Le salon qui confirme une filière stratégique
Sous un large chapiteau dressé face au stade Président-Massamba-Débat, le Salon des métiers du bois 2025 a ouvert ses portes le 11 août à Brazzaville. L’événement, très attendu, propose quinze jours d’immersion dans la créativité artisanale locale, sur le thème « Bois et artisanat : consommons congolais ».
Quatrième édition d’un rendez-vous désormais inscrit au calendrier national, le SAMEB réunit 136 exposants, depuis les menuisiers des rives de la Sangha jusqu’aux sculpteurs de Pointe-Noire. Les stands bigarrés dévoilent meubles, bijoux, vanneries et toiles, révélant une diversité que les visiteurs découvrent avec curiosité.
Un appui gouvernemental réaffirmé
L’ouverture officielle a été présidée par la ministre de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, représentant le Premier ministre. À ses côtés, sa collègue des PME, Jacqueline Lydia Mikolo, a rappelé que l’artisanat constitue un axe majeur de la feuille de route gouvernementale pour la relance post-pétrole.
« Un peuple qui ne produit pas ce qu’il consomme n’est pas libre », a-t-elle cité, reprenant une formule chère au président Denis Sassou Nguesso. Le ton est donné : valoriser le bois local, soutenir les micro-entrepreneurs et encourager la consommation intérieure afin de consolider l’autonomie économique.
Des soutiens institutionnels notables
La présence d’Adama Dian Barry, représentante du PNUD, témoigne de l’intérêt des partenaires internationaux pour la filière. L’agence onusienne finance déjà des projets pilotes de séchage solaire et d’éco-design, destinés à réduire les pertes de matière première et à augmenter la valeur ajoutée locale.
Le maire du premier arrondissement, Edgar Bassoukissa, espère pour sa part que le futur village artisanal attirera des flux touristiques pérennes. « Le site changera l’image du quartier Makélékélé et génèrera des emplois qualifiés pour notre jeunesse », confie-t-il en évaluant à cinq cent le nombre d’emplois directs.
Former, financer, labelliser
Dans son allocution, la ministre des PME a déroulé une stratégie en cinq axes : formation, protection sociale, transformation industrielle, accès au crédit et labellisation. Près de 3 000 artisans doivent ainsi intégrer l’Assurance maladie universelle dès 2026, tandis que le fonds congolais de garantie favorisera les prêts bancaires.
Le Centre d’innovation du bois de Ouesso pilotera les modules techniques. Selon son directeur, Martin Olonga, « un meuble monté sur place rapporte trois fois plus qu’une grume exportée brute ». L’enjeu est aussi environnemental : transformer localement limite l’empreinte carbone liée au transport maritime.
Innovation et design au rendez-vous
Sur les podiums du salon, des défilés présentent des sacs et accessoires taillés dans le raphia teint à l’indigo, mêlant tradition téké et lignes contemporaines. Le public applaudit l’ingéniosité des jeunes stylistes, souvent formés dans les incubateurs installés par l’Agence nationale de l’artisanat.
Une zone prototype expose des meubles modulaires capables de s’assembler sans clou, grâce à des tenons imprimés en 3D. Ce savoir-faire hybride prouve que le bois congolais peut dialoguer avec la technologie. Des commandes pilotes ont déjà été passées pour aménager des écoles et des bureaux administratifs.
Consommer local, un réflexe à encourager
Pour les visiteurs, l’enjeu principal demeure le prix. Un fauteuil fabriqué à Makoua reste parfois plus onéreux que l’équivalent importé d’Asie. Les organisateurs misent sur la sensibilisation : acheter local, c’est soutenir l’emploi, réduire les délais de livraison et garantir une traçabilité conforme aux normes de gestion durable.
« Nous voulons que chaque foyer brazzavillois possède au moins une pièce signée d’un atelier national », affirme Mireille Opa Elion, commissaire générale. Elle invite les diasporas à relayer le message, l’artisanat étant, selon elle, « un passeport culturel tout autant qu’un investissement rentable ».
Perspectives et défis
Bien que la forêt couvre 65 % du territoire, la part de la transformation artisanale reste inférieure à 10 % du volume abattu, rappellent les chiffres du ministère de l’Économie forestière. Les responsables espèrent porter ce taux à 25 % d’ici 2030 en modernisant les ateliers et en renforçant la fiscalité incitative.
Les difficultés d’approvisionnement en énergie demeurent un frein. Une expérimentation de mini-centrales biomasse est en cours à Sibiti. Si elle est concluante, elle pourrait réduire la dépendance au gasoil et permettre aux scieries de tourner à plein régime, limitant ainsi les coûts et les émissions.
Autre défi évoqué par les exposants : la certification des essences. Le projet de code barre forestier, actuellement à l’étude, faciliterait le suivi de la souche à la tablette. Une telle innovation rassurerait les marchés européens soucieux de traçabilité et ouvrirait de nouveaux débouchés à l’export.
Un rendez-vous populaire
À la tombée de la nuit, l’esplanade se transforme en scène musicale. Des groupes de rumba et de rap conscient partagent l’affiche, attirant un public jeune qui découvre les pièces exposées entre deux concerts. Cette ambiance festive contribue à démocratiser l’image d’un secteur parfois jugé élitiste.
Le SAMEB fermera ses portes le 25 août, mais les organisateurs rêvent déjà d’une cinquième édition encore plus ambitieuse. D’ici là, la commande publique devrait jouer son rôle de locomotive, le gouvernement envisageant d’équiper écoles et hôpitaux en mobilier « Made in Congo » issu des ateliers présentés cette année.