticipe les conditions logistiques du réseau routier national : robustesse, maintenance aisée, possibilité d’être tracté par différents types de camions disponibles localement.
Synergie institutionnelle et perspectives économiques
Ce projet pilote ne se veut pas une entité isolée. Il est appelé à s’inscrire dans la galaxie des Centres d’éducation, de formation et d’apprentissage (Cefa) et à travailler en symbiose avec l’Agence congolaise pour l’emploi (Acpe). Les cursus, bâtis sur le référentiel africain de qualification, déboucheront sur des certifications reconnues par le ministère de l’Enseignement technique et professionnel. « L’objectif est double : sécuriser la qualité du diplôme et faciliter la passerelle vers l’entrepreneuriat ou l’emploi salarié », insiste un cadre du Cefa de Makelekele.
L’industrie électrique, dopée par les chantiers d’électrification rurale et la montée en puissance du bâtiment, devrait absorber une partie substantielle des futurs diplômés. Les petites et moyennes entreprises locales, souvent confrontées à un déficit de main-d’œuvre qualifiée, saluent déjà cette initiative qu’elles jugent de nature à réduire leurs coûts de recrutement et de formation interne.
Paroles de jeunes et attentes sociales
Sur l’esplanade de la mairie de Talangaï, où le dispositif a effectué sa première halte, Clémence, 22 ans, diplômée d’un baccalauréat scientifique, confie son enthousiasme : « Je pensais devoir aller à Pointe-Noire pour une formation pratique en électricité du bâtiment. Savoir que cette école peut venir jusqu’à nous ouvre des perspectives réelles. » Même écho chez Rodrigue, soudeur reconverti, qui voit dans la spécialisation électrotechnique « une valeur sûre face aux mutations du marché ».
Les parents, pour leur part, voient dans cette innovation un moyen de lutte contre l’oisiveté urbaine. « Lorsque les jeunes acquièrent une qualification, c’est toute la cellule familiale qui respire », souligne Maman Léontine, commerçante au marché Total.
Vers une démocratisation des métiers électriques
Si le Fonea se garde de tout triomphalisme, l’ambition affichée est claire : déployer, à l’horizon 2025, au moins cinq unités similaires couvrant chacune un couloir géographique – Nord, Sud, Est, Ouest et périphérie de la capitale. Le programme, chiffré à environ trois milliards de francs CFA, bénéficie d’un montage financier associant budget national, coopération bilatérale et appui technique d’organismes multilatéraux.
Au-delà de la prouesse logistique, c’est une certaine idée de la citoyenneté économique qui se dessine. En dotant des cohortes de jeunes de compétences normalisées, le Congo se donne les moyens de conforter sa souveraineté énergétique tout en favorisant l’essor d’une classe moyenne technique, indispensable à toute industrialisation douce et inclusive. Le camion-école, parti de Brazzaville, porte ainsi la promesse d’un futur où l’ampoule de l’emploi s’allume partout, même au bout des pistes latéritiques.