Pression et opportunité
Les chiffres viennent de tomber et ils retiennent l’attention des salles de marché de Brazzaville : le Trésor public devra décaisser près de 1 072,6 milliards de FCFA, soit environ 2 milliards de dollars, avant le dernier jour de 2025, selon la Caisse congolaise d’amortissement.
Ce montant, conséquent mais planifié, cristallise les questions sur la santé financière du pays et sur la solidité de la reprise post-pandémie, alors même que les cours pétroliers, principale ressource de devises, affichent une volatilité que surveillent les autorités avec prudence.
Le calendrier des remboursements 2025
À la date du 30 avril 2025, la CCA évaluait encore le solde à régler entre mai et décembre à 1 249,3 milliards de FCFA, avant que les paiements du mois de mai ne réduisent l’encours de 14 %, démontrant la capacité du Trésor à suivre un rythme soutenu.
Le pic de remboursement est attendu en octobre, à hauteur de 279,1 milliards de FCFA, dont 80 % en Bons du Trésor assimilables, détail qui traduit l’importance croissante du marché financier régional pour le financement des politiques publiques.
Pour l’économiste Cédric Mabiala, « le calendrier 2025 s’annonce dense, mais la planification mensuelle limite le risque de tension de trésorerie, surtout si la mobilisation fiscale suit la trajectoire prévue au budget ».
Poids des titres publics dans la dette
Les titres publics représentent environ 90 % des sommes dues, contre moins de 4 % pour les partenaires multilatéraux et 8,8 % pour les bailleurs bilatéraux, une structure qui reflète un recentrage vers les ressources locales, jugées plus flexibles par le ministère des Finances.
Ce choix permet aussi d’aplanir l’exposition aux variations de taux sur les places internationales, tout en maintenant un dialogue constructif avec les créanciers commerciaux qui détiennent à peine 7 % de l’encours.
Effort budgétaire et stratégie gouvernementale
D’après le communiqué de la CCA, le service de la dette a bondi de 44 % entre avril et mai, signe d’un effort anticipé voulu par le gouvernement afin de réduire la charge d’intérêts sur le reste de l’exercice budgétaire.
En séance à l’Assemblée nationale, le ministre des Finances, Roger Rigobert Andely, a rappelé que « la discipline budgétaire et la diversification économique sont les deux piliers de la soutenabilité », insistant sur la poursuite des réformes douanières et du cadastre minier.
La Loi de finances rectificative table sur une progression modérée de la production pétrolière, une hausse des recettes non pétrolières de 12 % et la création d’un fonds de stabilisation destiné à absorber les éventuels chocs exogènes.
Enjeux pour la stabilité macroéconomique
Le ratio dette-PIB, estimé à 90 % fin mai, reste au-dessus du seuil communautaire de la CEMAC, mais la tendance à la décrue, amorcée en 2021, se confirme, soutenue par la prudence des emprunts extérieurs et par la remontée progressive des recettes fiscales intérieures.
Le FMI, dans sa dernière mission, a salué la « résilience budgétaire » du Congo, tout en recommandant de renforcer le suivi des dépenses sociales afin que la consolidation n’entrave pas la réduction de la pauvreté.
Perspectives à l’horizon 2030
Dans le plan à moyen terme présenté aux partenaires, la dette devrait passer de 5 565,9 milliards de FCFA en 2025 à 2 720,7 milliards en 2030, soit une baisse de 63 %, objectif jugé réaliste par plusieurs analystes grâce aux perspectives gazières.
Les projets d’exportation de gaz naturel liquéfié, actuellement en phase d’ingénierie, pourraient diversifier les recettes et améliorer la capacité de remboursement, selon la société pétrolière nationale qui évoque une mise en production progressive entre 2026 et 2028.
« La trajectoire annoncée est exigeante, mais elle repose sur des hypothèses réalistes de croissance et sur un cadrage macroéconomique validé par nos partenaires techniques », note un conseiller proche du dossier, confiant dans la poursuite des réformes structurelles.
À Brazzaville, de nombreux jeunes entrepreneurs perçoivent la réduction du risque souverain comme une occasion de lever des capitaux régionaux pour des start-ups technologiques, signe que la question de la dette dépasse les cercles institutionnels pour toucher l’économie réelle.
Reste que la transparence et la publication régulière des rapports de la CCA demeurent essentielles pour maintenir la confiance des marchés et des citoyens, condition indispensable à la réussite des prochaines émissions souveraines prévues au premier trimestre 2026.
Regard des agences de notation
Moody’s a confirmé en juin la note B3 du Congo avec perspective stable, estimant que « le calendrier de remboursement, bien que serré, est compatible avec le profil de liquidité », grâce notamment à la discipline montrée sur les avances de la Banque des États d’Afrique centrale.
Fitch, de son côté, surveille l’évolution des créances litigieuses héritées des années 2014-2016, mais salue la mise en place d’un registre électronique des garanties, mesure qui clarifie la situation et pourrait à terme réduire le coût de l’emprunt.
Impact sur la vie quotidienne
Pour Aline, étudiante à l’université Marien-Ngouabi, « la maîtrise de la dette est synonyme de bourses versées à temps ». Son témoignage illustre le lien direct entre soutenabilité budgétaire et services publics, dimension souvent négligée dans les débats purement macroéconomiques.