Enjeux de la première édition
Pendant deux jours d’août, la Faculté des lettres, arts et sciences humaines a accueilli ses premières journées doctorales, initiative inédite à l’Université Marien-Ngouabi. Dans les amphithéâtres de la Flash, mastérants et doctorants ont pris la parole, soucieux de situer leurs travaux dans les grands débats contemporains.
L’événement, parrainé par le doyen Evariste Dupont Boboto, se voulait un moment de partage intergénérationnel. « La faculté respire à nouveau », a-t-il confié, saluant la mobilisation d’enseignants-chercheurs expérimentés déterminés à transmettre méthodes de recherche et confiance en soi à leurs cadets.
Deux axes structurants
Autour de deux axes, « problématiques de la recherche en littératures francophones » et « professionnalisation des formations culturelles », les séminaires ont mis les étudiants au centre du dispositif. Chacun devait présenter une communication de dix minutes avant les échanges, exercice exigeant mais formateur selon les participants.
Le professeur Dieudonné Moukouamou-Mouendo a ouvert les discussions en revenant sur la notion même de littératures francophones. Pour lui, le pluriel s’impose, tant le corpus, né au XIXe siècle, relève d’expériences linguistiques, historiques et sociales disparates. Il recommande une lecture comparatiste capable de révéler ces entrecroisements.
Littératures francophones : cadres théoriques
Abordant méthodologie, le conférencier a plaidé pour une recherche pluridisciplinaire : linguistique, anthropologie, sociologie, mais aussi histoire de l’art et études de genre. « Nos textes respirent la mosaïque », a-t-il souligné, invitant les jeunes chercheurs à croiser archives coloniales, enquêtes de terrain et analyses stylistiques.
Professionnaliser les cursus littéraires
Le deuxième séminaire, conduit par Bienvenu Boudimbou, a déplacé le débat vers l’employabilité. Partant du constat qu’une majorité d’élèves choisissent les séries littéraires mais peinent ensuite à trouver un débouché, il a interrogé les curricula, encore trop centrés sur la théorie au détriment des compétences pratiques.
Pour le chercheur, plusieurs freins persistent : absence d’ateliers numériques, faibles partenariats avec entreprises et médias, représentations sociales dévalorisantes. « Tant que l’on pensera qu’un licencié en lettres n’a qu’à enseigner, nous perdrons des talents », a-t-il prévenu, invitant à revoir grilles horaires et évaluations.
Métiers culturels et numérique
S’appuyant sur des exemples congolais, il a listé les nouveaux métiers culturels : production cinématographique, gestion de festivals, podcasting, ingénierie du son, design narratif pour jeux vidéo. À l’ère des plateformes, expliquait-il, « le clic vaut du fric » ; les diplômés doivent savoir raconter, coder et monétiser.
Sur le terrain, plusieurs étudiants perçoivent déjà l’impact de ces recommandations. Marcia, doctorante en arts du spectacle, raconte avoir inclus un module de production de contenus TikTok dans son projet de thèse. « Les archives ne dorment plus, elles se mettent en scène », explique-t-elle, sourire en coin.
Accompagnement et ressources
En marge des ateliers, le laboratoire Ellic a présenté ses programmes d’accompagnement : tutorat par pairs, relectures croisées et simulations de soutenances. Le responsable, le professeur Anatole Banga, insiste sur la régularité : « Nous voulons que chaque chapitre réponde à un besoin sociétal, pas seulement académique ».
Le doyen Boboto a profité de la tribune pour annoncer la prochaine mise en réseau des fonds documentaires de la Flash avec les bibliothèques centrales. L’opération, déjà budgétisée, prévoit un portail d’accès ouvert aux chercheurs de l’intérieur du pays, renforçant ainsi l’équité territoriale chère aux autorités.
Premiers résultats encourageants
Côté participants, la satisfaction domine. Selon un sondage express de l’association doctorale, 92 % des inscrits estiment avoir clarifié leur problématique et 87 % se disent motivés pour déposer un article dans une revue indexée. Un score jugé « encourageant » par les encadrants, malgré l’exigence des critères internationaux.
Partenariats et témoignages
Si cette première édition a séduit, c’est aussi grâce au soutien logistique du rectorat et de partenaires locaux, dont une maison d’édition brazzavilloise qui a offert l’impression des actes. La synergie public-privé apparaît ici comme un modèle reproductible pour dynamiser d’autres facultés nationales.
« Nous repartons avec un carnet d’adresses et des idées concrètes », résume Pascal, mastérant en linguistique. À ses côtés, Clarisse, spécialisée en patrimoine, se dit « rassurée sur la possibilité de vivre de la culture sans quitter Brazzaville ». Les deux envisagent déjà un projet collaboratif.
Perspectives et rayonnement
Forts de ce succès, les organisateurs annoncent déjà une seconde édition axée sur l’entrepreneuriat culturel et la recherche-action. L’idée est d’intégrer des ateliers de prototypage numérique, mais aussi des master classes avec des professionnels africains et internationaux, afin d’élargir encore les visions des doctorants.
Avec ces journées doctorales, la Flash illustre la mutation en cours de l’université congolaise : plus ouverte, plus connectée, plus tournée vers les retombées économiques. Les prochains mois diront comment ces intentions se matérialisent, mais la graine semble semée dans l’esprit des jeunes chercheurs brazzavillois.
L’université prévoit également de diffuser les conférences en ligne, ouvrant la porte aux doctorants de Pointe-Noire, de Dolisie ou d’Oyo. Ce dispositif de visioconférence, financé par le ministère de l’Enseignement supérieur, doit renforcer l’attractivité du système congolais auprès des étudiants étrangers de la sous-région.
À moyen terme, les organisateurs ambitionnent la création d’un prix de la meilleure communication, doté par des entreprises culturelles locales. L’objectif est double : récompenser l’excellence scientifique et stimuler le transfert de connaissances vers le marché. Une campagne de mécénat sera lancée dès la rentrée universitaire.