Un registre social en expansion
La capitale a accueilli un atelier consacré à l’extension du registre social unique, outil clef de la politique de protection sociale congolaise. Objectif affiché : intégrer les réfugiés installés sur le territoire, afin qu’aucun ménage vulnérable ne demeure hors des radars des programmes publics.
Mis sur pied en 2018, le registre centralise déjà les données de plus de 700 000 citoyens économiquement fragiles. Pour les experts, l’ajout d’environ 60 000 réfugiés recensés par l’UNHCR renforcera la pertinence statistique, facilitant un ciblage plus fin et la rationalisation des transferts sociaux.
Le ministère des Affaires sociales pilote la mise à jour avec l’Institut national de la statistique. Les deux entités ont mobilisé géomètres, enquêteurs et informaticiens pour vérifier chaque dossier, gage de fiabilité indispensable avant l’intégration définitive au vaste entrepôt de données hébergé dans le cloud gouvernemental.
Le pari de l’inclusivité
L’immatriculation des réfugiés est pensée sur la base de critères de vulnérabilité harmonisés avec ceux applicables aux nationaux. Revenus, situation d’emploi, composition du foyer et conditions d’habitat seront examinés, évitant ainsi que le simple statut migratoire ne suffise à ouvrir l’accès aux aides publiques.
« Nous souhaitons une équité réelle, pas une équité de façade », résume Raphaël Akoli Ekolobongo, directeur des études au ministère, estimant que la transparence des algorithmes de sélection préservera la cohésion sociale. Les organisations de la société civile seront invitées à observer le processus en temps réel.
L’UNHCR, pour sa part, apporte une base biométrique mise à jour et du matériel mobile d’enregistrement. D’après Vladimir Yvon Liem, cette synergie évitera les doublons entre bases nationales et bases onusiennes, réduisant les risques de fraude et accélérant la délivrance de cartes d’assistance.
Coordination gouvernement-UNHCR
Les discussions ont également porté sur la répartition des rôles institutionnels. Le gouvernement conserve la souveraineté sur le registre, tandis que l’agence onusienne agit en conseiller technique. Un protocole d’accord portant sur la confidentialité des données et la cybersécurité devrait être signé avant la fin du trimestre.
Sur le terrain, des centres d’écoute mixtes seront ouverts dans les arrondissements les plus peuplés de Brazzaville, de Pointe-Noire et de Gamboma. Les réfugiés y déposeront leurs griefs, tandis que les assistants sociaux tiendront des permanences hebdomadaires pour expliquer les critères, limiter les rumeurs et fluidifier les inscriptions.
Plusieurs partenaires financiers, dont la Banque mondiale et l’Agence française de développement, suivent l’initiative avec intérêt. Leur soutien, encore en discussion, pourrait prendre la forme de subventions ciblées pour les ménages réfugiés urbains et de formations supplémentaires pour les gestionnaires du registre.
Impact attendu sur les ménages réfugiés
Aujourd’hui, près de 70 % des réfugiés vivant au Congo s’installent en milieu urbain, souvent dans des quartiers périphériques où le coût de la vie progresse. L’inscription au registre leur ouvrirait l’accès aux transferts monétaires Mboté, au régime d’assurance maladie universelle et à des programmes de formation.
Issa, jeune père centrafricain rencontré à Talangaï, espère surtout une couverture santé : « Je dépense tout pour les médicaments de mon fils ». Si son dossier est validé, il pourrait bénéficier d’une prise en charge de 60 % dans les hôpitaux publics partenaires dès l’an prochain.
Les associations de réfugiés soulignent néanmoins l’importance de la communication. Plusieurs communautés signalent une méfiance historique vis-à-vis des enquêtes administratives. Les autorités promettent des messages radio en langues locales sango, lingala et swahili afin d’expliquer la finalité du registre et de rassurer les potentiels inscrits.
Cap sur la durabilité
Au-delà des annonces, reste la question du financement pérenne. Selon le directeur général des Affaires sociales, un budget additionnel de deux milliards de francs CFA par an sera requis pour absorber l’arrivée des réfugiés, somme qu’il estime « gérable au regard des gains socio-économiques attendus ».
L’État s’appuie aussi sur l’autofinancement progressif : une fois actifs sur le marché du travail, les réfugiés contribueront par l’impôt indirect et les cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale. Une étude, attendue fin 2024, chiffrera cette contribution potentielle à moyen terme.
Les partenaires humanitaires, conscients des défis budgétaires, plaident pour une approche graduelle. Les inscriptions se feront donc par vagues trimestrielles, priorisant d’abord les familles monoparentales et les personnes en situation de handicap, puis les autres groupes selon les ressources mobilisées.
Si le calendrier est respecté, la deuxième moitié de 2025 devrait voir l’ensemble des réfugiés recensés bénéficier d’un identifiant social national. Les experts estiment que cette avancée positionnera le Congo comme un modèle régional de solidarité inclusive, tout en soutenant sa trajectoire de développement humain.
Parallèlement, un module de suivi en temps réel sera intégré à la plateforme e-Social. Doté d’alertes SMS et d’un tableau de bord public, cet outil permettra aux citoyens de vérifier l’avancement de leur dossier, renforçant la transparence et encourageant l’usage des services numériques dans l’administration.