Un anniversaire sous le signe de la vigilance mondiale
Le 15 août, Brazzaville a vibré au rythme des fanfares, rappelant l’aube de 1960. Dans son allocution télévisée, le président Denis Sassou Nguesso a souligné que cet anniversaire n’était pas seulement festif, mais « un point d’étape sur la route du progrès ».
Sous le thème « Mobilisés dans la paix, ensemble, poursuivons la marche vers le développement », le chef de l’État a rappelé que la souveraineté gagnée en 1960 impose encore des devoirs collectifs : consolider la stabilité, moderniser l’économie et préparer la jeunesse à un monde hautement concurrentiel.
Le discours, d’une vingtaine de minutes, a été suivi dans les quartiers populaires comme à Poto-Poto, où des écrans géants ont été installés. Des applaudissements nourris ont salué l’appel à la cohésion nationale, signe d’une attente forte autour des réformes promises.
Course aux armements et diplomatie congolaise
Adoptant un ton grave, Denis Sassou Nguesso a évoqué « l’affaiblissement du multilatéralisme » et la recrudescence de la course aux armements. Selon lui, ces tensions éloignent les financements indispensables aux économies émergentes et menacent la paix qui, au Congo, demeure le socle intouchable du développement.
Le président a exhorté « une vigilance sans faille » face à des crises susceptibles de déborder les frontières régionales. Des diplomates basés à Brazzaville relèvent que la position congolaise, favorable au dialogue et à la concertation, s’inscrit dans la lignée des textes fondateurs de l’Union africaine.
Analystes locaux notent que le Congo multiplie les tribunes internationales, de Nairobi à New York, pour plaider la sécurité collective. « Notre voix porte parce qu’elle est mesurée », explique Paul Obali, chercheur à l’ERSIS, estimant que la neutralité congolaise est un atout dans un monde polarisé.
Urgence climatique et réponse verte
Autre front mis en avant par le chef de l’État : l’urgence climatique. Les inondations de Kintélé ou les glissements de terrain à Loandjili rappellent que le pays n’est pas épargné. « Ces chocs doivent devenir des opportunités pour innover », a-t-il insisté, évoquant l’agriculture intelligente.
Brazzaville se félicite de l’adoption par l’ONU de la Décennie pour le boisement et le reboisement, résolution portée par le Congo. Le texte encourage la plantation de milliards d’arbres, ambition alignée sur la stratégie nationale de l’économie verte, déjà financée par plusieurs partenaires.
Sur le terrain, la start-up Green Mbé, pilotée par des ingénieurs de l’Université Marien Ngouabi, expérimente des drones semeurs dans le Pool. Le ministère de l’Environnement suivrait le projet de près, y voyant un modèle réplicable dans les villages riverains de la Cuvette.
Panafricanisme, jeunesse et marché commun
Le chef de l’État a replacé ces défis dans une vision panafricaniste. D’ici 2050, l’Afrique comptera près de deux milliards d’habitants, majoritairement jeunes. « Aucun État ne se développera dans l’autarcie », a-t-il rappelé, plaidant pour des chaînes de valeur régionales solides.
Dans les rues de Moungali, l’idée séduit Marie-Joëlle, 27 ans, diplômée en logistique : « Si la ZLECAF fonctionne, je pourrais exporter mon piment fumé sans obstacle douanier ». Son ambition résume l’optimisme de nombreux jeunes qui voient dans l’intégration un levier de carrière.
Les économistes estiment que le Congo, riche en surfaces cultivables et en hydrocarbures, peut devenir une plaque tournante de l’Afrique centrale. Le gouvernement mise sur les corridors routiers et ferroviaires, dont le chantier Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui, pour transformer l’atout géographique en puissance commerciale.
La voix critique d’Anguios Nganguia
Dans une vidéo postée après le discours, l’opposant Anguios Nganguia-Engambé a dénoncé « le yoyo économique » et « le fiasco social ». Sa tirade virale a suscité de nombreux partages, surtout dans les groupes WhatsApp estudiantins, preuve d’un débat démocratique toujours vif.
Interrogé, le politologue Ernest Kokolo note que « la critique, même acerbe, contribue à affiner les politiques publiques ». Il soutient cependant que la stabilité institutionnelle reste un bien précieux, rappelant les avancées du pays en électrification rurale et couverture santé universelle partielle.
Le gouvernement n’a pas officiellement réagi aux propos de l’opposant, préférant mettre en avant les chiffres du FMI prévoyant une croissance autour de 4 % en 2026. Pour les autorités, ces prévisions confirment que les réformes budgétaires commencent à produire leurs effets.
Brazzaville en dialogue, regards croisés
À Talangaï, Arnaud, chauffeur de taxi, admet ressentir « le poids de l’inflation », mais salue la stabilité sécuritaire : « Je travaille tard sans craindre des troubles ». Ses propos illustrent le paradoxe d’une population soucieuse du pouvoir d’achat mais attachée à la paix.
Dans les campus, la conversation tourne autour des opportunités régionales. « Le président évoque 2050, nous pensons 2025 », plaisante Clarisse, étudiante en informatique, réclamant plus de stages et un meilleur accès au crédit. Les associations étudiantes promettent des mémorandums au ministère compétent.
Au terme d’une journée ponctuée de défilés et concerts, l’anniversaire a confirmé que la quête de développement reste le dénominateur commun, malgré la pluralité des opinions. Entre ambitions panafricanistes, défis climatiques et attentes sociales, le Congo poursuit une trajectoire que ses dirigeants veulent inclusive.