Une rupture qui fait date
Dimanche soir, la Fédération congolaise de handball a créé la surprise en annonçant son retrait immédiat de la Chambre de conciliation et d’arbitrage de sport. Une décision rare qui vient conclure un congrès extraordinaire suivi de près par la communauté sportive de Brazzaville.
Réunis le 18 août 2025, délégués de clubs, capitaines des Diables rouges, arbitres et présidents de ligues ont voté à l’unanimité la suppression de l’article 34 des statuts, lequel imposait la Ccas comme étape obligatoire avant tout recours international.
« Nous voulons des procédures plus rapides et moins coûteuses », explique la présidente Linda Embendze Noumazalayi, rappelant que le handball national vise désormais la qualification olympique, un horizon exigeant une gouvernance irréprochable et des conflits traités sans retard.
Les zones d’ombre de la Ccas
Instituée en 2005, la Ccas devait initialement offrir une justice sportive indépendante, inspirée du Tribunal arbitral du sport. Ses décisions ont pourtant suscité des critiques, certaines fédérations estimant qu’elles débordaient leur champ et qu’elles fragilisaient les règlements adoptés démocratiquement.
Dans le handball, le point d’orgue est survenu lors du litige opposant deux clubs de Pointe-Noire en 2023 ; la sentence de la Ccas avait alors inversé un classement validé par la fédération, provoquant la colère des supporters et de nombreux sponsors.
Pour Philippe Etou, juriste du sport à l’Université Marien-Ngouabi, « la crise de confiance est installée ; quitter la Ccas est un moyen pour la Fécohand de reconquérir sa base tout en demeurant conforme aux règles de la Confédération africaine ».
Conséquences pour les clubs et les joueurs
Le retrait entraîne le renforcement du Conseil de discipline fédéral, qui devient désormais l’organe de premier ressort. Au-delà, les appels devront passer par la Confédération africaine de handball, puis par la Fédération internationale si nécessaire.
Cette nouvelle architecture fait économiser des frais de procédure rarement supportables pour les clubs provinciaux. Les formations de Dolisie ou d’Oyo, souvent freinées par les coûts, saluent un « souffle d’équité », selon le président du club de la Garde républicaine.
Cependant, quelques voix craignent un repli institutionnel. « Le risque est de juger maison, or la crédibilité repose sur l’extérieur », avertit l’ancien international Junior Moukouba. La fédération répond par la publication prochaine d’un code d’éthique et par l’ouverture de ses audiences au public.
Construire une justice sportive locale
Dès septembre, un séminaire sur la médiation sportive réunira juges, dirigeants et représentants de joueurs. L’objectif est de créer un vivier d’arbitres-conciliateurs formés aux réalités locales et aux standards de la Fédération internationale de handball.
Une plateforme numérique, déjà en test, permettra le dépôt des plaintes et le suivi des dossiers en temps réel. Cette innovation répond à la jeunesse connectée du pays et pourrait devenir un modèle régional selon un rapport interne consulté par notre rédaction.
Le ministère des Sports, par la voix de Chaptellain Ngouama, assure un accompagnement juridique. « Nous respectons l’autonomie fédérale, mais nous veillons à l’alignement sur les normes internationales pour garantir aux athlètes une protection optimale », a-t-il déclaré en marge du congrès.
Réactions nationales et régionales
Pour les supporters, la question prioritaire reste la relance des compétitions nationales, interrompues plusieurs fois par des litiges. Le championnat élite devrait reprendre en octobre avec un calendrier condensé afin de permettre aux internationaux de préparer la prochaine Coupe d’Afrique.
Les sponsors, eux, souhaitent des garanties. Selon le directeur marketing d’une grande société brassicole, « chaque contentieux non résolu pèse sur les budgets de visibilité ». La fédération envisage des contrats-types intégrant des clauses arbitrales claires pour rassurer les partenaires.
Au niveau académique, plusieurs mémoires d’étudiants en droit du sport se penchent déjà sur « l’après-Ccas ». Ils y voient une opportunité de créer un précédent africain où les fédérations renforceront leurs tribunaux internes tout en conservant un recours ultime à Lausanne.
Sur le plan international, la Confédération africaine de handball a pris acte du retrait congolais. Un communiqué souligne que « chaque association nationale dispose de la liberté d’organiser sa justice interne », tout en rappelant l’obligation de garantir un droit d’appel impartial aux parties concernées.
Dans les coulisses, certains observateurs espèrent que la démarche de la Fécohand stimulera une réforme plus large de la Ccas. Les disciplines majeures, football en tête, suivent l’évolution avec attention, conscientes que l’équilibre entre autonomie fédérale et régulation centrale reste fragile.
Vers une modernisation plus large
Au final, le retrait n’est qu’un chapitre d’une refonte statutaire plus vaste qui inclut le renforcement des commissions féminine et jeunesse, l’adoption d’une charte environnementale pour les tournois et la création d’un fonds de solidarité destiné aux clubs scolaires des quartiers périphériques.
Un calendrier précis de mise en œuvre sera dévoilé début octobre.