Portrait d’une diplomate engagée
En remettant, au palais des Affaires étrangères, sa lettre d’accréditation au ministre Jean-Claude Gakosso, la diplomate onusienne Mariavittoria Ballotta a officiellement pris, fin mai, les rênes de la représentation de l’Unicef à Brazzaville, succédant à Chantal Umutoni après quatre années d’un mandat salué par divers partenaires institutionnels.
Formée en économie du développement à Bologne puis à la London School of Economics, Ballotta a cheminé du terrain afghan aux bureaux régionaux de Dakar, dirigeant la planification pour vingt-quatre pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, un bagage reconnu pour transformer stratégies en résultats mesurables concrets.
Un partenariat Unicef-Congo solide
La présence de l’Unicef au Congo remonte à 1963 et s’appuie sur une coopération continue avec l’État, de la campagne « Village assaini » aux récents programmes de transferts monétaires. Selon la Direction générale de la Coopération, plus de deux millions d’enfants ont déjà bénéficié de services essentiels.
« L’arrivée de Mme Ballotta intervient à un moment stratégique où le Plan national de développement met l’accent sur le capital humain », remarque Dieudonné Nsakala, directeur adjoint au ministère du Plan, convaincu que la nouvelle cheffe de mission saura « accélérer la convergence des objectifs » gouvernementaux et onusiens majeurs.
Priorités stratégiques 2024-2028
La feuille de route 2024-2028 que le bureau de Brazzaville finalise mise sur trois axes : survie de l’enfant, apprentissages de qualité et protection contre les violences. Chaque volet se calque sur les priorités nationales, notamment la Couverture santé universelle et l’initiative présidentielle École assurée déjà en cours.
Dans la capitale, près de 85 % des enfants sont désormais vaccinés contre la rougeole, un bond attribué à la campagne « Zéro dose » menée l’an dernier par le ministère de la Santé avec l’appui technique de l’Unicef et l’engagement décisif de trois mille jeunes volontaires issus des quartiers.
Regards croisés des acteurs
Guy-Patrick Mounguengui, coordinateur de l’ONG Parole aux Sans-Voix, relève pour sa part que « le passage au registre d’état civil numérique est une avancée majeure ; plus aucun bébé né à Talangaï ou Poto-Poto ne doit rester invisible ». L’Unicef cofinance l’infrastructure avec l’Union européenne et le soutien du trésor.
Dans les écoles de Makélékélé, des ateliers pilotes sur la prévention du harcèlement conjuguent théâtre de rue et plateformes TikTok. « Les élèves parlent leur propre langage, ça change tout », observe la professeure Diane Mbemba, qui espère voir ces modules étendus à tout le département dès la rentrée.
Défis persistants et réponses innovantes
Les indicateurs restent néanmoins exigeants : une enfant sur trois souffre encore de retard de croissance, selon le dernier rapport MICS. L’accès à l’eau potable stagne en périphérie et les inondations récurrentes compliquent la distribution. Le nouveau bureau table sur des solutions résilientes et sobres en énergie locale.
Autre défi, la désinformation qui circule sur les réseaux au sujet des vaccins ou de la nutrition. Le ministère des Communications prépare, avec l’Unicef, une cellule de veille numérique capable de détecter les rumeurs en temps réel et de diffuser des réponses adaptées en lingala et kituba.
Une diplomatie de résultats
La diplomate italienne plaide pour « une diplomatie de résultats », centrée sur les preuves : chaque programme sera suivi par un tableau de bord accessible aux partenaires, confirmant une culture de redevabilité déjà encouragée par le gouvernement congolais dans le cadre du Budget programme adopté l’an dernier au Parlement.
Un mécanisme innovant de financement par obligations à impact social est également à l’étude, en collaboration avec la Bourse de Brazzaville, afin d’attirer l’épargne domestique vers des projets d’accès à l’eau et au pré-scolaire.
Interrogée par notre rédaction, Mariavittoria Ballotta insiste : « Les enfants ne sont pas une charge, ils sont la solution. Investir dans leurs premières années génère un retour social et économique énorme ». Des propos qui rejoignent les orientations du Plan de relance post-Covid national lancé fin 2022, rappelle-t-elle.
Jeunesse urbaine et culture en action
Cette vision interpelle particulièrement la jeunesse brazzavilloise, très connectée. Plus de 70 % des 18-30 ans se déclarent prêts à participer à des actions citoyennes liées à l’enfance, d’après un sondage réalisé en mars par l’Institut Gallion. Un vivier que l’Unicef entend mobiliser davantage via des hackathons solidaires urbains.
Le monde culturel n’est pas en reste : le street-artiste Barly Baruti prépare une fresque géante sur le thème de la protection de l’enfant, soutenue par la mairie de Brazzaville. L’œuvre servira de support à des ateliers pédagogiques et renforcera la visibilité de la campagne auprès des familles.
Cap 2030 et leadership continental
À l’horizon 2030, les objectifs de développement durable restent le cadrage global. Le Congo, qui préside cette année le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, entend capitaliser sur ce leadership continental pour porter plus haut la voix des plus jeunes au monde.
En attendant, la représentante de l’Unicef sillonne déjà les départements, visitant centres de santé et maisons d’accueil. Son agenda chargé illustre une ambition partagée : faire de l’enfance un vecteur de prospérité inclusive, en misant sur la coopération constructive entre acteurs publics, privés et communautaires au quotidien congolais.