Une cérémonie d’adieu historique
Le 12 août, le Palais des congrès de Brazzaville s’est transformé en lieu de recueillement. Officiers en grand uniforme, délégations étrangères et simples habitants ont convergé pour un dernier adieu à Note Agathon, ancien président de la Cour constitutionnelle et serviteur infatigable de la République.
Le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, a dirigé l’hommage, tête baissée devant la dépouille drapée aux couleurs nationales. Le silence solennel de la salle soulignait l’importance de ce moment de mémoire collective et rappelait l’estime portée à l’illustre disparu.
Dans les premières rangées, la famille, les anciens collègues et plusieurs empêcheurs d’antan se tenaient côte à côte. Chacun, à sa manière, traduisait le même mot d’ordre : reconnaissance. Les applaudissements retenus accompagnaient le cercueil lors de son entrée puis de son installation.
Un parcours au service de l’État
Né en 1935, Note Agathon avait épousé très tôt le service public. Directeur du Travail dès 1963, il gravit les échelons jusqu’à la Direction générale de la Fonction publique, un poste clé dans l’édification d’une administration moderne au lendemain des premières indépendances africaines.
Plus tard, il prend la tête de l’École nationale d’administration, forgeant des générations d’élites dont plusieurs siègent aujourd’hui au Parlement ou pilotent des entreprises stratégiques. Son entourage se souvient d’un « directeur rigoureux, certes exigeant, mais toujours soucieux de transmettre une éthique du travail ».
Son mandat à la Cour constitutionnelle, de 2003 à 2012, fut marqué par des décisions charnières sur la consolidation de l’ordre institutionnel. L’actuel président de la Cour, Auguste Iloki, a salué « la sagesse d’un homme qui savait écouter avant de trancher ».
Un message d’unité nationale
La cérémonie, minutieusement orchestrée par le protocole d’État, alternait prises de parole et interludes musicaux. Des airs de la fanfare militaire succédaient aux chants d’un chœur d’étudiants, rappelant l’attachement du défunt à la culture nationale et à la transmission des savoirs.
Sur l’estrade, la Nation a décoré à titre posthume celui qui fut également Inspecteur général d’État. La remise de l’ordre du Mérite congolais, épinglé sur le coussin de velours, a déclenché un long moment d’applaudissements, écho d’une gratitude transpartisane.
Le président Sassou Nguesso, après avoir salué le cercueil, a soufflé quelques mots de réconfort aux proches. Bien que discrets, ses gestes insistaient sur l’unité : « Au-delà de la perte, nous célébrons un exemple. Puissions-nous poursuivre avec abnégation l’œuvre commencée ».
Le regard de la jeunesse brazzavilloise
Dans l’assistance, de jeunes diplômés brazzavillois voyaient en Note Agathon un trait d’union entre générations. « Son parcours montre qu’on peut servir l’État sans renoncer à ses convictions », estime Grâce, 24 ans, stagiaire à la mairie. Pour elle, le protocole solennel reste un encouragement.
Dans les quartiers populaires, la retransmission télévisée a réuni des voisins autour de petits écrans disposés en plein air. Au-delà de l’émotion, beaucoup relevaient la longévité de l’homme : près de cinq décennies d’activité, un horizon encore lointain pour la jeunesse en quête de repères.
La sociologue Mireille Mvoula analyse le phénomène : « Le besoin de figures rassurantes reste fort. La disparition de Note Agathon rappelle aux jeunes que l’État n’est pas une abstraction mais l’œuvre d’hommes et de femmes dont la persévérance trace un chemin ».
L’héritage administratif et moral
Outre ses décisions juridiques, l’ancien président de la Cour constitutionnelle a laissé des marques dans l’économie nationale. À la tête de l’Office national du commerce, il pilota la diversification des importations et l’ouverture de guichets pour les petites entreprises, mesures encore citées dans les rapports officiels.
Les médecins du Centre hospitalier et universitaire se rappellent aussi son passage éclair à la direction. « Il insistait sur la ponctualité et l’hygiène, deux exigences parfois mises de côté », confie le docteur Ntoumi. Aujourd’hui, certaines procédures internes portent toujours la signature de cet administrateur méthodique.
Pour l’historien Paul Makoua, Agathon appartient à ces « hauts fonctionnaires dont la trajectoire épouse celle de l’État moderne congolais ». Selon lui, la mémoire nationale gagne à valoriser ce patrimoine humain, une manière d’inspirer les talents appelés à conduire la diversification économique annoncée.
Perspectives pour l’avenir institutionnel
Une fois les drapeaux repliés, la dépouille a pris la route du cimetière d’Itatolo, où reposent plusieurs bâtisseurs de la capitale. Le cortège, encadré par la gendarmerie, s’estompe, mais la page écrite par Note Agathon demeure ouverte : celle d’un engagement indéfectible.
Au niveau gouvernemental, la disparition de cet ancien Inspecteur général d’État relance le chantier de la mémoire administrative. Un inventaire des archives qu’il a initié dans les années 1990 serait, selon nos informations, en cours de numérisation au ministère de la Fonction publique.
Les observateurs voient dans ce projet un prolongement logique de l’œuvre de Note Agathon, mais aussi une occasion pour les jeunes cadres de s’approprier les meilleures pratiques. La modernisation documentaire pourrait accélérer la délivrance des actes administratifs et renforcer la confiance citoyenne.
Dans les couloirs du Palais des congrès, un étudiant en droit murmurait : « Nous venons d’enterrer un livre vivant ». Cette phrase résume l’atmosphère : tous semblent décidés à transformer le deuil en énergie constructive, convaincus que le meilleur hommage reste l’action.