Oyo accueille une délégation belge de haut rang
C’est dans la moiteur de la Cuvette que l’Airbus officiel belge s’est posé dimanche soir sur le tarmac d’Ollombo, marquant la première visite en République du Congo de Maxime Prévot, vice-premier ministre et chef de la diplomatie du royaume.
Vingt-quatre heures plus tard, Denis Sassou Nguesso l’a reçu dans sa résidence d’Oyo, où le chef de l’État passe traditionnellement une partie de la saison sèche, loin de l’effervescence brazzavilloise mais toujours au travail, insistent ses collaborateurs.
La conversation, tenue à huis clos avant l’élargissement aux équipes ministérielles, a duré plus de deux heures et a porté sur la coopération bilatérale, la situation sécuritaire dans la sous-région et les questions globales telles que la transition énergétique.
Un héritage diplomatique de plus de six décennies
Les relations Congo-Belgique remontent à 1961, date de l’établissement officiel des liens diplomatiques, rappelle le ministère congolais des Affaires étrangères, qui recense une demi-douzaine d’accords majeurs couvrant l’économie, la formation, la santé et l’aviation civile.
La convention de 1984 sur la médecine préventive, souvent citée par les experts, a soutenu la vaccination infantile dans plusieurs districts ruraux, tandis que l’accord financier de 1987 a facilité le lancement de la Société nationale des postes et de l’épargne.
Pour Maxime Prévot, « cet héritage solide mérite d’être modernisé afin de répondre aux défis de 2030, notamment la digitalisation et les chaînes de valeur vertes », confie-t-il à la presse après l’audience, saluant « un interlocuteur attentif et visionnaire ».
Économie: diversification et investissements croisés
Le Congo prévoit d’augmenter de 20 % la part du secteur hors pétrole dans son PIB d’ici cinq ans, selon le Plan national de développement 2022-2026; la Belgique, forte de son savoir-faire portuaire et logistique, apparaît comme un partenaire de choix.
À Oyo, les deux parties ont discuté d’un projet de modernisation du port de Pointe-Noire, incluant un terminal frigorifique pour les produits halieutiques et agricoles, destiné à réduire le coût des importations alimentaires et à soutenir la pêche artisanale.
La Société nationale des pétroles du Congo a, par ailleurs, signé un protocole d’intention avec Fluxys, opérateur gazier belge, afin d’étudier la valorisation du gaz associé et la production de GNL pour le marché domestique et la sous-région.
Transition énergétique et coopération scientifique
Le Congo dispose d’un potentiel hydroélectrique estimé à 3 000 MW, mais moins d’un tiers est actuellement exploité; Bruxelles propose un appui technique pour optimiser les barrages de Liouesso et de Sounda, tout en développant des mini-centrales solaires communautaires.
« La recherche appliquée autour du carbone forestier nous permettra d’affiner les données internationales et d’accéder à de nouveaux financements climat », estime le professeur Michel Itoua, doyen de la faculté des sciences, soulignant l’intérêt convergent des deux pays pour l’environnement.
Sécurité régionale et diplomatie concertée
Au-delà des dossiers économiques, les échanges ont abordé la situation à l’Est de la RDC, la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée et la coopération au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Denis Sassou Nguesso, médiateur reconnu dans plusieurs crises régionales, a rappelé sa volonté de « privilégier le dialogue » et a salué l’appui européen aux initiatives de Paix de Luanda, selon un communiqué de la présidence rendu public en soirée.
Maxime Prévot a indiqué que la Belgique soutiendra la montée en puissance de l’Académie de police d’Owando via des formations en cyber-sécurité, un domaine crucial pour prévenir la radicalisation en ligne et protéger les infrastructures critiques de la sous-région.
Culture et jeunesse, vecteurs d’un rapprochement durable
La visite a également mis en lumière le prochain Festival panafricain de musique de Brazzaville, où la Belgique entend envoyer une délégation d’artistes électro-afro et de troupes hip-hop, illustrant une diplomatie culturelle jugée efficace auprès des publics urbains.
Un accord de coproduction audiovisuelle a en outre été paraphé entre Télé Congo et la chaîne publique RTBF; il prévoit la création d’une série documentaire sur la transformation des métropoles africaines, dont un épisode pilote sera tourné sur les deux rives du fleuve.
« Les jeunes Congolais aspirent à raconter leurs réalités sur des plateformes globales; ce partenariat leur ouvrira des portes », se réjouit Léontine Mokoko, ministre de l’Enseignement supérieur, soulignant la dimension formatrice de la coopération audiovisuelle.
Perspectives immédiates et agenda commun
Avant de quitter Oyo, Maxime Prévot a annoncé la tenue à Bruxelles, en février prochain, d’un forum économique consacré au Congo, avec la participation des ministres congolais des Finances, de l’Énergie et des PME, ainsi qu’un pavillon dédié aux start-ups brazzavilloises.
De son côté, Denis Sassou Nguesso devrait effectuer une visite de travail en Belgique après la session ordinaire de l’Union africaine, une séquence perçue par les observateurs comme un signal de la consolidation du partenariat stratégique entre les deux capitales.
En filigrane, la rencontre d’Oyo témoigne de la volonté conjointe de densifier un dialogue mature, mettant l’accent sur l’inclusion des jeunes, la sécurité et la transition verte, trois leviers jugés essentiels pour une coopération gagnant-gagnant et durable.