Une feuille de route saluée par tous
Les portes du centre de conférence de Bacongo ont refermé leurs battants sur un consensus rare : l’adoption officielle de la version consolidée de la Stratégie et du Plan d’Actions National sur la Biodiversité, horizon 2025-2030, communément appelée Spanb.
Porté par le ministère de l’Environnement et appuyé par le PNUD, le document fixe un cadre clair pour préserver des écosystèmes variés, des forêts marécageuses du Kouilou aux savanes du Niari, sans négliger les zones urbaines en rapide expansion.
En clôturant l’atelier, la ministre Arlette Soudan-Nonault a parlé d’« une boussole nationale », rappelant que la biodiversité « soutient notre agriculture, notre eau et même notre identité ». Un engagement applaudi par un auditoire mêlant élus, chercheurs et entrepreneurs verts.
L’adhésion ne s’est pas limitée à la salle. Sur les réseaux sociaux brazzavillois, hashtags et vidéos relayant les coulisses de la rencontre ont enregistré plusieurs milliers de vues, reflet d’un intérêt citoyen croissant pour les sujets climatiques et de développement durable.
Objectifs alignés sur Kunming-Montréal
Le Spanb traduit au niveau national les cibles adoptées l’an dernier lors de la COP15 Biodiversité, dite cadre Kunming-Montréal, qui prévoit de protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030 tout en restaurant les écosystèmes dégradés.
Cette ambition trouve un écho particulier au Congo, pays couvert à 65 % de forêts, dont la mosaïque d’aires protégées s’étend du parc de Nouabalé-Ndoki au récent corridor écologique du Lac Télé-Likouala.
La Directrice générale du Développement durable, Rosine Olga Mayela Ossombi, insiste : « Notre plan ne se contente pas de chiffres, il intègre la valorisation des savoirs endogènes et la recherche scientifique de pointe afin de garantir des décisions basées sur la preuve ».
Pour le PNUD, représenté par Hollande Nziendolo, cet alignement « place le Congo sur la trajectoire des objectifs de l’Agenda 2030 ». L’agence onusienne promet un appui technique continu, notamment pour la cartographie participative des habitats critiques.
Des communautés au cœur de la stratégie
Le document réserve un chapitre entier aux droits des populations autochtones, longtemps gardiennes des forêts. Les chefs de communautés de Pokola et d’Impfondo ont rappelé leur volonté de participer aux patrouilles de surveillance et aux programmes de restauration.
« Sans les savoirs locaux, aucune conservation durable n’est possible », argumente le professeur Boteba, écologue à l’Université Marien-Ngouabi, soulignant que les itinéraires de chasse traditionnels renseignent déjà les chercheurs sur la dynamique des espèces clés.
L’expertise féminine est également mise en avant. À Bacongo, les coopératives de transformation du manioc recevront des formations sur la culture biologique afin de réduire l’usage de pesticides qui contaminent les rivières et affectent la santé des quartiers riverains.
Les jeunes, enfin, sont sollicités via un prochain concours d’innovations vertes. Le ministère prévoit d’équiper dix start-up en drones légers pour cartographier les mangroves, un moyen d’allier numérique et écologie dans l’écosystème naissant de la tech congolaise.
Financement et gouvernance verte
Chiffré à près de 150 milliards de francs CFA sur six ans, le plan reposera sur un mix de financements publics, de partenariats privés et de mécanismes innovants comme les crédits carbone volontaires adossés au massif forestier du Nord.
La Banque de développement des États d’Afrique centrale a déjà annoncé un guichet vert. Selon son directeur de programme, 20 % des ressources seront réservées aux PME locales capables de créer des emplois verts dans la transformation du bambou ou l’écotourisme fluvial.
Pour garantir la transparence, un comité multisectoriel suivra les indicateurs. Il publiera chaque semestre un tableau de bord accessible en ligne, indiquant l’évolution des couverts forestiers, des revenus communautaires et du nombre d’espèces sous statut de conservation renforcé.
« La gouvernance ouverte est la meilleure assurance contre l’échec », assure l’économiste Clément Mabiala, membre du comité, qui plaide pour des audits indépendants et la diffusion de données brutes pour alimenter les travaux des start-up et des universités.
Prochaines étapes : de la parole aux actes
Dès novembre, un atelier technique définira la feuille de route des douze premiers mois, avec un accent sur la lutte contre le braconnage et la plantation d’essences locales autour de Brazzaville pour verdir les nouveaux lotissements.
Les équipes du ministère testeront également un système d’alerte SMS, permettant aux pêcheurs du fleuve Congo de signaler instantanément les pollutions ou captures illicites. Une première dans la sous-région, citée par plusieurs experts comme catalyseur d’engagement populaire.
À plus long terme, l’objectif est d’inscrire la biodiversité dans chaque politique sectorielle, de l’éducation à la santé. Les manuels scolaires intègreront, dès 2026, des modules sur les espèces endémiques et les gestes éco-citoyens adaptés au contexte national.
La ministre Soudan-Nonault résume l’esprit de la démarche : « Protéger ne rime pas avec freiner le développement. Au contraire, c’est la condition d’une croissance verte capable de créer des emplois et de renforcer notre souveraineté alimentaire ». Un message qui fait écho.