Un décret qui redessine la carte administrative
Le 31 mars 2025, le président Denis Sassou Nguesso a signé le décret 2025-87 portant nomination des préfets des quinze départements. Ce texte parachève la réforme territoriale engagée depuis 2022 pour rapprocher l’administration de l’administré et donner plus de réactivité au service public local.
En dotant chaque département d’un préfet clairement identifié, l’exécutif met fin aux intérims qui perduraient parfois depuis deux ans. Les observateurs voient dans cette décision une volonté de clarifier les responsabilités et d’accélérer les chantiers sociaux portés par le Plan national de développement.
À Brazzaville, Gilbert Mouanda-Mouanda conserve le gouvernail. À Pointe-Noire, Pierre Cébert Ibocko-Onanga hérite d’un territoire urbain complexe où la coordination avec la mairie reste cruciale. Ce maintien d’administrateurs chevronnés vise, selon un conseiller du ministère de l’Intérieur, « la stabilité indispensable aux grands projets urbains ».
Préfectures : continuité et renouveau
Cinq nouveaux préfets font leur entrée, symbole de l’ouverture promise par la réforme. Marcel Ganongo, ancien directeur départemental des finances, prendra les rênes de la Bouenza. Son profil financier est salué par les acteurs économiques locaux, impatients d’un dialogue renforcé sur la fiscalité décentralisée.
Habib Gildas Obambi Oko devient le premier préfet du tout nouveau département Congo-Oubangui. Ancien diplomate, il connaît bien la zone frontalière. « Sa maîtrise des questions transfrontalières sera un atout pour sécuriser les échanges et fluidifier la circulation des marchandises », analyse le politologue Arsène Ngouabi.
Jean Pascal Koumba, ex-secrétaire général adjoint de Likouala, gravit une marche symbolique. Pour la société civile locale, son passé de médiateur dans les tourbières lui donne une légitimité précieuse sur les questions environnementales qui mobilisent ONG et bailleurs internationaux.
Secrétaires généraux : vecteurs de dialogue local
Le décret du 6 mai 2025 complète le dispositif en nommant les secrétaires généraux des quinze préfectures. Premier collaborateur du préfet, ce cadre assure la continuité administrative et coordonne services déconcentrés et élus communaux.
À Brazzaville, Thévy Duvel Mongouo Wando, réputé pour son sens de la concertation, devra fluidifier les relations entre arrondissement, mairie centrale et Préfecture. Dans la Bouenza, Parfaite Eurydice Kodia Tendelet Tongo, inspectrice des finances publiques, est attendue sur la mobilisation des recettes locales.
Au nord, dans le département forestier de la Sangha, Thibault Serges Mouelé Babiessa devra concilier intérêts forestiers et impératif de lutte contre la déforestation. « Sa connaissance fine du code forestier peut faciliter l’adhésion des communautés », estime un responsable d’ONG s’appuyant sur son engagement antérieur.
Décentralisation congolaise : éclairage d’experts
La Constitution de 2015 consacre la décentralisation comme levier de développement équilibré. Pour Sonia Malonga, maîtresse de conférences en droit public, la nomination simultanée des préfets et secrétaires généraux « réduit les zones grises administratives et clarifie la chaîne de commandement ».
De son côté, l’économiste Serge Ibata rappelle que l’efficacité dépendra « de la mise à disposition des ressources financières prévues par la loi de finances 2025 ». Il souligne que le budget d’investissement des départements progresse de 12 %, signe d’une volonté de concrétiser les ambitions.
Dans les quartiers périphériques de Brazzaville, des associations saluent déjà la démarche. « Nous pourrons identifier un interlocuteur direct pour nos problèmes d’aménagement », confie Valérie Ngamissa, présidente d’un collectif de femmes entrepreneures du 7e arrondissement, confiante dans cette dynamique de proximité.
Défis opérationnels et horizon 2025
Parmi les défis figurent la coordination avec les mairies, la modernisation de l’état civil et l’accès au numérique. Le ministère de l’Intérieur prévoit d’équiper chaque préfecture d’une plate-forme de guichet unique d’ici décembre 2025, afin de limiter les temps de procédure.
La question de la mobilité administrative demeure. Plusieurs préfets doivent couvrir de vastes zones rurales aux réseaux routiers parfois dégradés. Le Programme national de réhabilitation des pistes, lancé en février, devrait faciliter leurs tournées et renforcer la présence effective de l’État sur l’ensemble du territoire.
Enfin, la relation avec les citoyens sera scrutée. Les nouveaux titulaires ont annoncé des consultations mensuelles ouvertes. « Nous voulons écouter avant de décider », a résumé Marcel Ganongo lors de sa première conférence de presse à Madingou, illustrant l’esprit participatif encouragé par la réforme.
Si la mise en œuvre réussit, cette nouvelle territorialité pourrait devenir un catalyseur de projets locaux, de l’agriculture raisonnée dans la Cuvette aux énergies renouvelables dans le Pool. Les partenaires techniques et financiers suivent ces signaux positifs avec intérêt, convaincus du rôle stratégique des préfectures rénovées.