Assainissement urbain à l’heure du bilan
À quelques heures des festivités du 15 août, Brazzaville s’est offert un visage revigoré. L’opération spéciale d’assainissement, pilotée par le ministère de l’Assainissement urbain, a obtenu la mention « assez bien ». Au-delà du verdict officiel, l’initiative ouvre un débat public sur la propreté durable.
Ce bilan provisoire dessine une trajectoire encourageante pour la capitale, confrontée chaque saison aux mêmes déconvenues : flaques stagnantes, trottoirs encombrés, dépotoirs sauvages. Les autorités affirment pourtant qu’en deux semaines, plusieurs artères ont retrouvé leur largeur initiale et les marchés leur respirabilité.
La tournée ministérielle sur le terrain
Vendredi 13 août, le ministre Juste Désiré Mondélé a remonté l’avenue Denis Sassou Nguesso jusqu’au pont du Djoué, agrippé à la portière d’un pick-up technique. Sa présence visait autant à contrôler qu’à motiver. « Le constat est globalement positif », a-t-il lancé devant les caméras locales.
Détours obligés par Poto-Poto, la Patte-d’Oie et la Cité des 17, avant la corniche sud. À chaque halte, les mêmes recommandations : partager la responsabilité, signaler les dépôts anarchiques, adopter le tri primaire. L’accent a porté sur la circulation piétonne, trop souvent sacrifiée aux étals improvisés.
Objectif excellence citoyenne
L’objectif affiché reste la mention « excellente ». Pour y parvenir, le ministère mise sur l’autodiscipline quotidienne. « Rendre propre sa rue ne devrait pas être un évènement, mais un réflexe », rappelle Juste Désiré Mondélé, évoquant la nécessité d’une « nouvelle citoyenneté » qui dépasse les campagnes ponctuelles.
Un argument rejoint celui des sociologues urbains : l’appropriation des espaces publics conditionne leur entretien. « On conserve ce qu’on aime », résume la chercheuse Léa Makosso. D’où l’importance d’initiatives scolaires valorisant l’éco-geste, comme les concours de quartier propre soutenus par la mairie centrale.
Bénéfices sanitaires et sécuritaires
Selon les services de santé, la capitale a enregistré en 2022 plus de 800 cas de gastro-entérites liées à l’eau souillée. Réduire les décharges clandestines limite la prolifération de moustiques et de bactéries. « L’hygiène est notre première barrière contre le choléra », répète le Dr Pierre Ingani.
La propreté agit aussi sur la sécurité. Les axes nouvellement éclairés de l’avenue Alfred Raoul affichent, d’après la police, une baisse de 18 % des vols à la tire. « La lumière rassure, la rue animée décourage les actes opportunistes », soutient le commandant de l’arrondissement 2.
Le rôle clé des collectivités
Dans chaque arrondissement, les mairies d’arrondissement coordonnent la collecte primaire avant le relais vers la Société nationale de voirie. Le budget alloué au nettoyage a été relevé de 12 % cette année, selon le directeur financier municipal, pour soutenir la location d’engins et la rémunération des brigades.
Cependant, la capacité de suivi reste limitée. Plusieurs élus pointent le manque d’agents assermentés pour verbaliser les dépôts sauvages. Un projet de brigade municipale environnementale est à l’étude, inspiré de l’expérience de Pointe-Noire, où le nombre d’infractions a chuté depuis sa création en 2021.
Une dynamique à pérenniser
Le défi, préviennent les urbanistes, n’est pas le lancement mais la constance. Toute opération ponctuelle connaît un pic d’enthousiasme, suivi d’un reflux. Pour casser ce cycle, l’État prévoit une contractualisation de quartier : un comité local signe un pacte de propreté contre un appui logistique mensuel.
Parallèlement, la société civile multiplie les actions. L’association Jeunes Volontaires pour la Ville organise chaque samedi des ateliers de compostage. « Nos bacs réduisent jusqu’à 40 % le volume des ordures ménagères », assure son coordonnateur, Théo Sougou, plaidant pour un maillage de points verts dans tous les arrondissements.
Perspectives d’investissement vert
Au-delà du nettoyage, l’opération spéciale met en lumière un marché émergent : celui des start-ups vertes. Deux entreprises locales expérimentent des tricycles électriques pour la collecte porte-à-porte. Le ministère des PME envisage un fonds d’amorçage, afin de transformer l’urgence environnementale en levier de création d’emplois.
Les bailleurs internationaux observent de près. La Banque africaine de développement a déjà financé la modernisation de la décharge de Mpila. Un nouveau projet d’unité de biométhanisation pourrait suivre, capable de fournir de l’électricité à 5 000 ménages tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Voix des riverains
Sur l’avenue de la Paix, Cécile, vendeuse de fruits, note une différence tangible : « Nos stands ne nagent plus dans les détritus. Les clients s’attardent davantage ». Elle espère désormais des bacs à ordures fermés pour éviter le retour des rats et des insectes à la saison des pluies.
Même satisfaction à Loutassi, où les braseros illégaux ont été démantelés. Mais Yvon, conducteur de taxi, redoute la routine : « Dès que les patrouilles lèvent le camp, on verra revenir les déballeurs ». Sa préoccupation rejoint celle des experts : sans vigilance, la mention « assez bien » pourrait faner.
Cap sur 2025
Le plan stratégique 2023-2025 table sur une réduction de 60 % des déchets abandonnés en surface. Une cartographie numérique des points noirs est en cours, alimentée par les photos envoyées via l’application mobile « Brazzaville+propre ».
Le succès dépendra aussi du suivi financier. Le ministère affirme que 40 % du budget prévu est déjà sécurisé grâce aux partenariats publics-privés. Les observateurs saluent cet engagement, tout en proposant la création d’un fonds citoyen pour valoriser les petits dons et renforcer la cohésion autour du projet.