Contexte national
Brazzaville se réinvente depuis plusieurs années sous l’impulsion de la décentralisation. Entre lois promulguées en 2003 et révisions budgétaires récentes, les collectivités cherchent leur voie. Au cœur de cette dynamique, les plans de développement locaux constituent l’outil stratégique de référence pour chaque arrondissement.
Ces documents fixent les priorités en matière d’infrastructures, de santé, d’éducation ou d’environnement. Ils orientent aussi l’affectation des budgets et l’appui des partenaires techniques. Pour être efficaces, ils doivent traduire fidèlement les attentes des habitants, rappellent les spécialistes.
L’atelier du CAD
C’est précisément ce défi qu’a voulu relever le Centre d’actions pour le développement en réunissant, le 11 juillet 2025, une trentaine d’élus, d’agents publics et d’acteurs de la société civile dans une salle sobre du quartier Plateau.
Sous la direction de Guerschom Gobouang, responsable du programme Campagne et plaidoyer, l’atelier a décortiqué les mécanismes d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des plans locaux. L’objectif, résumé par l’orateur, était de « donner aux territoires les clés d’une planification crédible et inclusive ».
Le directeur exécutif du CAD, Trésor Nzila, a rappelé d’entrée qu’une gouvernance solide s’appuie sur une participation active. « Il n’y a pas de développement durable sans citoyens engagés, ni d’élus efficaces sans écoute, » a-t-il insisté devant un public studieux.
La méthode base-sommet
Les échanges ont reposé sur une analyse comparative entre plans d’actions communautaires issus du terrain et plans municipaux plus traditionnels. Premier constat : la démarche sommet-base reste dominante, ce qui freine la prise en compte des doléances locales, notamment dans les zones périphériques.
Les participants ont examiné ensuite l’approche inverse, dite base-sommet. Dans les quartiers où elle est appliquée, les habitants identifient eux-mêmes problèmes et solutions. Les statistiques présentées montrent un taux d’exécution des projets supérieur de 25 % par rapport aux plans classiques, selon le CAD.
Guerschom Gobouang a souligné que « la participation n’est pas un slogan, c’est une méthode structurée qui va des assemblées de village jusqu’au conseil municipal ». Il a ajouté que cette méthode réduit les conflits et renforce la cohésion, des indicateurs suivis par le ministère de l’Intérieur.
Dialogue élus-citoyens
L’atelier a mis en lumière l’importance des procédures budgétaires. Plusieurs élus reconnaissent manquer d’outils pour aligner leurs budgets sur les priorités exprimées. « Nos commissions financières restent tributaires des recettes locales limitées, » confie un conseiller de Ouenzé, plaidant pour plus de transfert de compétences.
Les différents exposés ont rappelé la feuille de route nationale. Le gouvernement, par la voix du ministre délégué à la Décentralisation, rappelle régulièrement que la vision 2025 prévoit des collectivités plus autonomes, tout en gardant une cohérence avec le Plan national de développement.
Partenariats et financements
Le Fonds des Nations pour la démocratie finance le projet « Appui à la gouvernance locale et formation des élus », lancé en 2023 pour une durée de deux ans. L’agence voit dans le Congo « un laboratoire régional de participation citoyenne », affirme son représentant présent à Brazzaville.
Outre ce soutien, la Banque mondiale et l’AFD accompagnent déjà des programmes d’assainissement urbain et d’amélioration des recettes municipales. La synergie avec le projet du CAD devrait faciliter la capitalisation des bonnes pratiques et l’extension vers d’autres départements.
Droits humains intégrés
La dimension droits humains a traversé les discussions. Les communautés rappellent que l’accès à l’eau potable, aux routes ou aux dispensaires n’est pas une faveur politique mais un droit. Intégrer cette notion dans les plans locaux serait, selon les formateurs, un gage de durabilité.
Recommandations partagées
Les participants se sont accordés sur plusieurs recommandations adressées au niveau national : renforcer la formation continue des élus, simplifier les procédures de passation de marché, et publier en ligne les rapports d’exécution pour plus de transparence. Ces pistes s’inscrivent dans l’esprit des réformes engagées.
Dans un message vidéo diffusé en clôture, le Haut-commissaire à la Décentralisation a salué « un exercice utile qui contribue à l’élan de modernisation voulu par le président Denis Sassou Nguesso ». Un soutien interprété comme un signe d’alignement entre initiatives citoyennes et agenda gouvernemental.
Perspectives 2025
À l’issue de la journée, plusieurs groupes de travail se sont formés pour rédiger un guide pratique à destination des communes pilotes. Sa publication est attendue fin septembre. Les élus de Makélékélé et Talangaï se sont portés volontaires pour tester le modèle avant généralisation.
Les jeunes participants, étudiants en planification ou membres d’associations de quartiers, ressortent motivés. « Je sais maintenant comment présenter un projet d’éclairage public à mon conseil municipal », se félicite Christelle, 24 ans, qui voit dans l’atelier « un tremplin pour changer le visage de Brazzaville ».
Le CAD prévoit d’organiser un second atelier en novembre pour mesurer les premiers impacts. Les indicateurs porteront sur l’adoption de budgets participatifs, l’intégration du genre et la rapidité d’exécution des ouvrages. Autant de jalons pour faire de la gouvernance locale un moteur tangible de progrès.
Innovations numériques
Les experts estiment que la réussite des plans dépendra aussi du numérique. La plate-forme « Mon quartier demain », en phase de test, permettra aux citoyens de suivre en temps réel l’avancement des projets et de signaler les retards via une simple connexion mobile.
À moyen terme, l’ambition est de créer un observatoire national des planifications locales, hébergé à l’Université Marien Ngouabi. Les données collectées orienteront les décideurs et favoriseront la recherche, renforçant ainsi la culture de l’évidence dans la prise de décision publique.