Une impulsion citoyenne au cœur des célébrations nationales
Chaque mois d’août, Brazzaville se pare de drapeaux et de musiques pour commémorer l’accession du Congo à la souveraineté. Cette année, les festivités ont pris une dimension inattendue : l’éclairage, au sens propre, de la santé oculaire. Profitant de l’effervescence populaire, l’Ong « Œil droit, œil gauche » (Odg) a dévoilé la campagne Lipanda ya Mboka – littéralement « l’indépendance du pays ». L’initiative, ouverte depuis le 6 août et annoncée à grands renforts de mégaphones dans les marchés de Poto-Poto et de Bacongo, propose des consultations et des montures à tarifs réduits jusqu’au 31 août. « Nous avons souhaité inscrire notre action dans la symbolique de l’émancipation : que chacun puisse voir l’avenir avec clarté », explique le secrétaire de l’Ong, Abdel Salanguia (ACI).
Accessibilité financière : un frein qui s’amenuise
Selon les données internes de l’Odg, le coût moyen d’une paire de lunettes correctrices dans la capitale avoisine habituellement les 45 000 francs CFA, soit près de la moitié du salaire minimum garanti. Un prix dissuasif pour de nombreux ménages, notamment dans les arrondissements périphériques. L’offre promotionnelle ramène ce tarif à moins de 20 000 francs, consultation incluse, grâce à un partenariat avec plusieurs distributeurs et à l’exonération ponctuelle des frais d’importation consentie par l’Administration des douanes. « Le but n’est pas de vendre à perte, mais de créer le réflexe de la visite ophtalmologique régulière », ajoute M. Salanguia. À en croire les registres d’inscription, plus de 1 200 personnes se sont déjà présentées en une semaine, un chiffre qui témoigne de la demande latente pour des services spécialisés jusque-là perçus comme hors de portée.
Choisir ses verres : comprendre l’offre technologique
Les stands installés au Centre culturel russe ont également une vocation pédagogique. Verre minéral, verre organique, verre en polycarbonate : si les termes semblent d’emblée techniques, les animateurs les déchiffrent avec une simplicité didactique. Le verre minéral, prisé par les générations précédentes, reste apprécié pour sa netteté optique mais souffre d’une fragilité notoire. Le verre organique, plus léger, domine aujourd’hui le marché par son confort. Quant au polycarbonate, il séduit les plus jeunes pour sa résistance aux chocs, un atout non négligeable pour les écoliers. « Nous ne forçons aucune vente ; nous exposons les avantages et la différence de coût, puis l’usager décide », précise l’opticienne Mireille Nganké. Cette transparence alimente la confiance et contribue à une meilleure observance des prescriptions médicales.
Échos du terrain : voix de bénéficiaires et d’experts
Dans la file d’attente qui serpente sous les flamboyants de l’avenue de la Paix, Jean-Patrick, manœuvre dans le bâtiment, confie qu’il repoussait depuis trois ans le changement de ses verres fissurés. « Aujourd’hui, je paie moins cher que le téléphone que je tiens en main », sourit-il. Plus loin, Tatiana, étudiante en droit, salue la prise en compte des besoins spécifiques : « Pour nous qui passons des heures devant l’écran, les filtres anti-lumière bleue sont proposés sans frais supplémentaires ». Du côté médical, le Dr Clarisse Ossebi, ophtalmologiste au CHU de Brazzaville, voit dans la démarche « un complément utile aux consultations hospitalières souvent saturées ». Elle rappelle toutefois l’importance d’un suivi annuel, même pour les porteurs de lunettes neuves, afin de dépister glaucome ou cataracte précocement.
Vers une convergence avec la couverture santé universelle
En filigrane, Lipanda ya Mboka s’articule avec la stratégie gouvernementale visant l’extension progressive de la couverture maladie universelle. En soutenant ponctuellement l’allégement des droits d’entrée sur le matériel ophtalmique, les autorités montrent leur volonté d’encourager les initiatives privées à impact social, sans pour autant se substituer à l’investissement public. La Direction générale de la santé, par la voix de son porte-parole, souligne que « la collaboration État-associatif est appelée à se renforcer pour que la prévention visuelle devienne un réflexe national ». À l’heure où le numérique redéfinit les modes de vie, garantir à chaque citoyen une vue correcte n’est plus un luxe, mais une condition sine qua non de participation à la vie économique et culturelle. Au-delà de la période promotionnelle, l’Odg projette déjà de déployer des caravanes mobiles vers Dolisie et Owando, preuve que la quête d’indépendance se prolonge sur un territoire plus vaste que la seule capitale.