Un salon qui gagne en maturité
Le Village artisanal, installé face au stade Alphonse-Massamba-Débat, bruisse d’éclats de rabots et d’arômes de sciure. Depuis le 11 août, la quatrième édition du Salon des métiers du bois offre aux visiteurs deux semaines d’immersion dans les potentialités souvent méconnues du matériau roi congolais.
Placée sous le thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », la manifestation veut dépasser le simple rendez-vous commercial. Elle ambitionne de créer un pont durable entre les scieries du Nord, les ateliers urbains et le public brazzavillois.
Le bois, levier de diversification nationale
En ouvrant le salon, la ministre des PME et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a salué « l’ingéniosité de nos créateurs qui transforment la ressource locale en valeur ajoutée ». Son homologue de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, a rappelé l’importance d’un secteur couvrant 69 % du territoire.
Selon les chiffres officiels, le pays recèle 900 millions de mètres cubes exploitables répartis sur plus de 300 essences. Pourtant, moins de deux millions sont actuellement valorisés. Ce décalage révèle autant un gisement économique qu’une marge de progression pour les entreprises et les artisans.
Artisanat local : créativité et emploi
Entre stands de bijouterie en eveza et fauteuils taillés dans le doussié, les visiteurs découvrent une chaîne de savoir-faire qui part des forêts communautaires jusqu’aux salles de séjour. Chaque pièce raconte une histoire, insiste le sculpteur Jean-Claude Moutsila, « parce que le bois est notre mémoire vivante ».
Le salon propose également des ateliers pratiques pour les jeunes diplômés en quête d’auto-emploi. Sur des établis improvisés, des menuisiers expérimentés initient les participants au ponçage ou à l’assemblage tenon-mortaise. L’objectif est clair : susciter des vocations et renforcer la main-d’œuvre qualifiée locale.
Consommer congolais, un choix stratégique
Dans les allées, l’appel à « consommer congolais » sonne comme un leitmotiv. Pour Prisca Ngoma, architecte d’intérieur, privilégier un meuble fabriqué à Makoua plutôt qu’un produit importé réduit l’empreinte carbone et dynamise les circuits courts. Le public semble réceptif, malgré un pouvoir d’achat sous pression.
Le gouvernement a déjà introduit des quotas d’achat local dans certains appels d’offres publics. « Quand l’État montre l’exemple, la demande privée suit », souligne Stéphane Okoï, économiste. Les artisans espèrent ainsi atteindre une masse critique pour investir dans des machines numériques et améliorer la finition.
Défis environnementaux et traçabilité
Au-delà de la promotion commerciale, les organisateurs mettent l’accent sur la gestion durable des forêts. Des conférences détaillent le système de certification légale, destiné à garantir que chaque planche provient d’une parcelle gérée selon les normes nationales et les engagements climatiques internationaux.
Le défi reste la traçabilité une fois le bois arrivé en ville. Certains artisans admettent se fournir au marché Total sans toujours connaître l’origine exacte des billes. Le ministère prévoit un registre numérique reliant les stocks des scieries aux ateliers urbains afin d’assainir la filière.
Perspectives industrielles et soutien public
L’industrie du bois représente déjà 6 % du PIB national, selon la Direction générale de l’économie. Mais la valeur ajoutée demeure faible car la majorité des grumes partent encore à l’export brut. Le gouvernement encourage désormais la seconde transformation sur place, en exonérant les équipements de scierie.
La zone économique spéciale de Maloukou, en périphérie de la capitale, accueille ses premières usines de contreplaqué. Pour Pierre Mabiala, responsable du site, « la proximité du marché intérieur et des ports fluviaux ouvre un corridor compétitif vers l’Afrique centrale ». Les carnets de commande s’étoffent.
Les bailleurs internationaux observent cette dynamique avec intérêt. La Banque africaine de développement a inscrit le secteur bois parmi les priorités de son prochain Country Strategy Paper. Des lignes de crédit pourraient financer la modernisation des séchoirs, maillon décisif pour répondre aux standards d’exportation vers l’Union européenne.
Reste la formation technique, souvent citée comme maillon faible. L’École nationale des eaux et forêts de Kintélé prépare la mise en place d’un cursus de technicien en fabrication bois. « Nous voulons harmoniser les compétences avec les besoins du tissu industriel », détaille son directeur, Félix Kimpolo.
Brazzaville, futur hub du design durable
À terme, les organisateurs du Sameb envisagent d’ouvrir le salon à d’autres matériaux naturels, pour favoriser les synergies entre cuir, bambou et rotin. Cette ouverture témoigne d’une ambition plus large : positionner Brazzaville comme hub régional des industries créatives liées aux ressources renouvelables.
En attendant, les visiteurs ont jusqu’au 25 août pour négocier le tabouret parfait ou participer à une conférence sur l’urbanisme bois. Les organisateurs tablent sur dix mille entrées, soit 15 % de plus que l’an passé ; un indicateur suivi de près par les professionnels.
Le Sameb s’impose ainsi comme un baromètre d’une économie forestière en mutation, alliant création d’emplois, valorisation de la ressource et exigence environnementale. Si les passerelles entre forêt et consommateur continuent de se consolider, le Congo pourrait devenir une référence continentale du design durable.