Un rendez-vous musical réaffirmé malgré l’adversité
Du 19 au 26 juillet 2025, Brazzaville a de nouveau prêté son toit sonore au Festival panafricain de musique. Sous les fresques modernistes du Palais des congrès, quelque trois mille festivaliers et plusieurs dizaines d’artistes africains ont convergé vers la capitale congolaise, démontrant qu’un calendrier dense n’altère pas la capacité d’accueil de la ville. La 12ᵉ édition, conduite sous la houlette du ministère en charge de l’industrie culturelle, a dû composer avec des contraintes budgétaires bien réelles, reflet d’un climat macro-économique international hésitant. Pourtant, aucune travée du grand auditorium n’est restée inerte : Brazzaville a fait montre d’une résilience peu commune, portée par une société civile mobilisée et par des partenariats publics-privés qui, pour l’heure, tiennent leurs promesses.
La diplomatie culturelle congolaise renforcée
En reconnaissant publiquement le « succès » de l’événement, le président de l’Assemblée nationale, Isidore Mvouba, a situé le Fespam au cœur d’un dispositif de soft power continental. À ses yeux, l’inscription en 2021 de la rumba congolaise au Patrimoine immatériel de l’humanité, puis la récente organisation sans fausse note du festival, constituent deux jalons d’une même stratégie : faire de la République du Congo un pôle référentiel pour les industries créatives (UNESCO). Le dispositif a produit un double effet. Sur le plan interne, il a stimulé des chaînes de valeur autour de la production musicale, du design scénique ou encore de la communication numérique. Sur le versant externe, il a permis de rehausser le capital-sympathie du pays, tout en densifiant les échanges avec les chancelleries africaines présentes dans la capitale.
L’adhésion juvénile, thermomètre du succès populaire
La scène la plus commentée demeure sans doute ce moment où une marée de jeunes festivaliers s’est élancée vers la tribune présidentielle lors de la cérémonie de clôture. Ce geste, spontané selon plusieurs observateurs, traduit une appropriation collective du festival, mais également une reconnaissance symbolique envers le Chef de l’État, dont l’initiative de créer un ministère dédié à l’industrie culturelle est fréquemment citée dans les coulisses. « Nous ne venons pas seulement assister à des concerts ; nous venons prendre part à une histoire commune », confiait, encore ému, Arsène Boudimbou, étudiant à l’Université Marien-Ngouabi.
Des retombées économiques encore en gestation
En marge des spectacles, un symposium doctoral a réuni chercheurs, entrepreneurs et banquiers sur le thème de la diversification économique par la culture. Les investissements mesurés – location d’équipements, transports, hôtellerie – devraient générer, selon une estimation du Comité d’organisation, un chiffre d’affaires direct d’environ trois milliards de francs CFA. Au-delà des agrégats, c’est surtout l’éclosion de micro-entreprises audiovisuelles et l’essor du merchandising musical qui retiennent l’attention. Les stands érigés sur l’esplanade du palais ont accueilli près de vingt-cinq mille visiteurs en une semaine, consolidant, par un effet d’entrainement, un tissu urbain de petites unités productives pérennes.
Les voix critiques et la réponse des organisateurs
Quelques observateurs ont pointé des retards logistiques ou une programmation jugée trop condensée. Les organisateurs admettent des « imperfections structurelles » mais rappellent que le Fespam renonce à la facilité d’annulations, préférant ajuster en marchant. Une telle posture a, selon Isidore Mvouba, vocation à « stimuler la créativité face à la rareté des ressources ». L’argument n’a pas désarmé toutes les critiques, mais force est de constater que les scènes extérieures, gratuites, n’ont pas désempli, déjouant le pronostic des sceptiques.
Perspectives: du festival à l’écosystème créatif durable
Alors que les lampions se sont éteints, le ministère en charge de l’industrie culturelle prépare déjà un plan d’accompagnement post-festival visant à sécuriser l’héritage matériel et immatériel de l’édition 2025. Au menu : incubation d’artistes dans des résidences, renforcement des droits voisins et élaboration d’un fonds de garantie pour la diffusion numérique à l’export. L’Organisation internationale de la Francophonie, pressentie comme partenaire technique, a salué cette projection stratégique, y voyant « un exemple d’intégration créative dans les politiques publiques africaines ». Si elle se concrétise, une telle dynamique ferait du Fespam non plus un simple événement périodique, mais le cœur battant d’un écosystème culturel capable de générer des exportations et d’amplifier le rayonnement de Brazzaville sur la scène globale.