Forêts du Bassin Congo, atout stratégique
Au cœur de l’Afrique centrale, le Congo abrite le deuxième massif tropical de la planète, couvrant près de deux tiers du territoire. Cette profondeur verte absorbe chaque année des millions de tonnes de CO2, offrant au pays un argument scientifique solide à la table des négociations.
À Brazzaville, responsables gouvernementaux rappellent que « préserver ce puits mondial est un devoir collectif ». Cette conviction oriente la politique extérieure, tissant des alliances avec l’Union africaine, l’Union européenne et des fonds climat asiatiques décidés à financer des actions mesurables et vérifiables.
Sassou Nguesso, artisan d’une riposte carbone
Depuis la COP 21, le président Denis Sassou Nguesso promeut le reboisement comme bouclier climatique. Son plaidoyer a conduit, en juillet 2024, à la Conférence internationale sur l’afforestation et le reboisement, première du genre à inscrire officiellement l’idée d’une Décennie des Nations unies dédiée au boisement.
« Notre forêt est une cathédrale de biodiversité, son maintien engage l’humanité », a-t-il déclaré devant six chefs d’État africains. Les travaux ont débouché sur la création d’un organe de suivi chargé d’harmoniser les normes foncières et de sécuriser l’investissement privé dans les plantations durables.
Une Décennie d’afforestation ambitieuse
Le programme 2027-2036 vise dix millions d’hectares certifiés dans la sous-région. Les services du ministère de l’Économie forestière expliquent que chaque projet sera adossé à une étude d’impact assurant la compatibilité entre création d’emplois ruraux et stockage accru de carbone.
Pour convaincre, Brazzaville met en avant un taux de déforestation inférieur à 0,05 % et plus de trois millions d’hectares déjà certifiés FSC. Les partenaires techniques, dont le Centre pour la recherche forestière internationale, considèrent ces indicateurs comme « exemplaires » dans le contexte tropical.
La Décennie prévoit également la distribution de vingt millions de plants d’essences locales, issus de pépinières urbaines et communautaires. Les jeunes start-ups congolaises de l’économie verte seront mobilisées pour le suivi satellitaire et la traçabilité des crédits carbone.
Financements : corriger l’écart mondial
Malgré son potentiel, le bassin du Congo reçoit à peine 20 milliards FCFA d’aide verte par an, vingt-cinq fois moins que l’Amazonie. Les États de la sous-région souhaitent mobiliser cinq milliards de dollars d’ici dix ans pour combler ce fossé et soutenir les projets d’afforestation.
Les ministres des Finances ont proposé un panier d’instruments : obligations vertes, marchés volontaires du carbone et taxation intelligente des exportations forestières. La Banque africaine de développement se dit prête à structurer un fonds dédié, tandis que des investisseurs scandinaves ont annoncé des engagements préliminaires.
Selon l’économiste Cédric Mavinga, cette approche hybride « prouve que le continent n’attend plus des subventions, mais entend valoriser ses services écosystémiques ».
La voix des peuples autochtones amplifiée
Pour être durable, la stratégie place les communautés au centre. Lors du premier Congrès mondial des peuples autochtones accueilli à Brazzaville, des femmes leaders ont présenté une feuille de route axée sur la sécurisation foncière et l’accès direct aux financements climatiques.
Rukka Sombolinggi, militante indonésienne, a salué « un moment historique où nos savoirs deviennent partie intégrante des politiques publiques ». Les plateformes congolaises, comme l’Alliance des femmes leaders, veulent constituer une coalition globale pour porter leurs projets au Fonds vert pour le climat.
Le gouvernement congolais soutient ces initiatives, estimant que l’expertise traditionnelle, qui protège 80 % des forêts intactes, complète efficacement la science moderne et renforce la cohésion sociale dans les zones rurales.
Tourbières de la Cuvette, trésor sous nos pieds
Les tourbières partagées avec la RDC stockent à elles seules trois années d’émissions mondiales de CO2. Brazzaville compte réunir, en mars 2026, scientifiques et partenaires onusiens afin de bâtir un plan de gestion qui conjugue conservation et développement communautaire.
La Déclaration de Brazzaville de 2018 posait déjà le cadre d’une coopération Sud-Sud avec l’Indonésie. Reste à transformer les engagements en ressources concrètes. Le ministère de l’Environnement insiste : « Protéger ces zones humides, c’est aussi préserver la pêche, l’agriculture et les cultures spirituelles locales. »
Cap 2027-2036 : une dynamique à consolider
Les priorités sont claires : finaliser les textes fonciers, digitaliser la traçabilité du bois et accélérer la formation des cadres forestiers. L’université Marien-Ngouabi ouvrira dès 2025 un master consacré aux politiques climatiques, afin d’ancrer les compétences dans le pays.
Sur le terrain, des brigades mixtes État-communautés surveilleront les coupes illégales grâce à des drones fournis par une start-up locale. L’initiative illustre la nouvelle génération d’emplois verts plébiscités par la jeunesse brazzavilloise.
Observateurs et acteurs s’accordent : si la feuille de route est respectée, le Congo renforcera son rôle de trait d’union entre science, droit coutumier et marchés carbone, offrant un modèle africain de diplomatie environnementale proactive.