Priorité nationale en pleine croissance
Dans une salle de réunion animée du ministère de la Santé, la directrice de la Santé de la reproduction, Michèle Mountou, a clos l’atelier d’harmonisation du paquet de services essentiels pour la santé sexuelle et reproductive des adolescents congolais, rappelant l’urgence d’une mise en œuvre coordonnée.
Autour d’elle, responsables administratifs, experts onusiens et représentants de la société civile ont insisté sur un constat partagé : malgré les progrès du Congo-Brazzaville en matière de santé maternelle, les indicateurs propres aux 10-24 ans restent fragiles, entre grossesses précoces et nouvelles infections au VIH.
Selon le dernier rapport démographique national, près de 60 % de la population vit dans les centres urbains, et un tiers a moins de vingt ans ; un levier déterminant, souligne l’Institut national de la statistique, pour atteindre les objectifs de développement durable liés à la santé.
Harmonisation des services Ssr
Le concept de paquet harmonisé s’appuie sur des standards régionaux validés par l’OMS et l’UNFPA ; il combine information fiable, dépistage précoce, consultation confidentielle, prévention communautaire et référencement vers des structures spécialisées, le tout dans un langage adapté au vécu des jeunes Congolais.
Jusque-là, chaque district sanitaire adaptait ses outils selon les partenariats et les financements disponibles, générant parfois des doublons ou des zones blanches ; la nouvelle matrice doit donc assurer cohérence, partage de données et lisibilité pour les adolescents comme pour les professionnels.
Pour Michèle Mountou, l’enjeu est double : « Offrir un service véritablement accueillant, mais aussi recueillir des données harmonisées qui éclairent les politiques publiques ». Les équipes préparent ainsi un manuel unique de procédures, assorti d’un plan de renforcement des compétences en cascade.
Voix de la jeunesse connectée
Au sein du Parlement des enfants, Charly Babin Christ Mbemba rappelle que les adolescents se tournent volontiers vers leurs téléphones avant de franchir la porte d’un centre de santé ; il cite les plateformes Tictac Ados, Hello Ado et U-Report, déjà suivies par des milliers d’utilisateurs.
Ces canaux numériques, soutenus par l’Unicef, proposent des quizz interactifs, des cartes des points de services et un système d’alerte anonyme ; ils complètent la stratégie nationale en offrant un premier contact moins intimidant et en simplifiant la remontée de signaux sur d’éventuelles ruptures de stock.
Financements et partenaires
Le budget initial de déploiement approche les trois milliards de francs CFA pour l’exercice 2024-2026, selon la Direction générale du budget ; il repose sur une contribution de l’État supérieure à 60 %, le reste provenant de la Banque mondiale et d’agences bilatérales.
Les bailleurs saluent la clarté des indicateurs de performance, articulés autour de la réduction du taux de grossesses non désirées chez les 15-19 ans et de l’augmentation du dépistage VIH chez les garçons adolescents, deux cibles en phase avec les engagements internationaux du Congo.
Une ligne spécifique finance le volet communication ; spots radio, mini-séries web et graffitis urbains seront produits en langues locales pour briser les tabous. Le ministère mise sur des influenceurs musicaux afin de relayer les messages en dehors des canaux institutionnels.
Suivi, évaluation et données ouvertes
Le système de reporting numérique DHIS2 sera adapté pour intégrer des variables âge-sexe-localité et un module confidentiel permettant aux adolescents de noter la qualité d’accueil. Ces évaluations, anonymisées, nourriront un tableau de bord trimestriel disponible pour les décideurs et la recherche académique.
Un comité pluridisciplinaire présidé par la Direction de la santé de la reproduction validera les chiffres avant publication ; les organisations de jeunesse réclament d’ores et déjà un accès open data, arguant qu’une transparence totale renforcera la confiance et permettra d’ajuster rapidement les interventions.
Défis socioculturels persistants
Les principales inquiétudes formulées pendant l’atelier concernent la pérennisation des approvisionnements en contraceptifs de nouvelle génération et l’adhésion des parents dans les quartiers périphériques. La coordination projette donc des séances d’information intergénérationnelles dans les comités de quartier et les églises.
L’anthropologue Annie Mayissa rappelle que « la conversation doit en finir avec la culpabilisation ». Elle préconise une approche fondée sur le dialogue et la célébration des histoires de réussite, plutôt que sur des messages purement médicaux, pour consolider l’acceptabilité sociale du programme.
Calendrier et prochaines étapes
Les équipes techniques finaliseront d’ici décembre le guide opérationnel, avant un déploiement pilote dans six départements, Brazzaville et Pointe-Noire incluses. Les retours des adolescents serviront à ajuster les modules, puis l’extension nationale interviendra courant 2025, en fonction des leçons tirées.
Pour la directrice Mountou, ce calendrier réaliste illustre la volonté des pouvoirs publics de « placer la voix des jeunes au cœur du système ». Observateurs et partenaires partagent ce sentiment : le Congo dispose désormais d’une boussole commune pour améliorer la santé sexuelle de toute une génération.
Regards vers la sous-région
Le Gabon, le Cameroun et la République démocratique du Congo expérimentent déjà des formules semblables ; un atelier de capitalisation est prévu à Libreville au premier trimestre 2025 pour partager tableaux de bord et innovations numériques. Le Congo y présentera ses premiers résultats et comptabilisera les synergies possibles.