Le choix sénatorial et ses enjeux diplomatiques
Dans l’hémicycle chamarré du Palais des Congrès, la sixième session ordinaire du Sénat s’est conclue sur une note d’unanimité rare : les élus de la chambre haute ont approuvé, le 2 août, le projet de loi autorisant la ratification de la Convention créant l’Organisation internationale pour la médiation. Par ce vote sans voix discordante, l’institution confirme la cohésion des forces politiques autour de la priorité accordée aux outils pacifiques de règlement des différends, conformément à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
Intervenant au nom du gouvernement, le ministre de la Coopération internationale et du Partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, a rappelé que « la médiation n’est ni un luxe ni un gadget diplomatique, mais la voie la plus économique et la plus humaine de prévention des conflits ». La formule, saluée par les sénateurs, illustre la vision d’une diplomatie congolaise soucieuse de conjuguer soft power et responsabilité régionale.
Une architecture multilatérale encore en gestation
Née sous l’impulsion d’un groupe d’États membres des Nations Unies, l’Organisation internationale pour la médiation – OMI, selon son acronyme provisoire – se veut un instrument souple, capable d’intervenir avant que n’éclatent des procédures contentieuses longues et coûteuses. Son conseil d’administration, son secrétariat général et ses organes consultatifs devront constituer un vivier d’experts reconnus, épaulés par un fonds de soutien aux processus de médiation. Trente-trois États ont déjà paraphé l’instrument constitutif et dix l’ont ratifié, signe d’un engouement prudent mais réel pour cette innovation juridique.
Les observateurs notent que l’OMI s’inscrit dans une dynamique de réinvention de la diplomatie multilatérale, à l’heure où la judiciarisation croissante des relations internationales trouve ses limites. Le professeur Moussa Myambi, constitutionnaliste à l’Université Marien-Ngouabi, considère que « l’OMI offre aux États africains une scène où l’équité n’est pas dictée par le poids économique, mais par la qualité de l’argument ».
Positionnement stratégique de Brazzaville
En endossant précocement la Convention – le Congo l’a signée le 30 mai, moins de deux mois avant son adoption parlementaire – Brazzaville réaffirme sa vocation de médiateur en Afrique centrale. On se souvient du rôle joué par le président Denis Sassou Nguesso dans le dossier centrafricain, ou encore de la conférence de Brazzaville sur la Libye en 2017, qui lui a valu des éloges sur la scène continentale.
Cette ratification conforte la cohérence d’une politique étrangère axée sur la promotion de la paix comme préalable au développement. Le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, initiative écologique portée par le chef de l’État, s’appuyait déjà sur la logique du partenariat et du consensus. La participation à l’OMI apparaît ainsi comme un prolongement naturel de cette doctrine diplomatique fondée sur la recherche de convergences plutôt que sur la confrontation.
Quid des mécanismes juridiques régionaux ?
Certains juristes avaient exprimé, en amont du vote, des interrogations sur un éventuel chevauchement avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA. L’argument a été balayé par le ministre en charge de la Coopération, lequel a précisé que l’OMI intervient « en amont, dans la phase précontentieuse » et laisse entière la compétence de la CCJA une fois la saisine judiciaire déclenchée.
Le barreau de Brazzaville, par la voix de Me Clarisse Ngoma, estime que la complémentarité est même souhaitable : « La médiation internationale peut désamorcer les tensions commerciales transfrontalières avant qu’elles ne viennent engorger les tribunaux régionaux et internationaux. » Cette articulation fine entre prévention et sanction participe de la modernisation de l’écosystème juridique congolais et renforce la sécurité des investissements, sujet crucial en période de relance économique post-pandémie.
Jeunesse urbaine et prospective pacifique
Au-delà des cercles diplomatiques, la ratification suscite un intérêt croissant chez les jeunes citadins de Brazzaville, pour lesquels la paix n’est plus un slogan mais une condition tangible de mobilité sociale et d’entrepreneuriat. Dans les couloirs de l’Université Denis-Sassou-Nguesso, Clémence, étudiante en relations internationales, confie que « savoir que notre pays porte cette bannière peut nous ouvrir des voies de stages, de carrières et d’influence dans les organisations internationales ».
Cette appropriation sociétale témoigne d’une diplomatie qui ne se conçoit plus en vase clos. En misant sur la médiation, le Congo-Brazzaville cultive une image constructive susceptible d’attirer des partenariats académiques, des programmes de formation et des financements dédiés à la résolution pacifique des conflits. L’adhésion à l’OMI, loin d’être un simple acte technique, inscrit ainsi la capitale congolaise dans la cartographie des futures « villes-négociatrices » du continent.