Choléra à Brazzaville : état des lieux sanitaires
Au cœur de la saison sèche, Brazzaville fait face à un regain d’attention sanitaire : cent quatre-vingt-quinze cas suspects de choléra ont été notifiés entre le 30 juin et le 31 juillet 2025, dont six confirmés et douze décès. Si ces chiffres demeurent contenus au regard des précédentes flambées régionales, leur progression rappelle la vulnérabilité des systèmes urbains d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Les autorités sanitaires, suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, rappellent que l’infection se contracte essentiellement par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés et provoque une déshydratation foudroyante.
Engagement citoyen : le rôle pivot de la Cnore
Réunies le 7 août à la Maison de la société civile, les trente-deux organisations membres de la Coordination nationale pour la réponse communautaire multisectorielle contre les épidémies (Cnore) ont décidé de placer la mobilisation populaire au centre de la riposte. « La communauté est notre premier rempart », résume Markos Hollat Louis, coordonnateur général de la plateforme. L’atelier de renforcement des capacités a permis d’actualiser les connaissances des relais communautaires venus des neuf arrondissements de la capitale, depuis Madibou jusqu’à Djiri, sur la détection précoce des cas et les gestes barrières.
Synergie institutionnelle et soutien gouvernemental
La présence conjointe du ministre de la Santé et du directeur de cabinet du secrétaire permanent du Conseil consultatif de la société civile illustre la volonté de conjuguer les efforts. Prônant un « dialogue opérationnel », le ministre a rappelé que le gouvernement dispose déjà d’un stock stratégique de sels de réhydratation orale et travaille, avec l’appui de l’UNICEF, à renforcer la chloration des points d’eau périphériques. Cette coopération publique-communautaire s’inscrit dans la logique du Plan national de développement sanitaire qui privilégie la prévention et l’alerte précoce.
De la parole aux actes : descentes sur le terrain
À la suite des débats, les participants se sont dispersés en petites équipes vers les lieux de brassage intense : Parc zoologique, Beach fluvial, port de Yoro et marchés de Ouenzé. Munis de mégaphones et de flacons de solution hydro-alcoolique, ils expliquent, souvent en lingala, l’importance du lavage des mains, de la conservation couverte des aliments et du recours immédiat au centre de santé lors de diarrhées aiguës. Les riverains, d’abord surpris, prêtent progressivement l’oreille. « On n’imaginait pas que boire de la glace pilée au bord de la route pouvait être risqué », confie Mireille, vendeuse au marché Total, soulignant la pertinence des messages adaptés au vécu quotidien.
Défis logistiques et perspectives de résilience urbaine
Malgré cette dynamique, plusieurs défis demeurent : l’accès irrégulier à l’eau potable dans les quartiers périphériques, la saturation ponctuelle des centres de traitement et la circulation transfrontalière sur le fleuve Congo qui complique la surveillance épidémiologique. Les experts de la Faculté des sciences de la santé réclament un renforcement durable des infrastructures d’assainissement, jugeant que « la lutte contre le choléra ne saurait se limiter aux périodes de crise ». Dans le même temps, la mairie de Brazzaville annonce la réactivation du programme Zéro tas d’ordures afin de réduire les gîtes microbiens.
Vers une mobilisation pérenne de la jeunesse urbaine
La campagne lancée par la Cnore vise enfin à fédérer les jeunes, principaux vecteurs d’innovation sociale. Des ambassadeurs « Main propre » seront déployés dans les écoles, les universités et les terminaux de transport pour relayer les pratiques d’hygiène. « Plus la prévention devient un réflexe, moins il sera nécessaire d’organiser des ripostes d’urgence », insiste Eugène Loutonadio, porte-voix du Conseil consultatif. Ainsi, Brazzaville aspire à transformer une crise en opportunité pédagogique et à inscrire la santé publique parmi les priorités partagées.