Brassage médiatique avant la présidentielle
À moins d’un an de la présidentielle prévue les 17 et 22 mars 2026, cinquante professionnelles des médias de Brazzaville se sont retrouvées au Pefaco Hôtel pour un atelier de trois jours soutenu par l’Unesco, le ministère de la Communication et la Commission électorale.
Le programme ambitionne de muscler l’approche éditoriale des participantes afin qu’elles abordent la campagne avec un regard critique mais serein, sans céder aux dérives virales qui transforment parfois la toile en caisse de résonance pour la désinformation et les discours anxiogènes.
Une alliance institutionnelle stratégique
De la table d’honneur, le ministre Thierry Moungala a rappelé que « le pluralisme médiatique ne vaut que s’il est rigoureux », saluant une « opportunité de faire rayonner les voix féminines ». Ses propos rejoignent ceux d’Henri Bouka, président de la CNEI, attentif à l’impartialité du scrutin.
Coordonné par le journaliste Arsène Sévérin Ngouéla, l’atelier s’est appuyé sur un panel d’experts dont Gaston Ololo de la Commission technique, Joachim Mbanza, ancien haut-conseiller, et Prosper Miyindou Ngoma, chef du centre onusien d’information à Brazzaville.
Modules axés sur l’éthique journalistique
Le premier module, consacré au droit de la presse, a revisité la Constitution ainsi que la récente loi sur la communication, insistant sur les garde-fous qui protègent tant les sources que les publics. Les participantes ont dialogué autour de cas réels survenus lors des municipales de 2022.
Vint ensuite la question de l’équilibre: comment donner la parole aux candidats sans reproduire des biais structurels ? « Nous devons être un pont, pas un mur », a résumé la rédactrice Déborah Ngoma, soulignant l’importance des formats interactifs pour impliquer l’électorat jeune.
Un autre atelier a détaillé les mesures de sécurité, physiques et numériques, utiles pendant les rassemblements publics. Entre paramétrage double facteur et repérage des issues de secours, les intervenants ont rappelé qu’aucune histoire ne vaut une blessure, encore moins une intrusion malveillante dans les comptes rédactionnels.
Le numérique, terrain d’opportunités et de risques
Dans un écosystème où TikTok devance désormais la radio chez les 18-25 ans, la session sur la vérification des contenus viraux a capté l’attention. Des exercices pratiques ont montré comment une photo sortie de son contexte peut bouleverser une courbe d’opinion en quelques heures.
Les formatrices ont présenté des outils open-source tels que InVID ou Forensically. « Il ne suffit pas de dénoncer une intox; il faut expliquer la mécanique de la manipulation », insiste la spécialiste des médias numériques, Irène Makaya, rappelant le potentiel pédagogique du journalisme d’investigation.
Révéler la force du regard féminin
Au-delà des compétences techniques, l’accent a été mis sur la perspective. La représentante de l’Unesco, Mme Fatoumata Barry Marega, note que « les femmes journalistes apportent une écoute sensible qui élargit le récit démocratique », invitant à multiplier les angles sur la santé, l’économie domestique ou l’entreprenariat.
En coulisses, plusieurs participantes confient éprouver encore des difficultés à accéder aux sources officielles. « Le téléphone décroche plus vite pour un confrère », relate Prisca Massingui du quotidien Les Dépêches. Des ateliers de réseautage avec cabinets ministériels et ONG sont envisagés pour niveler cette barrière.
Impacts attendus sur la campagne 2026
L’atelier s’achève sur une simulation de nuit électorale. Flashs résultats, duplex depuis Pointe-Noire, fact-checking en temps réel : chaque équipe s’exerce à contenir la pression. « Nous voulons transformer le stress en service citoyen », résume le formateur Joachim Mbanza, confiant dans la dynamique enclenchée.
À l’issue de la session, un groupe WhatsApp sécurisé a été créé pour mutualiser alertes, contacts et bonnes pratiques. Cette communauté virtuelle doit permettre aux reporters d’éviter les doublons, de recouper leurs chiffres et de déployer un narratif commun sur la participation et la transparence.
Cap vers une information apaisée
Les observateurs locaux saluent un signal fort envoyé à la profession. Pour le sociologue des médias Arnaud Pemba, « former les journalistes, c’est immuniser la société contre la rumeur ». Il rappelle que la couverture de 2021, déjà encadrée, avait contribué à un climat électoral globalement serein.
À terme, l’objectif est d’étendre l’initiative aux radios communautaires de l’intérieur, où l’accès à Internet reste inégal. L’Unesco planche sur un kit mobile de formation, traduit en langues locales, afin de garantir un maillage équitable de l’information vérifiée sur tout le territoire.
Les participantes recevront un suivi personnalisé jusqu’au dépôt des candidatures officielles. Des points d’étape trimestriels seront organisés au C.S.L.C pour mesurer l’application des acquis, tandis que la CNEI prévoit de publier un baromètre de l’équilibre du temps d’antenne, accessible au public.
En conjuguant formation, mentorat et veille collaborative, ce programme trace une voie pragmatique vers une couverture inclusive et apaisée de l’élection 2026. Pour beaucoup, l’enjeu dépasse le seul rendez-vous électoral : il s’agit de consolider la confiance durable entre médias et citoyens.
La perspective d’une élection sereine repose aussi sur le public. Les formatrices ont donc recommandé la production de chroniques pédagogiques expliquant pas à pas le vote, du retrait de la carte d’électeur au dépouillement. Un contenu simple mais capital pour réduire l’abstention identifiée chez les primo-votants.
Les participantes publieront dès septembre un premier reportage collectif sur cet apprentissage.