Une élection sous haute surveillance internationale
Le Palais des sports de Kintélé a vibré le 16 août, transformé en véritable studio électoral. Treize des dix-huit votants ont porté Linda Embendze Noumazalayi au sommet de la Fédération congolaise de handball, sous l’œil attentif des délégués de la Fédération internationale de handball présents en visioconférence.
La Commission électorale indépendante, présidée par l’avocat tunisien Mouadh Ben Zaied, a déroulé un processus calqué sur les standards olympiques. « La transparence était notre boussole », a-t-il résumé, saluant le climat apaisé qui tranche avec les mois de crispation qu’a connus la discipline.
Retour au jeu après une saison chahutée
Crise de gouvernance, suspension d’activités, inquiétudes des clubs : le handball congolais sort d’une zone de turbulences prolongée. L’élection marque donc un point d’arrêt à une saison quasi blanche et ouvre la voie à la reprise des championnats dès la rentrée sportive, confirment plusieurs entraîneurs de ligue.
Jean-Robert Bindelé, directeur général des Sports, y voit « un tournant décisif » pour des athlètes impatients de retrouver salles et supporters. Ce regain d’optimisme s’appuie sur la volonté affichée par la nouvelle présidente de remettre l’athlète au centre de toutes les politiques fédérales.
Le profil d’une gardienne devenue stratège
Ancienne internationale, Noumazalayi a défendu le but des Diables rouges dames durant dix ans, glanant deux quatrièmes places continentales. Son passage par le centre de formation de Poto-Poto puis par l’AS Otohô lui a forgé une réputation de leader déterminée, attentive à la préparation mentale autant qu’à la tactique.
Âgée de quarante-trois ans, elle détient un diplôme de management sportif obtenu à Dakar. Des atouts que son prédécesseur, Ayessa Ndinga Yengué, a salués en personne, venant la féliciter immédiatement après l’annonce des résultats, signe d’une passation sans heurts.
Soutien affirmé des autorités nationales
Le ministère des Sports a joué un rôle clé en facilitant la médiation entre parties rivales. L’implication directe de l’État est perçue comme un gage de stabilité par les observateurs. « Le gouvernement restera un partenaire constant, car le sport est un facteur d’unité », a rappelé Jean-Robert Bindelé.
Cette ligne rejoint la stratégie nationale qui promeut les disciplines collectives comme vecteur de cohésion dans la jeunesse urbaine. Les financements publics devraient soutenir la réhabilitation de salles et la formation d’arbitres, deux chantiers que la nouvelle équipe inscrit en tête de son plan d’action triennal.
Feuille de route : cohésion, formation et visibilité
Devant l’assemblée, la présidente a décliné trois priorités : réconcilier les clubs, renforcer les pôles espoirs et vendre le produit handball auprès des annonceurs. Elle promet un audit financier dès septembre, suivi d’un séminaire technique réunissant entraîneurs de toutes les ligues pour harmoniser les méthodes.
Le retour d’un championnat féminin pleinement structuré figure aussi parmi les urgences. Noumazalayi souhaite profiter de l’élan donné par la Coupe d’Afrique des Nations 2026, pour laquelle Brazzaville envisage une candidature, afin de hisser les sélections nationales dans le Top 5 continental.
Un rôle modèle pour la représentation féminine
Deuxième femme de l’histoire à diriger la Fécohand, après Émilienne Charlotte Lekoundzou, Noumazalayi devient un symbole de progression. « Cette élection envoie un message d’empowerment à toutes les sportives du pays », se réjouit Jeanne Claudette Bouesse du Comité olympique, rappelant que 38 % des licenciés handball sont désormais des femmes.
Des programmes spécifiques de détection dans les établissements scolaires de Brazzaville et Pointe-Noire devraient suivre, avec un encadrement mixte pour dépasser les stéréotypes encore tenaces dans certains clubs de quartier.
Partenariats et diplomatie sportive régionale
Sur le plan international, la Fécohand vise à relancer les échanges avec les fédérations sœurs du Gabon et de la RDC. Des tournois triangulaires sont en discussion pour 2024, initiative appuyée par la zone IV de la Confédération africaine de handball.
Le président de cette zone, le Camerounais Raymond Mbita, salue « l’exemple congolais de résolution pacifique de conflits sportifs », notant que la présence d’observateurs africains et européens a renforcé la crédibilité du scrutin, élément essentiel pour attirer des sponsors multinationaux.
Perspectives économiques pour les clubs
Le handball congolais fonctionne encore majoritairement sur fonds propres des présidents de clubs. La nouvelle direction promet un modèle hybride, associant subventions, mécénat et billetterie. Un cahier des charges précis, inspiré de la fédération française, sera soumis aux équipes élites.
L’objectif est de créer, d’ici trois saisons, une ligue professionnelle capable de générer des emplois directs pour les joueurs et le staff. Les discussions avancées avec une chaîne locale sur la retransmission en clair des matchs constituent un premier pas vers cette professionnalisation.
Un engouement populaire à consolider
Malgré les turbulences récentes, le handball conserve une base fidèle, notamment dans les arrondissements de Makélékélé et Moungali où les terrains de rue restent animés. Les supporters, parfois frustrés par l’arrêt des compétitions, accueillent avec soulagement le retour annoncé des derbys.
La fédération envisage des actions culturelles autour des matchs : concerts de jeunes artistes, stands culinaires et animations digitales pour renforcer l’expérience des spectateurs et séduire la génération connectée, cible clé pour les partenaires.
Cap sur la performance internationale
Le staff technique national table sur une qualification au prochain Championnat d’Afrique féminin prévu au Cap. Les athlètes expatriées, notamment la pivot Nathalie Nsangou en France, ont déjà reçu des convocations préliminaires, signe d’une sélection ouverte au dialogue.
En paralèlle, un projet pilote de handball scolaire soutenu par l’UNESCO vise à élargir la pyramide de développement. La direction fédérale compte sur ces leviers pour hisser à moyen terme les Diables rouges vers une première participation aux Jeux Africains depuis 2015.