Les consultations pour un agenda ambitieux
Les salves d’applaudissements ont rythmé, le 19 août, le lancement officiel des consultations nationales du Parlement des enfants. Dans la grande salle du ministère de la Jeunesse, Charles Makaya a donné le ton d’un processus qui doit porter, jusqu’à Dakar, les attentes d’une génération entière.
Ces séances d’écoute s’inscrivent dans la dynamique régionale menée par l’Unicef et ses partenaires pour dessiner un agenda des droits des filles. L’objectif est clair : collecter des propositions concrètes capables d’orienter politiques publiques, programmes et budgets dans vingt-quatre pays d’Afrique centrale et de l’Ouest.
Brazzaville, caisse de résonance des filles congolaises
Autour des micros, la présidente Grâce Fréderic Baboutila Babingui rappelle que beaucoup de « petites sœurs » restent privées d’école ou accaparées par les tâches domestiques. Son plaidoyer, applaudi, vise à traduire en faits l’égalité affirmée dans les textes nationaux et internationaux ratifiés par la République du Congo.
Les jeunes parlementaires se succèdent, évoquant mariages précoces, violences basées sur le genre, manque de sanitaires adaptés ou coût des fournitures. L’émotion laisse vite place à la méthode : les revendications sont consignées, triées puis validées dans l’hémicycle enfant pour rejoindre la plateforme numérique régionale.
Éducation et santé, nerfs de la bataille
Sur les bancs, l’école reste le premier front. Le rapport sur la scolarisation des filles 2017-2025, rappelé par la délégation du ministère de l’Éducation, vise à réduire les écarts d’inscription et d’achèvement entre filles et garçons, notamment dans les zones rurales et périphériques.
Côté santé, l’approche « Intentionnelle Fille » de l’Unicef cible accès aux services adolescents, protection menstruelle et prévention des grossesses précoces. « Renforcer la place des filles dans les politiques publiques reste l’axe cardinal », insiste Felana Ali Derson, responsable éducation de l’agence onusienne, rappelant l’importance de données fiables.
Normes sociales, le chantier de la transformation
Les participants reconnaissent que les freins relèvent aussi des mentalités. Dans certains quartiers de Brazzaville, une adolescente sur deux témoigne subir au moins une forme de violence, selon la première étude nationale publiée en 2020. Les réseaux sociaux démultiplient ces risques, exposant filles et garçons à de nouveaux abus.
Pour inverser la tendance, le ministère de la Promotion de la femme mise sur des campagnes scolaires vantant les filières scientifiques et l’entrepreneuriat féminin. Dans les arrondissements, associations et chefs coutumiers sont mobilisés afin de déconstruire, dans la proximité, stéréotypes et hiérarchies qui assignent les filles aux seconds rôles.
Leadership juvénile et pouvoir de recommandation
Au-delà du diagnostic, les jeunes députés rédigent des propositions visant l’ODD 4, l’ODD 5 et l’ODD 10. L’exercice servira de brouillon au document final qui sera défendu par une délégation congolaise, majoritairement féminine, devant les pairs de la région lors du sommet d’octobre.
Dans les travées, on chuchote que les avis des garçons comptent aussi. « Leur soutien est indispensable pour transformer durablement les rapports de genre », note un encadreur. Le Parlement des enfants cultive ainsi une approche inclusive où chaque jeune, quel que soit son sexe, est invité à participer.
Un cadre légal en évolution constante
Adoptée en 2022, la loi contre les violences faites aux femmes élargit la définition des infractions et allonge les délais de prescription. Elle punit aussi toute entrave policière à l’action judiciaire. Le décret créant le programme national de lutte offre, depuis la même année, une architecture opérationnelle.
Ces avancées s’ajoutent à la stratégie sectorielle de l’éducation 2020-2030, qui prévoit plus de collèges de proximité et des bourses destinées aux élèves vulnérables. Les gestionnaires rappellent que le financement reste l’enjeu central, car chaque nouvelle salle de classe représente un pas concret vers l’égalité réelle.
Les défis encore sur la route de l’égalité
Malgré l’arsenal normatif, une adolescente sur cinq abandonne encore le secondaire, d’après les données 2022 du ministère de l’Enseignement général. La flambée des prix des manuels, couplée aux distances entre domicile et lycée, demeure l’un des premiers facteurs de rupture du parcours scolaire.
L’accès à Internet, bien que croissant, expose à la cyber-violence. Le rapport 2020 mentionne insultes, harcèlement et diffusion non consentie d’images touchant massivement les adolescentes urbaines. Les autorités planchent sur un texte spécifique régulant les plateformes, tandis que des clubs numériques de prévention apparaissent dans plusieurs établissements de Brazzaville.
Dakar en ligne de mire, espoirs partagés
Avant de refermer la session, Charles Makaya a souligné que les propositions locales doivent rester réalistes, chiffrées et compatibles avec la feuille de route gouvernementale. « Notre ambition est de bâtir une société résiliente où chaque fille trouve sa place », a-t-il déclaré sous les applaudissements.
Les conclusions nationales seront compilées avec celles du Bénin, du Cameroun ou du Sénégal pour un agenda commun. Si l’événement de Dakar n’est qu’une étape, il incarne déjà, pour la jeunesse congolaise, la conviction que la parole féminine peut dessiner l’avenir du continent.
Au sortir des discussions, plusieurs adolescentes disent avoir, pour la première fois, l’impression d’être écoutées au plus haut niveau. Cette dimension symbolique, notent les sociologues présents, nourrit la confiance civique et pourrait favoriser la participation des jeunes aux prochaines consultations locales et électorales.