Match nul riche d’enseignements
Le stade Amani de Zanzibar, rempli comme un soir de finale, a offert une affiche haletante entre le Sénégal, champion sortant, et le Congo, fringant challenger. Après quatre-vingt-dix minutes intenses, le tableau d’affichage affichait 1-1, résultat logique d’une bataille équilibrée.
Les Lions locaux avaient ouvert le tournoi par un succès minimaliste face au Nigeria, tandis que les Diables Rouges avaient tenu en échec le Soudan. Ce deuxième rendez-vous du groupe A promettait déjà d’orienter la course aux quarts, et il n’a pas déçu.
Si les Sénégalais ont conservé la possession, la vivacité congolaise a régulièrement fissuré leur bloc. Le sélectionneur Souleymane Diallo avait évoqué un « piège » potentiel; il s’est matérialisé dès la 19e minute, lorsque Dechan Moussavou a profité d’un centre chirurgical de Charles Atipo.
Brazzaville vibre pour les Diables Rouges
À plus de deux mille kilomètres, bars et salons de Brazzaville se sont transformés en tribunes improvisées. Au marché Total, les vuvuzelas ont couvert les klaxons de motos, tandis que sur l’avenue Matsoua on commentait chaque tacle comme si la pelouse était sous les pieds.
Dans le quartier Moukondo, Paul, 27 ans, confie qu’il « rêve d’une demi-finale » pour montrer au continent la progression du football local. Pour lui, le nul contre le Sénégal « prouve que la relève est prête et que rien n’est impossible pour cette génération ».
Les autorités sportives saluent cet engouement. « Le football rassemble, il nourrit la cohésion nationale », rappelle Hugues Ngouélondélé, ministre des Sports, qui assure que des écrans géants seront installés dans chaque arrondissement si les Diables Rouges franchissent la phase de groupes, afin que personne ne rate l’événement.
Une organisation tactique récompensée
Le sélectionneur Barthélémy Ngatsono a opté pour un 4-3-3 compact, laissant très peu d’espaces entre les lignes. Cette discipline a frustré les attaques combinées sénégalaises. Même lorsque Layousse Sambqui a égalisé à la 82e, la structure était préservée, signe d’une préparation mentale aussi importante que le travail physique.
Au milieu, Peter Ndzinga a régné grâce à une vision sobre et des passes verticales. « Notre force, c’est la transition maîtrisée », glisse-t-il. Selon les statistiques fournies par la CAF, le Congo a récupéré 14 ballons dans le dernier tiers, soit le double de son match précédent.
Devant, Moussavou et Atipo ont incarné la menace permanente. Leur complicité, née sur les terrains sableux de Pointe-Noire, s’illustre par des appels croisés redoutables. « Nous n’avons peur d’aucun défenseur », assure Moussavou, tout sourire, avant d’ajouter qu’il « vise le titre de meilleur buteur ».
Jeunesse, sport et ambition nationale
La performance de Zanzibar montre la portée des investissements consentis dans les académies depuis une décennie. Le programme national de formation, soutenu par le ministère de la Jeunesse et des Sports, a permis l’ouverture de centres régionaux, dont celui de Oyo, conçu pour accueillir 120 talents chaque année.
En parallèle, la Fédération travaille avec l’Éducation nationale pour aménager les horaires scolaires des jeunes footballeurs et garantir leur réussite académique. Cette approche holistique séduit les parents, rassurés de voir leurs enfants élargir leurs perspectives au-delà du terrain tout en rêvant d’un jour porter la tunique rouge.
Pour le sociologue du sport Arsène Bakala, « chaque performance internationale sert de vitrine ». Il estime que le nul face au Sénégal « consolidera la conviction des décideurs et des sponsors que le football congolais est un levier crédible de croissance sociale et économique ».
Enjeux du tournoi pour la sous-région
Le CHAN, réservé aux joueurs évoluant dans leurs championnats nationaux, valorise les talents locaux et renforce les rivalités saines d’Afrique centrale. Une qualification du Congo en phase avancée doperait la visibilité de la Linafoot, encouragerait les investissements privés et stimulerait l’émergence d’un marché du sponsoring plus structuré.
Plus largement, l’édition 2025 disputée en Tanzanie démontre la capacité logistique croissante de l’Est africain. La CAF mise sur cette dynamique pour préparer la Coupe d’Afrique 2027. Les fédérations de la CEMAC voient là une opportunité d’échanges techniques et de mutualisation des formations d’arbitres et de médecins.
Perspectives pour la suite de la compétition
Avec deux points en deux rencontres, le Congo occupe la deuxième place provisoire derrière le Sénégal, leader à égalité mais bénéficiant d’une meilleure différence de buts. Le dernier match de groupe face au Nigeria, déjà sous pression, s’annonce décisif pour écrire le prochain chapitre de cette aventure.
Barthélémy Ngatsono insiste toutefois sur la prudence: « Nous respectons tout le monde, nous ne craignons personne ». Il prévoit de renforcer l’animation offensive aux entraînements de Dar es-Salaam, tout en maintenant l’axe défensif qui a contenu le Sénégal. L’ambition reste intacte, le rêve, plus tangible que jamais.
En cas de qualification, les Congolais retrouveraient peut-être les Lions Indomptables du Cameroun en quart, un choc que les supporters appellent déjà de leurs vœux. Une telle affiche offrirait un éclairage médiatique supplémentaire et donnerait aux jeunes joueurs une scène idéale pour séduire les recruteurs.