Contexte économique congolais en mutation
À l’heure où Brazzaville s’emploie à diversifier une économie encore portée par les hydrocarbures, l’industrialisation revient au centre du débat public. Selon les dernières estimations de la Commission économique pour l’Afrique, la contribution industrielle dépasserait à peine 7 % du produit intérieur brut, signe d’une marge de progression considérable. Le gouvernement a déjà inscrit, dans le Plan national de développement 2022-2026, l’objectif de créer des chaînes de valeur locales capables d’absorber la main-d’œuvre urbaine et de réduire la dépendance aux importations manufacturières. L’enjeu est double : consolider la stabilité macro-économique et offrir des débouchés à une jeunesse dont le dynamisme constitue, pour reprendre les mots d’un économiste de l’Université Marien-Ngouabi, « la première richesse du pays ».
Un partenariat onusien aux contours concrets
C’est dans ce contexte qu’Abdourahamane Diallo, coordonnateur résident des Nations unies, a confirmé la mobilisation de trois agences phares – le Programme des Nations unies pour le développement, l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel et la Commission économique pour l’Afrique – afin d’accompagner la conception de la feuille de route industrielle. « Nous voulons offrir une expertise ciblée, calibrée sur les réalités congolaises », a-t-il déclaré au sortir de son entretien avec le ministre du Développement industriel et de la Promotion du secteur privé, Antoine Nicéphore Fylla Saint-Eudes. L’alliance affiche une ambition pragmatique : passer du diagnostic à l’ingénierie de projets bancables, capables d’attirer à la fois le capital domestique et les investissements directs étrangers.
Une feuille de route pensée comme boussole stratégique
La future feuille de route se présente comme un document de référence qui établira les priorités sectorielles, les incitations fiscales et le calendrier de mise en œuvre. D’après une source proche du dossier, la démarche devrait s’articuler autour de pôles de compétitivité régionaux, inspirés par l’expérience de la Zone économique spéciale de Maloukou, tout en intégrant les impératifs de l’Accord de libre-échange continental africain. Le ministre Antoine Nicéphore Fylla Saint-Eudes insiste : « Nous voulons un texte vivant, capable d’évoluer avec les contraintes internationales et les attentes du secteur privé national ». La participation des organisations professionnelles, des chambres consulaires et des acteurs de l’économie numérique est également prévue, afin que les petites et moyennes entreprises ne demeurent pas au bord de la route.
Cartographier les potentialités locales, un préalable
Parallèlement, Brazzaville mène une cartographie détaillée des ressources naturelles et du tissu productif. Le gouvernement souhaite documenter, département par département, les atouts en agro-industrie, énergies renouvelables, matériaux de construction ou encore métallurgie. « Disposer d’un inventaire précis nous permettra de cibler les investissements et de prioriser les infrastructures d’appui, notamment l’énergie et la logistique », souligne un haut-cadre du ministère de l’Énergie. Les agences onusiennes entendent apporter des outils de télédétection, des bases statistiques et un accompagnement méthodologique pour fiabiliser ces données, condition sine qua non à la crédibilité des projets auprès des partenaires financiers.
Vers une industrialisation inclusive et verte
Au-delà des indicateurs macro-économiques, la démarche congo-onusienne se veut alignée sur l’Agenda 2030 et l’Accord de Paris. Il s’agit de faire émerger une industrie décarbonée qui valorise les gisements hydroélectriques du bassin du fleuve Congo et l’immense potentiel forestier. Les experts du PNUD rappellent qu’un kilowatt-heure produit à partir d’énergies renouvelables reste, sur le long terme, moins coûteux qu’un kilowatt-heure fossile, un atout non négligeable pour l’attractivité du site congolais. D’autre part, la feuille de route prévoit des mécanismes de formation technique, afin de rapprocher les jeunes urbains du marché du travail industriel. Pour la sociologue Julienne Mankessi, « l’insertion des diplômés repose autant sur l’essor des usines que sur la qualité des passerelles entre universités, centres de formation et entreprises ».
Quels bénéfices pour la jeunesse brazzavilloise ?
Brazzaville concentre déjà 40 % de la population du pays et la quasi-totalité des services avancés. Le développement d’unités de transformation agroalimentaire, de recyclage de matériaux ou d’assemblage de biens d’équipement offrirait aux jeunes entrepreneurs des débouchés concrets dans la capitale et sa périphérie. Les autorités locales comptent sur les partenariats publics-privés pour moderniser les voiries industrielles, fluidifier le transport urbain de marchandises et renforcer les réseaux numériques indispensables à la compétitivité des PME. Si le processus se déroule comme prévu, les premiers appels à projets pourraient être lancés d’ici à la fin de l’année prochaine, préfigurant une nouvelle ère où la capitale se rêvera, enfin, en hub industriel durable.