Caracas au cœur du débat mondial
À Caracas, plus de 120 professionnels des médias issus de 50 pays ont convergé fin juillet pour le forum Voix du nouveau monde, déterminés à repenser la manière dont le Sud global est raconté et à bâtir un réseau capable de résister aux distorsions internationales.
Pendant deux jours, les échanges ont porté sur la vérité, la paix et l’autodétermination, autant de valeurs que les délégations considèrent essentielles pour sécuriser l’avenir de sociétés encore marquées par les séquelles coloniales.
Diplomatie culturelle Sud-Sud
Les organisateurs vénézuéliens ont choisi Caracas pour son symbolisme, la capitale affirmant depuis plusieurs années une diplomatie culturelle tournée vers la coopération Sud-Sud.
Les délégations d’Afrique centrale, dont celles du Congo-Brazzaville, ont noté que l’initiative coïncide avec la volonté des États de la région de renforcer leur voix sur la scène médiatique internationale.
Des récits en quête d’équilibre
La notion de Sud global, popularisée par les penseurs décoloniaux, englobe des sociétés hétérogènes qui partagent l’expérience historique de la domination coloniale et d’inégalités toujours structurantes dans les échanges culturels et économiques.
Selon la chercheuse camerounaise Marthe Ndedi, présente à Caracas, « tant que nos histoires seront filtrées par des référentiels extérieurs, nos peuples se verront au miroir déformant d’intérêts qu’ils ne contrôlent pas ».
Alliance des journalistes du Sud global
Le point culminant du forum fut la création de l’Alliance des journalistes du Sud global, plateforme qui se veut agile, multilingue et indépendante des conglomérats installés dans les grandes capitales occidentales.
Ses fondateurs envisagent un protocole de vérification collaborative, le partage de contenus libres de droits et un fonds de solidarité destiné à soutenir les reporters en zones à faible connectivité.
« La crédibilité de nos médias passera par notre capacité à exposer nos contradictions sans jamais alimenter la caricature », a déclaré Julio Escalona, coordinateur du réseau, rappelant que l’objectif reste l’équilibre, non le plaidoyer partisan.
Impacts attendus pour Brazzaville
Les rédactions brazzavilloises suivent de près l’initiative, consciences qu’une représentation plus juste du fleuve Congo, du boom culturel urbain ou des réformes économiques peut renforcer l’attractivité du pays et soutenir la diversification voulue par les autorités.
Pour Emmanuel Ebina, directeur d’un quotidien local, « collaborer avec l’Alliance ouvrira des accès à des banques d’images, des données et des analyses régionales dont nos journalistes ont impérativement besoin dans un marché de l’information ultra-compétitif ».
Du côté des pouvoirs publics, le ministère de la Communication y voit une opportunité de mettre en lumière les avancées du numérique éducatif ou les résultats encourageants du programme de santé communautaire.
Innovation numérique au service de la souveraineté
Les débats ont soulevé la question des algorithmes, souvent calibrés pour privilégier les audiences des pays du Nord, laissant à la marge des contenus pourtant porteurs d’innovations sociales ou écologiques nées à Kinshasa, Kigali ou Brazzaville.
En réponse, des ingénieurs latino-américains ont présenté un prototype de plateforme décentralisée, fonctionnant sur chaînes de blocs, capable de contourner les filtrages et de garantir aux rédactions du Sud une distribution plus équitable de leur production.
Vers une cartographie des solutions
Le forum a adopté une feuille de route prévoyant un observatoire des pratiques médiatiques, des ateliers de formation trimestriels et la publication annuelle d’un rapport sur la représentation des pays du Sud global dans la presse internationale.
Ces mesures visent à doter les jeunes journalistes de compétences en data-journalisme et en narration multimédia, deux domaines jugés déterminants pour capter un public urbain connecté dont Brazzaville offre un échantillon croissant.
Les promoteurs du projet comptent s’appuyer sur les universités congolaises et les centres de formation régionaux afin de mutualiser les savoir-faire et de garantir la pérennité financière des nouvelles salles de rédaction virtuelles.
Beatriz Sosa, consultante argentine, résume l’esprit du forum : « Nous ne voulons pas écarter les grandes agences, nous souhaitons simplement que la conversation devienne polyphonique, respectueuse des contextes et comparable à un fleuve nourri de plusieurs affluents ».
Rendez-vous et mobilisation future
À l’issue des travaux, les participants ont convenu de se retrouver en 2025 à Addis-Abeba pour évaluer les progrès et élargir le réseau à d’autres acteurs, notamment les start-up culturelles et les organismes communautaires.
D’ici là, les rédactions brazzavilloises sont invitées à rejoindre les groupes de travail virtuels qui seront ouverts dès septembre, une chance de contribuer activement à une nouvelle architecture de l’information internationale.
Un écho des réseaux sociaux congolais
Sur Twitter et Instagram, de jeunes créateurs congolais ont immédiatement relayé les conclusions du forum, soulignant l’importance d’outils de fact-checking locaux pour contrer les fausses informations circulant lors des périodes électorales ou sanitaires.
La blogueuse Laëtitia Okemba rappelle que la création artistique urbaine brazzavilloise gagne en visibilité grâce à la vidéo courte, mais dépend encore d’algorithmes dont les règles, établies ailleurs, restent opaques pour les startups locales.
L’Alliance prévoit donc un hackathon transcontinental dédié à la transparence algorithmique, occasion pour les codeurs de Pointe-Noire et Brazzaville de proposer des solutions adaptées aux réalités de bande passante et de coût de données de la sous-région.