Le boulevard transformé en piste continentale
Au matin lumineux du 14 août, le boulevard Alfred-Raoul s’est mué en rivière humaine. Chants, vuvuzelas et drapeaux ont accompagné 6 034 athlètes prêts à défier le chrono sous le regard attentif du président Denis Sassou Nguesso, installé face à la ligne de départ.
Pour la vingtième édition du Semi-marathon international de Brazzaville, les organisateurs voulaient inscrire la fête dans les annales. Pari tenu: le record de participation a explosé, confirmant la place du Smib parmi les rendez-vous sportifs majeurs du calendrier urbain congolais.
Derrière les barrières, lycéens, commerçants et touristes applaudissaient chaque foulée. Les caméras de la Radiotélévision nationale diffusaient en direct, offrant aux Congolais de Pointe-Noire à Impfondo l’impression de courir avec le peloton, preuve que l’événement dépasse désormais le simple cercle des coureurs.
Performances masculines: la fusée Kipkosgei
Sur la portion ombragée longeant la corniche, le Kenyan Denis Kipkosgei a imposé un train soutenu. Son passage au dixième kilomètre en vingt-neuf minutes a éparpillé le groupe de tête. Seuls l’Ougandais Ezékiel Chepkorom et le Rwandais Félicien Muhitira ont tenté de rester accrochés.
Kipkosgei a finalement coupé la ligne en 1 h 04’ 32’’, temps solide même si le record établi l’an dernier par Muhitira demeure intact. « L’humidité rend la fin de course exigeante », a reconnu le champion, bouteille d’eau pressée contre le front pour reprendre son souffle.
Chepkorom a sécurisé la deuxième place quatre secondes plus tard, suivi d’un Muhitira philosophe. « Je reviendrai pour reprendre mon titre », a-t-il lâché, sourire aux lèvres, avant de saluer les bénévoles congolais qui distribuaient des sachets d’éponge imbibés d’eau fraîche.
Course féminine: l’Est africain en tête
Côté féminin, l’Ougandaise Ruth Cheptoyek a confirmé la suprématie est-africaine en avalant les 21,1 km en 1 h 13’ 10’’. Elle a construit son succès dans la longue ligne droite du Centre sportif Kintélé, là où la chaleur déstabilise souvent les pilotes d’allure locales.
La Tchadienne Frida Hassanatte a résisté jusqu’au quinzième kilomètre avant de céder quatre-vingt-dix mètres. Derrière, la Rwandaise Emeline Imanizayo a géré l’écart, laissant la Congolaise Ladelice Matoumbissa décrocher une belle quatrième place internationale tout en raflant la première marche du podium national.
« Sept participations pour enfin triompher ici, c’est émouvant », a confié Matoumbissa, en rappelant son stage récent à Iten, au Kenya. Sa performance inspire déjà plusieurs clubs brazzavillois qui envisagent d’envoyer leurs espoirs dans la vallée du Rift dès la prochaine saison sèche.
Émergence du demi-fond congolais
Chez les hommes congolais, la hiérarchie a vacillé. Jean-Marie Sametone Matena Libombo a bouclé le parcours en 1 h 09’ 05’’, devant Ruben Bindikou et l’ex-double lauréat Nelson Mandela Biyoko. « Le stage au Kenya m’a donné des jambes neuves », a souligné Libombo.
Le ministère des Sports, partenaire historique de l’épreuve, a revalorisé les primes nationales, le vainqueur touchant désormais 2,5 millions de francs CFA. Le geste a été salué par les entraîneurs, convaincus que cet investissement financier nourrira la filière demi-fond en incitant la jeunesse à s’engager.
L’université Marien-Ngouabi a même annoncé l’ouverture d’une cellule scientifique dédiée à la physiologie du coureur tropical. Ses travaux devraient accompagner la Fédération congolaise d’athlétisme dans la mise au point de plans d’entraînement adaptés à la météo locale, souvent chaude et saturée d’humidité.
Retombées urbaines et avenir du Smib
Au-delà des chronos, la mairie de Brazzaville mesure l’impact économique. Hôtels, restaurants et taximen ont connu un pic d’activité de 15 % selon la Chambre de commerce. « Le Smib devient un produit touristique », estime son président, évoquant l’effet vitrine pour la capitale.
Les instances sanitaires ont, de leur côté, profité de la foule pour installer des tentes mobiles de dépistage du diabète et de l’hypertension. Plus de deux mille contrôles gratuits ont été réalisés sans perturber la fête, montrant qu’un événement sportif peut servir de relais à la prévention.
Sur les réseaux sociaux, le mot-dièse #Smib20 a culminé à cinquante mille mentions en moins de trois heures, d’après l’agence Hashtag Africa. Un dynamisme numérique qui pourrait attirer de nouveaux sponsors lors de la prochaine édition, déjà programmée pour le dimanche précédent la fête nationale.
Le Comité d’organisation envisage d’allonger le parcours pour offrir un 30 km inédit et ainsi préparer les athlètes aux marathons internationaux. L’idée est étudiée avec World Athletics, garante de l’homologation. Les riverains ont été consultés afin de minimiser la gêne pour les transports en commun.
Pour sécuriser les coureurs, 250 policiers et gendarmes ont été déployés, tandis que la Brigade cycliste de la ville ouvrait la route. Aucun incident majeur n’a été signalé, preuve d’une coordination qui rassure aussi les partenaires étrangers.
Déterminés à écrire une nouvelle page, les organisateurs visent désormais dix mille dossards à l’horizon 2030. Ils comptent s’appuyer sur les clubs scolaires, la diaspora sportive et un réseau d’anciens vainqueurs devenus ambassadeurs, afin de faire du Smib la grande fête cardio de l’Afrique centrale.