Contexte sécuritaire congolais
À Brazzaville comme dans les autres grands centres urbains, les questions de sécurité reviennent régulièrement dans les débats publics. Cambriolages, trafic illicite et circulation routière risquée nourrissent les conversations des riverains et exigent une réponse institutionnelle de plus en plus structurée.
Depuis deux décennies, les forces intérieures se réorganisent pour faire face à des menaces désormais plus mobiles et parfois transfrontalières. La gendarmerie, héritière d’une ordonnance de 2001, devait clarifier son périmètre d’action pour répondre efficacement à cette nouvelle réalité.
Le Sénat, réuni en session plénière le 13 août, a donc examiné puis adopté un projet de loi porté par le ministre de l’Intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou, afin de doter la gendarmerie d’une architecture juridique à la hauteur de ces enjeux nationaux.
Vers une gendarmerie moderne
Le texte remplace l’ordonnance fondatrice de 2001, jugée trop générale. Il introduit des dispositions sur la cybercriminalité, la police judiciaire, la protection civile et la coopération internationale, offrant ainsi un cadre complet qui facilite le travail des unités sur le terrain rural comme périurbain.
Devant les sénateurs, M. Mboulou a insisté sur la « modernisation par la loi », soulignant qu’une organisation claire est la première arme contre l’insécurité. Il a décrit des chaînes de commandement simplifiées et un système d’information commun avec la police pour accélérer les échanges.
« Nous voulons une gendarmerie connectée aux réalités de 2024 tout en restant fidèle à sa vocation de proximité », a-t-il déclaré, rappelant que le texte a été préalablement consulté avec des officiers, des magistrats et des organisations de la société civile.
Clarification des compétences
Le débat a porté sur la répartition des champs d’action entre gendarmerie et police, souvent perçus comme concurrents. Le ministre a expliqué que la gendarmerie restera compétente sur l’ensemble du territoire, notamment les zones rurales et les axes routiers, tandis que la police conserve le périmètre urbain.
Selon lui, « la notion de complémentarité prime sur celle de concurrence ». Les deux forces partageront un centre opérationnel conjoint afin de coordonner patrouilles et interventions. Un protocole d’évaluation trimestrielle doit mesurer l’impact de cette coopération sur les indicateurs de criminalité.
Les sénateurs ont également voulu des garanties sur la circulation des informations judiciaires entre enquêteurs. Le projet prévoit un guichet unique numérique piloté par le ministère public, dispositif inspiré de bonnes pratiques observées au Rwanda et au Gabon lors de visites parlementaires.
Le pari de la formation
Pour rendre effective la distinction entre territoires rural et urbain, un vaste programme de mise à niveau est engagé dans les écoles de formation. De nouveaux modules portent sur les procédures de police scientifique, le secourisme avancé et la médiation communautaire.
Le général Jean Graziani, commandant de la gendarmerie, a précisé que chaque recrue recevra désormais cent quatre-vingts heures de formation numérique avant d’être projetée en unité. Cette orientation doit permettre l’usage sûr des tablettes de constatation livrées en juillet.
Un partenariat est également noué avec l’Université Marien Ngouabi pour familiariser les futurs officiers aux sciences sociales et aux droits humains. Des juristes universitaires interviendront dans les casernes, donnant plus de densité académique au cursus traditionnel essentiellement militaire.
Dimension humaine et sociale
La loi nouvelle consacre un chapitre aux conditions de travail et à la protection sociale des personnels. Sont mentionnés le droit à un repos hebdomadaire effectif, l’accès prioritaire aux centres de santé militaires et un accompagnement psychologique post-intervention en cas d’événement traumatique.
Pour le sociologue Alain Ndinga, interrogé par nos soins, « l’amélioration des conditions humaines est l’un des leviers qui fidéliseront les effectifs en milieu rural, souvent confrontés à l’isolement ». Il salue l’introduction d’un fonds de solidarité interne financé par la solde.
Ce dispositif social rejoint les objectifs de la Stratégie nationale de sécurité intérieure adoptée l’an dernier, qui faisait déjà de l’humain le pivot de toute réforme. Les parlementaires ont approuvé cette orientation à l’unanimité, estimant qu’elle renforcera la cohésion et l’efficacité opérationnelle.
Perspectives et suivi parlementaire
Le texte voté par le Sénat doit encore être promulgué par le chef de l’État pour entrer en vigueur. Selon des sources proches du palais présidentiel, la promulgation pourrait intervenir rapidement afin de ne pas ralentir le calendrier de déploiement des nouveaux dispositifs.
La commission Défense du Sénat a déjà prévu d’entendre le ministre Mboulou chaque semestre pour évaluer l’application de la loi. Des rapports publics rendront compte aux citoyens, démarche saluée par l’ONG Observatoire des droits et libertés, présente lors de la séance.
Ainsi s’ouvre une phase d’attente active, où la gendarmerie, la police et la population observeront les premiers résultats de cette réforme. La vigilance citoyenne et la transparence institutionnelle devraient donner toute sa portée à une loi présentée comme l’une des plus structurantes de la décennie.
Dans les rues de Poto-Poto, plusieurs commerçants interrogés espèrent déjà une présence accrue des patrouilles, particulièrement aux abords des parcs de stationnement nocturne. « Notre activité dépend de la confiance des clients », rappelle Clarisse, gérante d’un kiosque, confiante quant aux retombées immédiates.