Brazzaville mise sur le numérique logistique
On Wednesday 16 July 2025, à Pointe-Noire, la start-up congolaise SOSEP Groupe SA a présenté « Joukwa », application mobile vouée à fluidifier l’approvisionnement entre entreprises et à répondre aux retards de livraison qui pénalisent encore de nombreux secteurs stratégiques.
L’initiative concorde avec les ambitions nationales de transformation numérique, prioritaires dans le Plan national de développement, et s’inscrit dans l’objectif gouvernemental d’améliorer la compétitivité des chaînes de valeur tout en soutenant la diversification prônée par le président Denis Sassou Nguesso.
En coulisses, la jeunesse urbaine suit de près ces innovations, consciente que la fluidité des importations conditionne l’arrivée rapide d’équipements dans le BTP, le pétrole ou la distribution, gisements d’emplois essentiels pour une capitale en plein essor démographique aujourd’hui.
Les défis logistiques des entreprises congolaises
Historiquement, les sociétés installées au Congo se heurtaient à un labyrinthe de formulaires, à la rareté de certains intrants et à l’incertitude liée aux fournisseurs lointains, situation qui pouvait allonger les délais de plusieurs semaines et alourdir la trésorerie.
À cela s’ajoute la volatilité des coûts de fret, exacerbée par les tensions géopolitiques et la fluctuation des devises, qui oblige souvent les dirigeants à arbitrer entre rapidité, sécurité et rentabilité, selon le président de l’Association congolaise des importateurs interrogé.
Dans ce contexte, toute solution susceptible de raccourcir les circuits et de sécuriser les paiements trouve un écho favorable auprès des petites et moyennes entreprises, qui représentent plus de 80 % du tissu productif formel selon les données ministérielles récentes.
Une réponse numérique pensée localement
Abiguel Massouka, chargé des opérations chez SOSEP Groupe, souligne que Joukwa est née « d’un besoin observé sur le terrain ». Le concept a été incubé durant dix-huit mois avant d’être testé dans une dizaine de sociétés pilotes locales volontaires.
L’application centralise le catalogue des fournisseurs internationaux, génère automatiquement les documents douaniers et propose un tableau de bord où l’utilisateur visualise le trajet maritime ou aérien en temps réel grâce à l’agrégation de données satellites et d’alertes portuaires hautement fiables.
« Nous voulions éviter aux clients d’envoyer plusieurs mails pour un simple suivi, explique Massouka. Désormais, un QR code partagé avec le manutentionnaire suffit ». Le gain de temps constaté durant la phase pilote atteint en moyenne 27 % selon les tests.
Fonctionnalités clés de la plateforme Joukwa
Joukwa intègre un module de négociation automatisée qui compare en quelques secondes les tarifs délivrés par plus de 2 000 transitaires, puis recommande l’option la plus économique, tout en respectant les normes de conformité exigeantes en matières sensibles comme le gaz.
Un second volet sécurisé, hébergé sur des serveurs installés au Congo, permet le règlement des fournisseurs étrangers via des passerelles multidevises agréées par la Banque des États de l’Afrique centrale, gage de transparence et de traçabilité financière complète effective.
Enfin, l’algorithme de groupage optimise le colisage en mutualisant plusieurs petites commandes vers un même port, ce qui réduit les frais de douane et l’empreinte carbone, un argument croissant auprès des directions RSE des grandes entreprises de la place.
Impact attendu sur la diversification économique
Au-delà des gains micro-économiques, Joukwa pourrait accélérer la diversification voulue par les autorités, en facilitant l’importation d’équipements pour l’agro-industrie, les énergies renouvelables et les services créatifs, secteurs jugés prioritaires dans la nouvelle stratégie de développement 2022-2026 présentée à Brazzaville récemment.
Cette perspective s’accorde avec l’entrée en vigueur progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine, qui ouvre un marché de 1,3 milliard de consommateurs et incite les entreprises congolaises à rayonner au-delà du corridor Pointe-Noire-Kinshasa et Libreville prochainement.
Selon l’économiste Rodrigue Mavoungou, l’appui de solutions privées telles que Joukwa « vient compléter les efforts publics d’amélioration des guichets uniques portuaires », créant un écosystème où l’État fixe les normes et le marché apporte l’agilité technique qui manquait jusqu’alors encore.
Témoignages et perspectives d’experts
Pour Marie-Noëlle Ngatsé, directrice achats d’une société de construction, « le suivi en temps réel limite les litiges ». Elle rapporte une baisse de 15 % des coûts imprévus sur un chantier routier reliant Makoua, bénéfice qu’elle qualifie de « décisif » pour l’entreprise locale.
Du côté des douanes, un officier confie que les interfaces API ouvertes permettront bientôt de pré-valider les manifestes, réduisant l’attente sous hangar. « Nous voulons passer de deux jours à quelques heures », assure-t-il, sans avancer de date précise publique.
L’Agence de régulation des postes et communications électroniques observe néanmoins la nécessité de protéger les données sensibles. Un audit de cybersécurité sera mené au dernier trimestre, apprend-on, preuve que les autorités accompagnent la modernisation tout en préservant les utilisateurs.
Cap sur la ZLECAF et la coopération régionale
SOSEP Groupe prévoit déjà une extension vers le Cameroun et le Gabon, misant sur les couloirs routiers rénovés et les accords bilatéraux récents. La mutualisation des volumes en Afrique centrale devrait renforcer la compétitivité et attirer davantage d’investisseurs logistiques étrangers.
En fin de conférence, le communicateur Ame César Sehossolo a invité les TPE comme les multinationales à rejoindre la plateforme, jugeant que « le futur du commerce africain passe par des solutions conçues par et pour le continent ». Le rendez-vous est lancé.